Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Start-up et grands groupes : comment sortir du POC ?

Qui ?
Guy Leturcq, cofondateur de TNP Consultants, Tiphaine Bougeard, Directrice générale de Sowee (EDF), Aziza Idrissi Janati, Directrice du programme Open Up (BNP Paribas), Matthieu Jacquier, Directeur de la Stratégie Digitale (SNCF) et Stéphane Guinet, Fondateur et Directeur général de Kamet (AXA).

Quoi ?
Le compte-rendu en 6 points clés du Petit Club au Partech Shaker du 22 mars 2017 : "Shaker l'open innovation", en partenariat avec Extreme Sensio, Mondadori Publicité, Synthesio et TNP Consultants.

Comment ?

Depuis 5 ans, Guy Leturcq, le co-fondateur du cabinet TNP Consultants a observé la montée en puissance des collaborations entre grands groupes et start-up : "chacun a clairement tiré profit des apports des uns et des autres. La plupart des grands groupes ont mis en place des structures pour faciliter la collaboration" explique-t-il. Mais il constate aussi une limite aux dispositifs en place : "comment passe-t-on maintenant de l'étape du POC ["Proof of Concept"] à celle de l'industrialisation, créatrice de valeur ?" Alors que Google et Facebook rachètent une start-up européenne par mois, les acteurs traditionnels de l'économie ont du mal à tenir le rythme. De BNP Paribas à la SNCF en passant par AXA ou EDF, revue de détail de différentes stratégies pour s'adapter au rythme d'innovation des start-up...

1/ Faciliter les prises de contact

Ces dernières années, l'équipe Innovation du département RD&I au sein du groupe BNP Paribas a axé ses efforts sur la facilitation et l'optimisation des contacts entre les start-up et ses collaborateurs. La plateforme OpenUp, développée en collaboration avec l'agence Ekino a été lancée en Novembre 2016 pour rapprocher les problématiques métiers de solutions portées par des start-up. Elle réunit désormais un millier de start-ups et autant de collaborateurs du groupe. "Au début, on fonctionnait avec deux fichiers Excel, cela marchait mais ce n'était pas optimum. De là est née l'idée de mettre en place une plateforme digitale de match-making entre start-up et collaborateurs BNP Paribas" explique Aziza Idrissi Janati, qui a repris le projet début 2017.

Avec OpenUp, un site web et une application mobile, "les start-ups peuvent trouver le bon interlocuteur très rapidement et leur écrire." L'équipe d'OpenUp vérifie les start-up qui s'inscrivent sur la plateforme, assure le suivi des contacts et se charge de la promotion du dispositif, en interne et en externe. Une quarantaine de projets ont été postés, dont 6 qui ont déjà passé l'étape de la concrétisation, sous forme de POC ou de prototype. Mais l'équipe d'OpenUp n'a aujourd'hui que peu de vision sur ce qu'il se passe ensuite, une fois la concrétisation de la collaboration actée. Par ailleurs, un "Start-Up Engagement Kit" est actuellement en cours d'élaboration pour  fixer les lignes directrices et définir un cadre réglementaire adapté pour une collaboration efficace.

2/ Créer les outils pour mieux travailler ensemble

Pour inciter les start-up à collaborer avec eux, les grands groupes doivent aussi leur donner des outils : l'open data en est un. La SNCF fait figure de pionnier dans ce domaine avec une démarche initiée dès 2012 et accélérée par la volonté des anciens ministres Emmanuel Macron et Axelle Lemaire. Horaires des trains en temps réel, plan des gares, données RH : au total 88 jeux de données sont mis à disposition (lire aussi notre article). Une API est aussi accessible aux développeurs : en un an, 5 000 start-up s'y sont connectées, qui repose sur un modèle freemium : "si vous êtes un petit utilisateur, c'est gratuit, mais dès que vous commencer à beaucoup l'utiliser, l'accès devient payant. Nous facturons 'at cost' : le but n'est pas de faire du business avec nos données" précise  Matthieu Jacquier. La SNCF, acteur public mais concurrencé, n'est pas autorisée à faire de ses données une nouvelle ligne de revenus.

