Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

N. Riou, Brain Value : « le consommateur doit être le fil rouge de la transformation digitale »

Qui ?
Nicolas Riou, fondateur de l'institut d’études BrainValue (en photo) et Patrick Hoffstetter, Chief Digital Officer de Renault de 2011 à 2016.

Quoi ?
Le point sur les nouvelles tendances de consommation et leur impact sur les marques, à l'occasion de la sortie de l'ouvrage "Le consommateur digital", préfacé par Maurice Lévy.

Comment ?

- "Marketing Anatomy", votre précédent ouvrage, datait de 2009 : en 7 ans, les consommateurs ont-ils tant changé ?

Nicolas Riou : Avec le numérique, le consommateur est devenu beaucoup plus complexe, plus difficile à appréhender. C'est désormais un "slasheur", difficile à mettre dans un segment unique. Ses comportements sont bien plus volatiles et parfois même contradictoires. Un exemple : d'un côté nous sommes dans l'ère de l'hyper-individualisme, avec les selfies et la mise en scène de soi sur les réseaux sociaux, mais de l'autre, on observe davantage de collectif, avec les achats groupés, l'essor de l'économie collaborative, le communautaire. Ce sont des éléments qui n'étaient pas du tout présents dans les années 2000-2010 : ces changements définissent un nouveau modèle de consommation. Les usages, les motivations, les attitudes, la psychologie : tous les étages de la pyramide sont affectés par les nouveaux modes de consommation.

- Vous développez notamment l’idée de "consommateur augmenté"...

Nicolas Riou : C'est l'uber-consommateur, au-dessus du consommateur classique. Il est tout à la fois plus expert et exigeant, plus actif, mieux informé, il consomme collectif et se montre pragmatique et décomplexé par rapport au prix, mais aussi plus citoyen, avec des exigences de transparence et de développement durable... Il dispose de davantage de moyens pour éviter les pièges, il consomme mieux informé. Il est aussi une menace pour les marques : il a repris une parcelle du pouvoir, avec les likes, les avis clients... aux entreprises de l'anticiper.

Patrick Hoffstetter : La transformation digitale est devenue anxiogène car le sujet devient de plus en plus vaste... Demain, on ne pourra plus résumer et expliquer en une phrase qui est le nouveau consommateur. Le marketing aujourd'hui se mélange avec la politique, la sociologie, la psychologie. Cette fusion de tous les domaines se retrouve partout : des secteurs qui ne se parlaient pas avant commencent à travailler ensemble, voire à se rapprocher. L'automobile devient la mobilité, Orange devient une banque. Sans allez jusqu'au transhumanisme, où s'arrête le champ des possibles ?

- Pour les marques et les entreprises, quelle est l'ampleur du changement ?

Patrick Hoffstetter : Globalement, les marques sont plutôt en retard par rapport aux tendances de consommation. Les grands groupes sont restés dans leurs zones de confort. Mais est-ce réellement possible pour une entreprise établie de garder son coup d'avance, ou est-ce seulement le propre des start-up de penser "out of the box" ?

Nicolas Riou : Les marques doivent aujourd'hui mettre les bouchées doubles pour rattraper les consommateurs. On parle beaucoup de transformation digitale, mais celle-ci est toujours envisagée en silos, avec la data, le collaboratif, le mobile... Il manque souvent un fil rouge. Et ce fil rouge, ce doit être le consommateur.

- Comment expliquer le retard des entreprises traditionnelles par rapport aux nouveaux comportements des consommateurs ?

Patrick Hoffstetter : Les entreprises ont conscience qu’elles ont un besoin accru d'expertises en interne, dans les équipes marketing, communication et produit, mais aussi dans toute l’organisation, jusqu'à la supply chain. En même temps, elles ont aussi besoin encore plus de l'expertise de leurs partenaires, les agences. Mais ces agences souffrent des mêmes problèmes que leurs clients : elles sont souvent dépassées par ce mouvement. Cette "double peine" explique pourquoi les entreprises traditionnelles sont aussi en retard par rapport aux évolutions de leurs prospects ou clients. Les pure-players, eux, partent de zéro, et la compétence digitale y est internalisée dès le début.

Nicolas Riou : Les pure-players sont arrivés en intégrant les insights consommateurs et en comprenant les nouveaux usages. Résultat : les marques digitales, comme Uber, ont créé de nouveaux niveaux d'attente sur le service et la qualité. Une fois qu’on a pris un Uber, on a du mal à revenir aux taxis classiques. Quand on a l’habitude d’être livré le lendemain, on se dit qu’on va avoir du mal à attendre 20 minutes au téléphone avant de pouvoir parler à son opérateur télécom.

- Quelles sont les marques qui ont le mieux compris ce "consommateur digital" ?

Patrick Hoffstetter : Celles qui ont réussi à comprendre une ou plusieurs des grandes tendances de fond, pour réussir à coller aux nouvelles attentes des consommateurs à chaque étape du parcours client. Au-delà de Starbucks, Amazon, Burberry ou McDonald’s qui sont souvent cités, de nombreuses marques excellent dans certains domaines, comme Evian, qui a réussi à devenir plus sociale, ou encore John Lewis en Grande Bretagne, qui maîtrise parfaitement tout le parcours d’achat. Les meilleurs en France, la Fnac et Darty, en sont encore loin.

Propos recueillis par Benoit Zante

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