Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru dans la newsletter du

Comment les Chinois ont changé la culture d’entreprise de Club Med

Qui ?

Anne Browaeys, Directrice Marketing, Digital et Technologie de Club Med.

Quoi ?

"Face à la Chine, sommes-nous tous has-been ?", l'une des "questions qui fâchent" évoquée lors du 5 à 7 du digital organisé par Petit Web et Verizon Media Group/Oath le 15 novembre 2018.

Comment ?

Les Chinois ne vont-ils faire qu'une bouchée de l'Occident ? "Non, mais nous ne pouvons pas les ignorer, et pouvons  apprendre beaucoup d'eux", estime Anne Browaeys, qui depuis qu'elle a rejoint Club Med (détenu par le conglomérat chinois Fosun, ndlrse rend en Chine trois fois par an. Et "c'est très décoiffant". "Les learning expeditions qui sont à la mode dans la Silicon Valley, aujourd'hui il vaut mieux les faire en Chine !"

De ses voyages, elle tire de nombreux enseignements : "Là-bas, il vaut mieux faire trois pas en avant et deux pas en arrière plutôt que de rester immobile en attendant d'être sûr de prendre la bonne décision. Si ça ne marche pas du premier coup, ce n'est pas trop grave. Quand on se prend un gros gadin, les équipes en Chine disent : 'Bon, c'est embêtant mais tant pis, on continue'." Un état d'esprit qui a fait tâche d'huile et "introduit une saine émulation avec les pays par nature plus conservateurs". "Quand la Chine part en premier, cela crée une forme d'impatience positive au sein des autres pays, qui a fait bouger les lignes chez nous", analyse-t-elle.

Si bien que la culture d'entreprise chinoise a transformé celle du groupe, insufflant "plus de prise de risque dans notre gouvernance et une culture de l'accélération". C'est ce qu'elle nomme la culture du "take a chance", qui consiste à donner la priorité à la vitesse plutôt qu'à la recherche de la perfection.

Illustration avec le nouveau canal e-commerce de Club Med lancé en mai 2018 sur la plateforme WeChat. "En octobre 2017, la direction nous a demandé de sortir une mini-app WeChat (des applications intégrées très légères, appelées aussi mini-programmes, qui se lancent directement dans l'appli WeChat, ndlr). Nous avons répondu 'OK, c'est possible dans 12 à 18 mois'. C'était trop long. Finalement, nous l'avons sorti en 6 mois. D'accord, avec plus de temps, nous aurions pu ajouter des fonctionnalités, mais les résultats sont là. Le 11 novembre dernier, qui est une grosse journée, de promotions en Chine, nous avons doublé le chiffre d'affaires réalisé par rapport au 11 novembre 2017, à environ 4,4 millions d'euros. La moitié provient de notre boutique sur Fliggy d'Alibaba, l'autre moitié a été réalisée via notre site web, notre centre d'appel et le mini-programme WeChat ; ce dernier représentant 70% du chiffre d'affaires du site web, pour un canal qui n'existait pas il y a un an."

Autres enseignements, en termes de comportement des consommateurs :"dans le cadre de leurs achats, les consommateurs chinois tchatent énormément. Nous comptabilisons ainsi 7000 tchats actifs chaque mois avec nos conseillers, c'est énorme", détaille Anne Browaeys.

Les mentalités ne sont pas non plus les mêmes. L'outil de reconnaissance faciale utilisé dans les villages pour vendre des photos aux Gentils Membres ne suscite pas les mêmes réactions partout dans le mode : "Nos photographes prennent chaque semaine des milliers de photos de nos clients. A la fin de leur séjour, pour leur permettre de retrouver leurs photos plus facilement, nous avons mis en place un logiciel de reconnaissance faciale, dont l'idée était sortie d'un hackathon. Votre photo permet de trouver sa correspondance dans la base du photographe. Ici cela fonctionne très bien, car selon un sondage 80% des Chinois sont complètement à l'aise face à l'utilisation commerciale de leurs données personnelles, contre 40 % en occident", explique Anne Browaeys. Qui a déjà passé un quart d'heure à inspecter un immense panneau à la recherche du cliché de sa progéniture dans une piscine éprouvera un certain soulagement, mais pour un Européen biberonné au RGPD, il est vrai que cela pose des questions sur les usages acceptables inspirés par ceux ayant cours dans un pays comme la Chine.

Étonnamment, sur d'autres points, les entreprises chinoises peuvent être beaucoup plus regardantes que les Occidentaux. C'est le cas de la publicité. "Tencent et Alibaba ayant des revenus qui ne dépendent pas de la publicité, tirés respectivement du gaming et de l'e-commerce, ils n'ont pas une grande expérience de l'usage de la data pour les médias online et sont très vigilants vis-à-vis de leurs utilisateurs. Donc nous leur avons apporté nous aussi des choses. L'autoroll, par exemple", souligne Anne Browaeys.

Ces géants ont une position monopolistique  encore plus massive que celle des GAFA. "En 2021, Tencent et Alibaba représenteront un tiers de nos ventes directes en Chine. Pour l'instant, ces deux canaux comptent pour 15%", révèle Anne Browaeys. Ces plateformes sont considérées comme des canaux semi-directs, la marque ayant accès aux données de ses clients pour les travailler en CRM et en réachat.Cerise sur le gâteau, elles présentent un taux de commission significativement inférieur (2%) à celui des OTA, en plus d'offrir "une grande liberté créative, car nous avons plus de place pour exprimer notre marque et notre offre."

Raphaele Karayan

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