Autre outil précieux mis à disposition des start-up : les bureaux. Avec son parc immobilier, la SNCF dispose de nombreux espaces qu'elle convertit en lieu de travail. St Denis, Toulouse et Nantes sont les premières villes d'implantation des "574", des espaces de travail où se retrouvent collaborateurs du groupe et start-up pour concevoir ensemble de nouveaux produits ou services.

3/ Simplifier les relations

A la SNCF, un contrat type fait 150 pages... "Nous avons essayé de construire un "MVP" [Minimum Viable Product] du contrat, allégé du superflux" explique Matthieu Jacquier. La simplification passe aussi par l'éducation, des deux côtés : "il s'agit d'expliquer en interne quels sont les différents moments de la vie d'une start-up, mais aussi à la start-up qu'un groupe comme la SNCF ne bouge pas comme une gazelle. Il faut être clair dès le début." Les opérationnels doivent notamment apprendre à dire "non", sans faire traîner les choses. Difficile de ne pas perdre du temps dans un entre deux : les start-up sont très motivées à poursuivre la relation, et les responsables internes ont parfois du mal à trancher net une collaboration infructueuse. "On a le droit de faire des POC, mais on doit en mesurer l'impact systématiquement. Si ça ne marche pas, on arrête et ce n'est pas un échec. Et si ça marche et qu'on doit passer à l'échelle, il faut y mettre du temps et des moyens. Ce n'est pas seulement appuyer sur un bouton."

4/ Se mettre soi-même en mode start-up

Pour comprendre le fonctionnement des start-up, rien de mieux que de créer la sienne ? En octobre 2016, EDF a lancé Sowee, sa nouvelle filiale dédiée à la maison connectée, qui propose une offre innovante aux particuliers dans le domaine de l'énergie. Elle est structurée comme une start-up, avec des process propres et des équipes réunies sur un plateau commun et ouvert, à Courbevoie. "Le projet a été lancé début 2016, le groupe a voulu aller très vite, pour contrer les GAFA" explique Tiphaine Bougeard, la Directrice générale de Sowee.

La structure a développé de zéro ses systèmes d'information, ses canaux de distribution et sa plateforme IoT. Reste à infuser cette culture au groupe dans son ensemble... Les liens entre Sowee et sa maison-mère sont forts : le président de la start-up interne est le Directeur du marché particulier. Surtout, "nous sommes très sollicités par d'autres entités pour présenter Sowee et expliquer comment nous travaillons. Beaucoup viennent sur notre plateau : c'est assez visuel." De quoi susciter des vocations ?

5/ Investir directement dans les start-up

La SNCF a ouvert son fonds d'investissement en octobre 2015, avec 30 millions d'euros, confié à Hi Innove, la société d'investissement du holding Dentressangle Initiatives. "Nous ne sommes pas au stade de l'amorçage : nous nous concentrons sur des entreprises déjà structurées" explique Matthieu Jacquier. En un an, six entreprises ont ainsi été financées : AllocabLuckyLocCreadsIntercloudFamoco et Deepki. "On a vu 1000 dossiers et on en a rencontré 10%." Ces start-up financées par la SNCF développent ensuite des liens avec les entités opérationnelles, à l'exemple de Deepki, qui travaille à améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments du groupe.

6/ Créer ses propres concurrents

Avec Kamet, AXA a décidé de frapper encore plus fort : ce "start-up studio" doté de 100 millions d'euros (mais l'assureur est minoritaire) veut créer les prochains "disrupteurs" du monde de l'assurance. "Ce que font les grands groupes est nécessaire mais pas suffisant. Ils ne sont pas capables de faire de la disruption pour répondre complètement différemment à une problématique client" estime Stéphane Guinet, ancien entrepreneur (Assurland, Prima Solution), puis Directeur général d'AXA Global Direct. 85 "entrepreneurs en résidence" (mais seulement 3 personnes issues d'AXA, sur les 268 CV reçus) travaillent donc sur de nouveaux modèles de start-up, dont ils deviendront actionnaires s'ils se concrétisent. Trois projets ont déjà été annoncés : Padoa, dans le domaine des données de santé, Fixter, dans la maintenance automobile et Qare, dans la télésanté. Pour tous les projets issus de Kamet, AXA bénéficie d'un droit de premier refus de 30 jours pour le premier tour de table.

Benoit Zante

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