Newsletter du Lundi
11/12/23

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Elysée, 11 juin : la France a le syndrôme de Tourette

Qui ? 
Les Geonpi, ces entrepreneurs et investisseurs de la French Tech qui en avaient marre de se faire presser comme des pigeons... Cornaqués par Jean-David Chamboredon, VC présent ainsi qu’une vingtaine d’autres investisseurs lors de l'événement organisé par l'Elysée le 11 juin dernier, en clôture de la conférence France Digitale.

Quoi ? 
Une satire ? Une pochade ? Signée Dany Del Harocha, le  producteur de Café Psy for French Startups. Sous le thème « Talkin ‘bout a Revolution », Willy Braun, de France Digitale, le syndicat des VC et des startups français, avait réuni un millier de personnes venues de toute la France. Ou presque, faute de grève, des taxis et de la SNCF, un combo rare.

Comment ? 

Flash-back : dès le surlendemain de son élection, les jeunes pousses et les investisseurs s’étaient mis en tête de venir gâcher la grande Fête de la Créativité Fiscale du président Hollande... À force de page Facebook et de hashtags rageurs, ces pigeons avaient bien réussi à retourner la tête de la secrétaire d’Etat, Fleur Pellerin. Atteinte du syndrôme de Stockolm, elle était devenue leur ambassadrice au gouvernement.

Un an après sa loi, certes pas mal du tout, visant à faire de la France le paradis du crowdfunding, exit, Fleur. Elle est priée de jouer l’ambassadrice en allant réparer la balance du commerce extérieur au Quai d’Orsay, très loin d’Arnaud Montebourg. Entretemps, le président était parti en Californie, découvrir la Vallée.

Mercredi 11 juin, donc, sous l’égide de France Digitale, tout ce que la France compte comme entrepreneurs dans la high-tech avaient investi le Carreau du Temple, en plein cœur du Marais, un ancien marché rénové sous verrière transformé en salle polyvalente. Les gentils organisateurs avaient tellement voulu bien faire les choses : il y avait même un service de parking valet pour les VIP qui, on le sait bien, n'aiment pas trop marcher, en dehors des greens, même quand y a quinze mètres entre l’entrée et le podium.

Ça tombe bien, quelques CEO de grosses boîtes du CAC 40 comme Georges Plassat, le très preppy PDG de Carrefour, "first grocer of the world" qui avouait sur le podium se lever tous les matins avec la gniaque, mais ce matin encore plus que les autres à l’idée de se retrouver tel un empereur romain entre la robe rouge de la communicante Catherine Barba et celle d'Anne-Laure Costanza, d’Enviedefraises.
Marie Ekeland, une des toutes premières à avoir investi dans Criteo, co-présidente de France Digitale avec Olivier Mathiot, de Rakuten Price Minister démarrait la journée avec un speech faisant remonter la révolution industrielle à la machine à vapeur.
Evidemment, la secrétaire d’Etat préposée au startups, Axelle Lemaire était présente. Evidemment, elle était à la bourre, retenue par un rendez-vous antérieur. Pour mettre les rieurs de son côté, elle la ramenait sur son accent british, certes, assez parfait. Et évidemment, à la sans-gêne, se vantait de son retard : "I’m late, I had to be : I’m French !" Elle se vantait aussi qu’ici, on ne jette pas des pierres sur les bus comme à San-Francisco (à suivre). Apparemment, pas totalement en accord avec tout ce qu’un plumitif lui avait écrit : "Who wrote that speech ?". Un comble pour une secrétaire d’état... Bref, en quinze minutes d’intervention, on retenait surtout, euh, que l’annonce du Startup Visa et son Welcome Pack, bah ça serait pour le soir, à la cocktail party donnée au Château, comme ils disent dans la VF de Borgen.

Pendant toute la journée, entrepreneurs et VC français, européens et étrangers se bousculaient pour tenter de montrer que la France en a sous le pied "à l’international". Des audacieux, comme Dan Serfaty le fondateur de Viadeo, racontaient sa téméraire et récompensée expansion vers la Chine. Fréderic Mazzella de Blablacar évoquait sa technique pour s’implanter à l’étranger en rachetant son concurrent local ou en promouvant ses salariés d’origine étrangère. Dans une table ronde, Eric Carreel vantait ses gadgets Withings et leur impact sur la santé, grâce à la prévention des maladies, tout fier de la signature à l’encre encore fraîche de son accord avec Axa, et juste avant l’invasion du marché par le Healthkit d’Apple « The Cake is gonna be much bigger ». Tout en concluant sur une note légèrement inquiète pour la santé de la sécu et de l’assurance en France, : « Let’s not make it like Paypal with banks ».

