Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru dans la newsletter du

Pilotage automatique des campagnes : l’efficacité en branding et perf (2/3)

Qui ?
Vincent Balusseau, professeur de marketing d'Audencia, Guilhem Bodin (en photo), partenaire chez Converteo, et Khoi Truong, ex-CDO Consumer data & Digital ops du groupe L’Oréal, fondateur et CEO de Manœuvre.

Quoi ?
Notre synthèse en trois parties (1° partie ici, 3° partie) du chapitre consacré au marketing piloté par l'algorithme, de l’ouvrage collectif   « Mange ta soupe : 20 experts internationaux aident les marques à bien grandir » coordonné par Wiemer Snijders et Vincent Balusseau(Dunod) coordonné par Wiemer Snijders et Vincent Balusseau. Sortie le 22 septembre, disponible à la pré-commande ici

Comment ?

Les marketeurs d’hier et d’aujourd’hui, même séniors, doivent apprendre à mieux travailler avec leurs partenaires agences. Dans la même logique, ceux d’aujourd’hui et de demain devront, aussi, apprendre à bien gérer la « relation » aux plateformes et à leurs algorithmes. Intéressons nous à ces grandes marques (et très gros annonceurs) qui ne viennent pas du digital, et pour qui le E-Commerce ou l’acquisition sur les canaux digitaux ne représentent pas - encore - l’essentiel de l’activité.

 Le duopole gagne à tous les coups ?
Pourquoi les plus gros annonceurs continuent-ils à plébisciter Facebook et Google ?  Aux USA, Unilever et P&G ont réduit un peu leur dépendance au duopole , mais  la plupart des méga-annonceurs se posent moins de questions. Ils sont conscients de la nécessité d’alimenter l’écosystème de la presse en ligne, mais  un gouffre sépare les bonnes intentions des bonnes actions. Les boycotts des deux plateformes ne durent jamais bien longtemps et s’apparentent presque à des coups de mentons. En France, si d’autres grands acteurs renforcent leur position (Amazon, mais aussi d’autres grandes régies adossées à des distributeurs), rien ne semble pouvoir entamer la domination des deux géants à moyen terme.

-D’un côté, la bataille sur de multiples front judiciaires, et auront à composer avec de nouvelles réglementations beaucoup moins permissives.Le Digital Market Act européen, pourrait  changer la donne, début 2022. Et les révélations sur les agissements (anticoncurrentiels) des deux plateformes, rendre les deux géants aussi peu désirables que des cigarettiers, au sein du microcosme marketing.
-De l’autre, la disparition progressive des cookies-tiers, les menaces pesant sur l’utilisation de solutions d’identifications alternatives (comme les emails hashés) suite aux annonces de Google en mars 2021, les restrictions d’usage d’identifiants mobiles par Apple et Google , l’obligation de recueil du consentement des utilisateurs pour l’utilisation des données personnelles (notamment en France),  pourraient renforcer l’attrait des plateformes. Dans ce contexte, leur ciblage « at scale » est le plus attrayant du marché, en particulier sur leur base d’individus loggés.
Concernant  la mesure, la situation ne s’améliorera pas, bien au contraire. Google et Facebook, continueront à ne pas être audités, ou à leur manière. Ils seront amenés à modéliser les conversions (sur les sites des annonceurs) qu’ils ne seront plus capables de mesurer (de rattacher directement à une interaction avec une publicité, autrement dit) à partir des données effectivement observées. Les annonceurs  ne pourront pas distinguer entre les résultats effectivement mesurés et les modélisés. Gageons que Google comme Facebook seront assez « gourmands » quand viendra le temps de s’attribuer les conversions. D'autres acteurs (comme The Trade Desk), plus transparents, devraient souffrir de la raréfaction des données mesurables : ils leur faudra  en France obtenir le consentement de chaque utilisateur visitant chaque éditeur sur lesquels seront diffusés « leurs » publicités. Le jeu de données à leur disposition sera d’une taille probablement bien plus réduite.

