Qui ?
Audrey Lecoq, Pdg de Pharmazon.
Quoi ?
Une action kamikaze : couper Google pour apporter des bons de réduction aux consommateurs. Riche d'enseignements.
Comment ?
En 2020, Cécile Ribour de la Maif, nous confiait (voir ici), à l'occasion des Facebook files, que la marque s'était entrainée à couper Facebook, ce qui était "beaucoup plus envisageable que de couper Google" (voir ici). Alors que les tarifs des plateformes ont explosé depuis le Covid, tout le monde étant devenu e-commerçant et Google ayant un monopole de fait sur les mots clés, couper Google, ils en tous rêvé.
Elle a eu le courage de le faire : Du 20 au 30 avril dernier, Audrey Lecoq, Pdg de Pharmazon, un site de e-commerce au service des pharmacies de proximité, lancé il y deux ans et demi, a carrément coupé ses investissements sur Google, qui représentent 80 % de son budget (les 20 % restants sont investis sur les réseaux sociaux) et représentent environ 20 % de son chiffre d'affaires. De fait, en 2022 seulement, les coûts de Google ont augmenté de 20 % ! (voir notre papier). La somme dégagée a été réinvestie sous forme de bons de réduction accordés à ses clients. Son post Linkedin explique : "Je vois la consommation de produits essentiels baisser. Est -ce vraiment utile de donner des milliers d’euros à Google chaque mois, alors qu’il impose ses règles, coupe et rallume mes campagnes quand bon lui semble, prend ma donnée pour renforcer toujours plus son monopole. Pourquoi continuer à nourrir cette machine alors que les consommateurs ont besoin d’aide. Nous vendons des produits de première nécessité comme des couches ou de l'hygiène féminine, qui ont vu leurs prix grimper de 40 %. Je me suis demandée comment intervenir en tant que distributeur, sans mettre en péril notre marge. Quel budget couper ? Or, personne ne sait ce qu'est la vie sans Google. J'ai voulu tenter l'expérience. Mais pendant dix jours seulement." Cette période limitée permet de ne pas mettre en danger le référencement naturel (SEO). Après ce délai, le robot Google qui permet de remonter en SEO passe « prioritairement » sur les sites faisant du SEA…."donc nous serions tombés en SEO".
Les chiffres
Pharmazon va jusqu'au bout de la démarche et donne les résultats de cette opération de marketing Kamikaze. "Nous avons enregistré une perte violente de CA et de commandes, mais les clients qui arrivent sont acheteurs : taux de conversion en hausse et panier moyen en hausse". Pendant la période, le CA a reculé de 20%, le nombre de commandes, de 25,39%, le trafic de 34,71 %, le panier moyen a augmenté de 6,89 % et le taux de conversion de 14,21 %.
"Ces chiffres en disent long sur le monopole de Google. Nous ne réitérerons pas l'opération, ou alors, il faudra mieux faire connaitre la démarche. Nous avons mené cette opération de manière discrète car nous ignorions quels risques nous allions prendre."
L'opération a généré beaucoup d'intérêt. Sur Linkedin, le post de la Dg, expliquant l'opération, n'est pas passé inaperçu. "Nous avons eu beaucoup de relais sur les réseaux sociaux, et maintenant en presse (après Petitweb, les Echos devraient parler de cette initiative). Du coup, cela a amélioré le référencement naturel, avec des backlink. Une personne va être engagée pour développer l'éditorial de la marque.
A noter : les 300 fournisseurs de Pharaon n'ont pas relayé l'opération. La peur du loup...
Dans l'équation, le grand public ne comprend pas que quand il clique sur un lien sponsorisé (très peu distinct du résultat "naturel") qu'il participe à la folle inflation.
"Nous réfléchissons en ce moment à faire une communication sur les réseaux sociaux. Le public doit comprendre que quand il clique sur le lien sponsorisé, il fait augmenter le prix de ce qu'il achète. "On envisage d'offrir une réduction supérieure si la personne vient naturellement sur notre site".
Cette expérience a poussé le E-commerçant à baisser de 10 % son budget Google.
Google n'a pas réagi à cette opération, ni cherché à dialoguer avec Pharmazon. Mais doit l'observer de près ainsi que les réactions qu'elle suscite. En effet les marques réfléchissent beaucoup à la manière de se désintoxiquer d'une drogue devenue très chère. Il y a deux ans, Marie Ekeland nous confiait que ses start-up s'inquiétaient déjà fortement de l'inflation sur les plateformes, et avec le Covid, la situation a encore empiré. Carglass communique fortement pour inciter le public à aller directement sur son site, sans passer par la case du moteur de recherche. De son côté Intermarché aurait baissé fortement ses budgets publicitaires sur les plateformes. Emery Jacquillat de La Macif avait appelé à réagir fortement à Google (voir ici).
Audrey Lecoq pose la question : est-ce utile de courir après le nombre de commandes et de CA, en payant grassement google au risque d’une dépendance trop forte ? La course au chiffre est-elle raisonnable ?
Et souhaite aujourd'hui que Google vienne simplement compléter un trafic obtenu via d’autres leviers marketing. Comme la télévision, où Pharmazon démarre une campagne.