Interviewé par son ex-employé Gaël Duval, l'organisateur de la venue de la French Tech à NY (lire son interview ici), Denis Olivennes de Lagardère Active, tout en reconnaissant de pas « pouvoir élever de lignes Maginot contre les attentes des consommateurs » avouait en creux flipper sa race face à l’arrivée de Netflix et de tous « ces passagers clandestins qui pompent la valeur » sans contribuer au pot commun. Il citait un certain Jérémie B. ex-entrepreneur franco-israelien, dont le business avait été tué du jour au lendemain, mais qui n’avait pas osé l’ouvrir publiquement contre Eric Schmidt et consorts, parce qu’à son âge et dans le numérique, il avait encore  "45 ans de vie active et qu’il avait pas envie de se taper Google" comme ennemi à vie. Réaliste, Olivennes ne se voyait pas lui en empereur romain mais plutôt en petit prétorien face à l’arrivée des Barbares. Hum, on repensait à la sympathique video de la télé belge sur Arnaud Lagardère et sa dulcinée... Ah bon, ils ont une stratégie digitale chez Lagardère ?

Patrick Robin interviewait Céline Lazorthe de Leetchi et Mangopay qui, avant qu’on le lui reproche ne « s’était pas rendue compte qu’elle faisait de la banque avec sa cagnotte en ligne » et Ronan Le Moal du Crédit Mutuel. Il y avait aussi des petits devs fantastiques, amenés par Tariq Krim, qu’on ne présente plus depuis Netvibes et Jolicloud (lire son interview ici), tel Jean-Baptiste Hironde de edJing qui racontait son succès entrepreneurial avec son application, avant même la fin de ses études à Polytechnique - Les Mines. Même Microsoft avec Nicolas Petit son COO, rappelait que son programme français de pépinières lancé par Julien Codorniou était à présent devenu mondial.

Bref, tout est possible semblaient dire tous ces exemples à suivre. On peut bâtir d’autres Licornes, à savoir des boites à plus d’un milliard. Comme Criteo, avec un speech sans note impressionnant de Jean-Baptiste Rudelle, qui se propulse haut la main comme leader de la camaraderie entre startuppers. En hébergeant des boîtes comme BlablaCar dans ses locaux. Et en refilant la patate à tout le monde en mode « Sky is the limit. »

Bref pour parler Anglais, on a vu pendant cette journée la crème de la crème de tout ce que la France compte de beau, de bon de sympa. Et en apothéose finale, Matali Crasset la designer venue de chez Stark et Etienne de Crecy, le chaînon manquant entre Air et Daft Punk, interviewé par le très cool Cyril Paglino de Buzzman. Etienne avouait sa crainte, quand il fait un nouveau morceau de le faire écouter à des potes français, toujours ultra méchants. Critique ? Non, non, méchants !

Et la cerise sur le gâteau, en fin de journée, ça aurait dû être l’arrivée en fanfare du Souverain. . .

Mais non, c’est pas comme ça que ça se passe dans cette douce France... trois cars affrêtés devaient transporter les speakers invités à présenter leurs doléances l’Elysée. Dans un accès de parano, on s’imaginait les trois calèches encadrés d’un escadron de motards mousquetaires, traversant un pays à feu et à sang pour arriver rue du Faubourg Saint-Honoré, évitant les jets de projectiles et les têtes sur des piques.

Tout faux. Y avait pas de motards. Et y avait pas de têtes sur des piques. On est sûr que la réception était super, avec son sempiternel cordon rouge séparant les invités des personnalités, ses huissiers avec des colliers dont la taille au cou  ferait honte à des rappeurs. Bref, la France est une monarchie, qui sait recevoir aux petits oignons et laisse toujours de bons souvenirs à ses hôtes. Le problème c’est que, comme une jolie femme affligée du syndrôme de Gilles de la Tourette, elle se met régulièrement à proférer des jurons juste après avoir sussuré des mots doux.

Bref le POTUS* local, ferait bien de se bouger en personne, la prochaine fois. France Digitale, c’est l’avenir ce qu’on peut souhaiter de meilleur à ce pays : les gens, l’esprit... « Talkin ‘bout a revolution » c’était le thème de la journée. . . « Sire, bougez-vous, ça vient. . . » on a envie de lui chuchoter au souverain. Avec ou sans vous.

Dany Del Harocha

(*) POTUS : » President of the United States. C’est comme ça, selon Fleur, amatrice de la série « A la maison blanche », que son équipe de campagne surnommait Hollande.

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