Les causes de la domination

- Les  innovations dépassent le champ de la seule publicité en ligne, pour  offrir aux marques un ensemble de fonctionnalités orientées e-commerce (très prisées des annonceurs).
- La simplicité :   pour reprendre une formule de Khoi Truong: « Big Brands Pay for the convenience ». Nombre de megabrands « traditionnelles »  privilégient une forme de simplicité. Les efforts additionnels à fournir pour mettre en place des deals avec une quantité d’éditeurs locaux de l’open web, ou pour maitriser d’autres outils et configurations technologiques que les outils d’achats Google/Facebook par exemple (qui permettent, c’est vrai, d’accéder à des inventaires exclusifs) limitent largement la diversification…  Le reach offert par les deux acteurs, la quantité de données attachées à leurs utilisateurs loggués, la simplicité d’utilisation de leurs outils et la qualité de l’accompagnement local dans tous les pays du monde rend parfois les propositions alternatives insuffisamment attrayantes. Les E-Commercants, ou les marques matures et équipées sur le digital, ont moins de peine à sortir des jardins clos. Les autres peuvent considérer que « le jeu n’en vaut pas nécessairement la chandelle ». Ces megabrands n’ont pas non plus d’autre choix, en réalité, que d’adopter les produits publicitaires poussés par les deux géants, surtout si ces innovations permettent une réduction supplémentaire des efforts associés à la gestion des campagnes digitales.

- Le marketing. Les deux géants font, véritablement, feu de tout bois. Du thought-leadership de premier ordre,   à coup de publications et de case studies parfaitement ficelés, que les deux géants parviennent à transformer en must-read pour marketeurs et dirigeants cherchant à prendre de la hauteur - alors qu’il s’agit bien d’argumentaires de vente. Un conseil et un accompagnement des annonceurs hors-pair , via des équipes spécialisées par verticales- même si en 2020 annonceurs et agences ont noté que le rôle d’accompagnement et de conseil chez Google  s'est mué  en travail de vente pur et dur. Un système de carotte et bâton imparable pour les agences, aussi, qui peuvent difficilement se permettre d’adopter moins vite que leurs concurrentes les dernières innovations des plateformes leaders. Et, pour couronner le tout, une offre de formation gratuite et de grande qualité (voir nos indiscrets). Au final, ces méga-régies, qui sont pourtant bien là, faut-il le rappeler, pour vendre de l’inventaire, sont parvenues ces dernières années à véritablement façonner les perceptions du marché, un peu à la manière des vendeurs d’honoraires McKinsey ou BCG de ce monde - dont on n’ose trop souvent contester la légitimité des analyses.
 

Est- ce que ça marche ? 


Prises dans leur ensemble, ces solutions d’automatisation boostées à l’apprentissage automatique constituent effectivement un progrès pour ces megabrands traditionnelles, donc des sources de gains d’efficacité et d’efficience, relativement aux options plus manuelles.

- Ces solutions génèrent des gains de temps significatifs pour les équipes, côté agences et  annonceurs, si l’achat média sur ces plateformes est internalisé. Ce temps gagné  conduit à des réorganisations d’équipes, et à la réallocation de temps et de compétences vers des taches plus stratégiques, comme la stratégie (créative) et surtout l’analyse, ainsi que nous l’aborderons plus loin. On reste toutefois encore très éloigné du scénario idéal pour les annonceurs, dans lequel le niveau de ressources nécessaires à la gestion du média digital (sur les plateformes et au global) se rapprocherait de celui nécessaire à la gestion des médias traditionnels. Si et écart reste très important, et largement en défaveur du digital (nettement plus gourmand en terme de ressources), on peut néanmoins penser que l’automatisation va dans le bon sens.

-La question des gains de performance appelle une réponse plus nuancée. Les options automatisées représentent bien, globalement, un progrès pour les grands annonceurs traditionnels. Les algorithmes d’apprentissage automatiques, à l’aide des données dont ils se nourrissent, ont   une capacité inégalée à identifier et à prédire des appétences ou des réponses et à prendre des décisions adaptées (et en temps réel) -pour peu que ces options soient correctement paramétrées. On a vu des megabrands obtenir des gains de 20% ou plus sur leurs campagnes fil rouge en acquisition, mesurées en terme de CPA ou d’autres indicateurs, une fois les solutions automatisées adoptées - après une période de test et de calibrage, bien entendu. Chez L’Oréal , des séries de tests ont abouti aux résultats suivants : une baisse de 5% du CPC, une augmentation de près de 20% et 25% du taux de clic et   de conversion,   suite au basculement vers les options automatiques en Paid Search.

Mais ces mêmes annonceurs ont pu enregistrer des performances dégradées et de mauvaises surprises. Le succès  dépend   d’une série de facteurs,   chaque option est accompagnée   de mises en garde et de recommandations permettant d’éviter ces mauvaises surprises. Les grands annonceurs conservent, sur certaines campagnes, des solutions manuelles, avec un paramétrage plus fin, et des performances supérieures à celles obtenues en pilotage automatique.


L'efficacité pour des campagnes de branding est avérée...
 En branding,  les campagnes automatiques sont effectivement plus performantes. Les coûts à la vidéo vue sur Facebook,  diminuent en appliquant des options de ciblage large,  qui permettent à l’algorithme d’aller chercher de lui-même les cibles enclines à visionner les publicités.

