Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Binge.audio : le podcast tient-il sa revanche face à la vidéo ?

Qui ?
David Carzon, directeur général délégué et associé de la plateforme Binge.Audio, co-fondée en 2015 par Joël Ronez et Gabrielle Boeri-Charles.

Quoi ?
Un zoom sur le secteur des podcasts, en plein renouvellement, à travers l'exemple d'une start-up bien déterminée à accompagner ce mouvement.

Comment ?

Les podcasts sont-ils en train de renaître ? Ringardisés sur le web par le boom de la vidéo, ils sont souvent réduits à un simple outil de rattrapage de la radio linéaire. En 2014, le podcast "Serial" avait créé l'événement outre-Atlantique, en devenant le premier programme à dépasser les 5 millions de téléchargements et d'écoutes en streaming. Mais, il a fallu attendre l'apparition des enceintes connectées pour assister à un véritable regain d'intérêt : le New York Times a trouvé la bonne formule avec "The Daily", un programme quotidien d'actualité (lire notre article). Slate US réalise 25% de ses revenus avec, des marques "digital native" comme Away ou Casper se sont approprié ce support, Spotify et Deezer proposent un catalogue de podcasts. Même Netflix a lancé le sien.

En France, l'Equipe a lancé son programme audio dédié au rugby à l'automne 2017, quelques semaines après l'annonce par France Culture de son premier "podcast natif". Et début 2018, c'est le groupe Les Echos qui inaugure "Tech Off", un podcast bi-mensuel.

En fait, les podcasts n'ont jamais vraiment disparu. "Les grands médias avaient arrêté d'en faire, mais la communauté n'avait pas abandonné : c'est ça qui fait le terreau aujourd'hui du podcast en France" estime David Carzon. Cet ancien de Libération a rejoint en août 2017 Binge.Audio, la plateforme fondée en 2015 par Joël Ronez, ex-directeur des nouveaux médias à Radio France. "Les podcasts répondent à des besoins d'aujourd'hui : on en a assez de voir l'information défiler, en mode flux. Alors que tout va trop vite, le podcast permet de s'arrêter un moment, de se poser. Il a l'avantage d'être beaucoup plus captif que d'autres médias. Et en termes de relation avec le contenu, c'est le plus fort, il y a une véritable intimité."

Avec ses programmes "NoFun", "NoTube", "NoCiné", "Les couilles sur la table" ou "Superhéros"... La plateforme cible les moins de 35 ans. Trois types de contenus cohabitent : des "histoires vraies", de véritables séries narratives, "construites à la manière des séries télé, avec les codes issus de la télévision, du documentaire et du journalisme", des émissions autour de la "pop culture" et des programmes sur les questions de société. Dans les cartons : Binge.Actu, pour traiter l'information façon podcast. "Le traitement de l'actualité en podcast, ça n'existe pas en dehors de la radio. On avance de manière empirique : on teste actuellement plein de formes différentes pour traiter l'actualité, les sujets de société, et, à terme, les news plus chaudes"

Aux côtés des programmes conçus pour répondre à un besoin identifié, Binge.Audio répond aussi à des commandes, comme celle d'Universal, pour la sortie du film "Les Heures Sombres", qui a donné naissance à la fiction historique "1940, Winston devient Churchill". Ou encore celle de l'Université Paris Saclay, avec "La bonne graine", des portraits de chercheurs et étudiants. "C'est du brand content : on se met d'accord avec le client sur le territoire, et on travaille ensuite comme pour tous nos autres programmes. Ce sont des émissions qu'on porte et qu'on peut revendiquer." Un comité éditorial valide toutes les collaborations commerciales.

Certains podcasts sont sponsorisés, d'autres co-distribués. L'expertise des six permanents de l'équipe commence aussi à intéresser des médias, comme L'Equipe, qui s'appuie sur les compétences techniques de Binge.Audio pour produire son podcast sur le rugby. Un modèle freemium pourrait aussi voir se mettre en place. En attendant, une levée de fonds est en préparation, pour renforcer les capacités d'investissement de la start-up, qui a bénéficié du soutien de business angels et du crowdfunding, via une campagne sur Ulule.

"On rentre plus vite dans un podcast que dans une émission de radio. Le ton est plus libre et plus direct. Chaque programme est fait pour toucher un public, on peut imaginer des contenus dédiés aux podcasts, pas conçus pour remplir une case et parler au plus grand nombre. Chacun est construit en fonction du temps qu'on veut consacrer au sujet." En prime, l'incarnation et la dimension communautaire du podcast sont bien plus fortes qu'à la radio : "Victoire Tuaillon, qui anime 'Les couilles sur la table', par exemple,  incarne son podcast aussi sur les réseaux sociaux, dans des conférences..."

Pour séduire les marques, reste une question centrale : la mesure de l'audience. "Nous sommes en train d'essayer d'unifier différents acteurs du podcast pour avoir une mesure commune et faire avancer les choses... Les outils actuels ne nous permettent pas d'avoir des données qualitatives sur les gens qui nous écoutent. Mais par des biais détournés, on arrive à voir qu'on touche bien la cible des moins de 35 ans, celle que l'on veut toucher." Sur la mesure quantitative de l'audience, des outils comme Podtrac font référence. En janvier 2018, les différents podcasts de Binge.Audio ont ainsi généré une audience cumulée de 550 000 contacts sur le mois. Surtout, en moyenne, les programmes sont écoutés à 80% une fois lancés. "Nos chiffres sont moins pipeau que ceux du visionnage des vidéos sur Facebook."

Quid des enceintes connectées, de Google Home à Alexa d'Amazon en passant par l'Homepad d'Apple ? "Forcément, le développement des usages passera par des outils plus adaptés. Concernant les enceintes connectées, nous n'en sommes qu'au stade de la réflexion. Depuis le début, on segmente tous nos programmes, avec toutes les méta-données qu'ils faut, pour pouvoir aller sur ces plateformes. Dans la structure des podcasts on intègre aussi cette réflexion." Par exemple, chaque épisode de "NoCiné" ne parle pas de cinéma en général, mais d'un film en particulier, ce qui favorise son indexation et sa découverte. "Nous attendons surtout la sortie d'Amazon Echo, qui a l'air d'être l'outil le plus développé. On réfléchit à comment être présent, pour quoi faire, avec quel modèle... ce n'est pas notre priorité, mais on regarde le sujet de très près."

Benoit Zante

Publicite

XX résultats

Oups! votre recherche
n’a donné aucun résultat !