Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Les 4 secteurs dans lesquels la Chine veut devenir un moteur d’innovation

Qui ?
Laure de Carayon, organisatrice de l'événement China Connect à Paris.

Quoi ?
Automobile, Retail, Divertissement, santé : 4 sujets sur lesquels les entrepreneurs chinois entendent bien jouer un rôle moteur, à l'occasion de l’édition 2016 de la Global Mobile Internet Conference qui avait lieu à Beijing.

Comment ?

1/ La voiture : "un mobile sur quatre roues"

Rui Ma, Partner de 500 Startups et habituée de GMIC a beau souligner que dans le contexte actuel de ralentissement des levées de fonds, "les entrepreneurs ont une idée claire de leur business models et sont prudents sur ce qu'ils font", la stratégie "Shoot First, Monetize Later" est toujours le mot d'ordre chez des leaders comme LeEco, Tencent, Baidu, ou encore chez Future Mobility Corp, financé par Tencent, qui vient de débaucher trois managers de BMW pour son projet de véhicule électrique encore secret.

Chaque année confirme toujours davantage la confiance des entreprises chinoises dans leur capacité à concevoir des produits compétitifs aussi bien pour leur marché que pour l'international. En témoigne Jia Yueting, le frondeur et visionnaire fondateur et CEO de LeEco, géant chinois qui vient d’inaugurer un nouveau siège à San José en Californie et qui est présent dans la vidéo en streaming, le mobile, l'e-commerce ou l'automobile connectée, mais moins connu que le trio des "BAT" (Baidu, Alibaba, Tencent).

Lors de l'Auto Show de Beijing qui se tenait au même moment que GMIC, Jia Yueting a taclé Apple, aussi à l'offensive sur le sujet de la voiture autonome : "Le design des produits Apple est dépassé, obsolète, l’innovation d’Apple est devenue très lente ce qui explique en partie la baisse de ses ventes en Chine"... Il a aussi nargué Tesla, en présentant son nouveau modèle, LeSee : "Nous considérons la voiture comme un appareil mobile intelligent sur quatre roues. Nous espérons surpasser Tesla et prendre le leadership de l’industrie, en ouvrant une nouvelle ère de l’automobile." Le fondateur de LeEco imagine un modèle inédit, inspiré par la téléphonie : à terme, le véhicule serait fourni gratuitement et financé par la diffusion de contenus payants...

Pour sa part, Baidu développe depuis 2 ans avec BMW une voiture sans chauffeur, annoncée pour 2018. A GMIC, il lançait officiellement son service de cartographie “4K Map” encore plus détaillé et intuitif. Le business model de la voiture connecté ? "Nous nous préoccuperons du business model plus tard" explique Robin Li, le CEO de Baidu. C'est donc la course (aux dépenses) pour prendre position sur le premier marché automobile mondial.

2/ Santé : le smartphone, pilier de la réforme du secteur

Au cours du Healthcare Innovation Forum, le mobile a notamment été envisagé comme support de soins (via vidéo, suivi données, paiement) ou de lien entre hôpitaux, docteurs et patients, entre différentes provinces. Le GM de la business unit des services médicaux de Baidu rappelait les 3 valeurs du Groupe, les 3P - personnalisation, prévention, précision. "Précision" signifiant que Baidu devra collecter des données justes et précises pour faire correspondre les vrais besoins avec le bon service.

Voilà qui tombe à point : Baidu est soupçonné depuis de nombreuses années d’engranger des recettes publicitaires très importantes de cette industrie et de ne pas faire apparaître suffisamment clairement le fait que ses nombreux liens sponsorisés sont vendus aux enchères. Le moteur de recherche fait aujourd'hui la Une, et l’objet d’une enquête du Gouvernement, suite au décès le mois dernier, largement réverbéré sur les réseaux sociaux, d’un étudiant qui a sélectionné sur Baidu l’hôpital, positionné en top des requêtes, qui devait guérir son cancer...

La présence à Beijing de Vishal Gondal, fondateur et CEO de l’application indienne GOQii, "le Uber pour la santé et la forme, qui connecte les données de vos wearables à des coachs" témoignait d'ailleurs des intérêts économiques croissants qui se nouent entre les deux puissance asiatiques, la Chine et l'Inde. Pour la première fois, le GMIC accueillait l'India Mobile Forum. Vishal Gondal, qui lancera son service en Chine en, 2017, a expliqué les enjeux stratégiques de la “culturalisation”, l’importance d’un financement chinois pour qui ambitionne de pénétrer le marché, ou encore sa conviction sur le nouveau centre de l’innovation: "Dans la passé je faisais beaucoup de voyages dans la Silicon Valley, mais aujourd'hui je n’en vois plus l’utilité. En fait si vous voulez voir de l’innovation, vous avez besoin d'être à Beijing et à GMIC”.

3/ Divertissement : son avenir se joue en Chine

Les technologies immersives avaient leur premier Global VR Summit cette année. Si Samsung, Google et Facebook (Oculus) ont ouvert le marché, ils sont désormais rejoints par une quirielle d’acteurs asiatiques dont le taiwanais HTC et sa solution de réalité virtuelle HTC Vive - qui remettait ses premiers Awards. Parmi les lauréats : le portail Travel et Lifestyle Zanadu (dans lequel a investi Tencent, et présent à China Connect) ou encore les chinois BaofengVR et Zero Zero Robotics dont le CEO MQ Wang présentait sur scène sa très légère et "discrète" Hover Camera qui flotte dans l’air. Un drone pas comme les autres qui attirait les foules sur son stand.