Deux  méthodes s'affrontent.
-La première détermine, manuellement et en amont, à partir de leur expertise et des données à disposition (les études TGI de Kantar ou les données issues du CRM) des cibles prioritaires et assez granulaires (impliquant par exemple le croisement de cibles socio-démographiques et de plusieurs centres d’intérêt), représentées par autant de « personas ». Ils demandent alors aux opérateurs des plateformes de retrouver, dans la mesure du possible, ces mêmes cibles.

-La seconde mise sur la puissance de calcul de l’algorithme et sa capacité à trouver par lui-même les individus à adresser prioritairement, au sein d’une cible nettement plus large. Pour eux, les ciblages trop étroits coutent cher et exploitent mal le potentiel de l’algorithme.

Les études Brand lift (disponibles sur YouTube et Facebook), mesurentl’impact incrémental des campagnes branding sur des KPIs branding classique comme la mémorisation publicitaire, la notoriété de la marque ou l’association à des messages, fournissent un élément de réponse supplémentaire. Mais, là encore, les plateformes soient juges et parties ! Une série d’études menées chez L’Oréal, sur différentes divisions et pays, confirme que le coût associé au gain incrémental sur ces KPI diminue à mesure que le reach augmente :  le coût au gain incremental sur le KPI « souvenir publicitaire » est réduit de de 30% lorsque le reach potentiel d’une campagne est doublé ou triplé. CQFD.


...Un doute plane sur la perf en acquisition

Sur les campagnes d’acquisition, et dans la majorité des cas observés, les campagnes automatisées sur Google et Facebook permettent effectivement soit d’augmenter le volume de vente à budget équivalent, soit d’obtenir les mêmes résultats avec une baisse significative d’investissement publicitaire. Qu’il s’agisse de générer des lead, des ventes e-commerce ou même des ventes offline, les résultats enregistrés sont souvent (largement) positifs.

Des’expert indépendants insistent cependant sur certaines dérives, observées dans les campagnes de plus petits annonceurs.  En Paid search, par exemple, Google recommande vivement de se concentrer sur des mots clés en ciblage large. Ainsi, il se donne la possibilité de diffuser les annonces d'une marque lorsque l'internaute entre une requête plus ou moins éloignée du mot clé réellement ciblé par la marque . Et ce pour  ne pas passer à côté de toutes ces « nouvelles requêtes » tapées quotidiennement par les internautes. Mais l'annonce de la marque peut alors apparaitre sur des requêtes en réalité peu pertinentes.

Google Smart Shopping ou Dynamic Products Ads de Facebook proposent une diffusion publicitaire sur une cible large, dans un contexte de diffusion élargi, assorti d'’une automatisation du choix créatif via l’utilisation d’un flux produit de l’annonceur. Le marqueteur ne choisit rien, ce qui soulèvent ces questions :

· Les campagnes ne cannibalisent-elles pas d’autres solutions d’acquisition également actionnées par l’annonceur, en reciblant au dernier moment l’utilisateur qui allait effectuer une conversion ?
· Les plateformes n’en profitent-t-elles pas pour diffuser des bannières dans des inventaires peu qualitatifs  ?
· Gèrent-elles en totale autonomie la répétition ? N’en profitent-elles pas pour diffuser une ou deux impressions supplémentaires ?
· Le choix de l’annonce effectivement diffusée à l’utilisateur, totalement automatisé , est- il optimal pour l’annonceur ? (pourquoi, par exemple, afficher le produit haut de gamme alors que l'entrée de gamme attirerait sur le site internet ? )
· Sur Facebook, l’allocation dynamique des budgets est-elle optimale, alors que l’algorithme prend parfois des décisions particulièrement hâtives, sur la base de budgets investis très réduits ?

Avec ces solutions automatisées, Google et Facebook ajoutent donc une couche supplémentaire d’opacité qui leur permet, potentiellement, de capter des revenus supplémentaires auprès de chaque annonceur, sans que celui-ci s'en aperçoive.   Y aurait-il une forme de « gratte » supplémentaire capturée par les deux géants,  diluée, presque invisible, dans des reporting de campagnes aux résultats positifs. Une « gratte » reste probablement (très) réduite en pourcentage du budget investi par chaque annonceur, qui  peut  atteindre des montants colossaux sur l’ensemble des annonceurs (petits et grands) utilisant les deux plateformes. Pour un certain nombre d’experts, seul un pilotage manuel, donc, permettrait de l’éviter, et d’optimiser « au maximum » la performance de ses campagnes.

 

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