Tous veulent une part d'un gâteau (mondial) estimé à 200 millions de terminaux d'ici à 2020 dans le monde. Rien que pour le marché chinois, les perspectives de revenus en 2016 s'établissent à 850 millions de RMB, soit une croissance de +372% vs 2015, et à plus de 2 milliards de RMB en 2017, soit +154% vs 2016. Quant aux attentes des chinois pour expérimenter cette technologie, video, jeux et social arrivent en tête des usages, selon eMarketer.

La plateforme vidéo Youku-Tudou exposait ainsi ses ambitions, dont l'objectif est de contribuer à l’objectif de Jack Ma, qui a racheté le portail: "faire en sorte qu’Alibaba devienne la plus grande société mondiale d’entertainment”, avec l’aide de sa société de production, Alibaba Pictures, installée en Californie. Dans les prévisions, le marché du film chinois dépassera le box office nord-américain en 2017.

Preuve  de leur impact sociétal et économique récent en Chine, les géants de la tech Weibo, Baidu et Cheetah mobile s'emparaient pour la première fois à GMIC du sujet des "web celebrities" ou "wanghongs". Fu Sheng, CEO de Cheetah Mobile a pu réagir à ce qui a fait jaser sur les réseaux il y a quelques semaines: "Des personnes disent que Papi Jiang ("wanghong" qui a vendu –c’est une première - un écran de publicité dans l’une de ses vidéos pour plus de 20 millions de RMB, soit plus de 2 millions d'euros) est juste un effet de mode, mais je dis que c'est (l'"économie wanghong") le début d’un nouveau phénomène". Et d’annoncer, comme Disney l’a fait avec Maker Studios, le lancement d’une application pour créer une plateforme d'incubation de ces stars du web.

Gaofei Wang, CEO du réseau social Weibo, détaillait leurs méthodes de monétisation dans un monde post-copyright, où la publicité n'est qu'un moyen parmi d'autre de financer les contenus. "Sur Weibo, il y a 3 principales sources de revenus. La première, et de loin, c'est l'e-commerce : vendre cosmétiques ou vêtements à une énorme base de fans que le “wanghong” a accumulée. La seconde, la publicité de type "Papi Jiang", pour ceux qui font des vidéos, écrivent, et mêlent publicité et contenu." La dernière : les "live streamers", avec son modèle de rémunération particulier, par les fans. Les applications mobiles de live stream sont une tendance particulièrement forte en Corée du Sud, leader du secteur.

4/ Retail : vers de nouvelles expériences d'achat

Les Chinois n’ont aucune difficulté à reconnaître la pauvreté de l’expérience dans leurs magasins, qui a contribué à l'explosion du commerce en ligne. "Un phénomène qui a même surpris les Chinois", selon Bob Cao, Directeur de la société d’études iResearch. Ils n'ont aucun scrupule non plus à exprimer leur confiance dans l’avenir du commerce traditionnel, étant donné les faux qui envahissent le commerce en ligne et ne mènent qu’à une guerre des prix, sans compter la difficulté du dernier kilomètre dans un pays aussi grand que la Chine.

Comment les retailers doivent ils répondre à ce challenge ?
-«Be there/Etre là» : être smart, penser au contexte
-«Be Useful/Etre utile» : développer du contenu qui compte
-«Be Fast/Etre rapide» : être réactifs, offrir une expérience «sans couture»» (frictionless)
Connecter tous les points de contact, avoir une stratégie de « micro-moments ».

Pour beaucoup, le “salut” sera dans le O2O (online to offline et offline to online). Le mobile a bouleversé les comportements d’achat dans des proportions toutes particulières en Chine. Pour Iram Mirza/ UX Design Manager for Payment chez Google à Mountain View, "si vous allez dans n’importe quel centre commercial sans porte-monnaie, vous pouvez survivre en Chine. C’est assez difficile sans Mastercard ou Visa à San Francisco de tenir une semaine. Aux Etats-Unis, nous en sommes toujours à essayer de trouver comment le paiement mobile peut fonctionner. Nous sommes loin derrière, même l'Europe." WeChat (lire notre tuto), ce Hub qui mêle communication, social et paiement est l’exemple fort de cette singularité et avance chinoise.

A en croire Ambarish Mitra, fondateur et CEO de l’application de réalité augmentée Blippar, qui compte parmi ses clients Carrefour ou L’Oréal, nous sommes passés de l’internet OF things à l’internet ON things. "Nous comptions sur les mots pour chercher, mais l'image est le futur, le produit est le nouveau média. Pour le marché de la beauté, il y a un grand manque d'informations, c’est une des raisons pour lesquelles les femmes hésitent à acheter des produits cosmétiques en ligne." Pour qui s’interrogerait sur la manière de se lancer sur le marché chinois, il déclare: "Nous ferons une entrée en fanfare ("Bigbang entry"). Ce n’est pas un marché où vous faites un " soft launch". Vous venez et vous êtes partout, ou vous n’avez aucune chance. " Quant à l’innovation réellement "cutting edge" (avec 10 ans d'avance), "elle vient encore principalement de la Valley" dit-il, plus nuancé.

Laure de Carayon

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