Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Innover face à Amazon : les défis d’E. Leclerc

Maud Funaro

Le point de vue de : Maud Funaro

Directrice de la stratégie et de l' innovation chez E.Leclerc

Qui ?
Maud Funaro, Directrice de la stratégie et de l' innovation chez E.Leclerc.

Quoi ?
Le compte-rendu de l'afterwork ID Le Club "Comment innover pour créer une alternative aux entreprises impériales ?" du 5 juin 2018, organisé chez Spaces Opéra, en partenariat avec Emakina, Hootsuite et Teaminside.

Comment ?

Après  la mode (Madame aime), le conseil en stratégie (Boston Consulting Group) et la recherche en économie à Bercy et l’Autorité de la concurrence, Maud Funaro est arrivée chez E.Leclerc en mars 2016. La Commission commerciale de l’ACDLec (Association des centres distributeurs E. Leclerc) réunit 600 propriétaires-exploitants d’hypermarché  : Maud Funaro a au quotidien 600 interlocuteurs à convaincre. Sa mission ? explorer de nouveaux marchés et de nouveaux business model, diriger la stratégie digitale et l'innovation en lien avec eux.

Comment se positionner sur la livraison à domicile face à Amazon ?

Pour correspondre au mieux au modèle décentralisé du retailer, la Directrice stratégie et de l'innovation de E. Leclerc est rattachée  au CEO. Elle dirige une équipe de deux personnes (bientôt 4). « Nous ne pourrons pas aller au-delà de 4/5 personnes, quand  nos concurrents en comptent une vingtaine. Une plus grosse équipe complexifierait les process alors que nous sommes censés les simplifier, être des facilitateurs pour les métiers et les adhérents."

A son arrivée, de nombreux sujets étaient sur la table : le bio, la relation client, mais aussi la recherche d’un modèle viable pour servir Paris à prix Leclerc. « Il faut savoir que Leclerc ne pratique qu’un seul niveau de prix, pour un seul format de magasin : les hypermarchés. Il n’existe pas, par exemple, d’épiceries de quartier dans notre offre. Ce modèle est difficilement transposable dans de grandes villes telles que Paris, où les prix sont jusqu'à 30 % plus cher en moyenne que les prix de nos enseignes » détaille Directrice stratégie digitale et innovation chez E.Leclerc.

Pour lancer le projet, il fallait aller convaincre le comité stratégique qu’il s’agissait d’une problématique d’enseigne- et non seulement un sujet d’adhérents parisiens. « Pour nous, il s’agit d’un laboratoire pour l’enseigne, la densité et la maturité digitale  de Paris permettant de tester de nombreux services. En outre, servir les Parisiens au revenu très modeste pouvait rentrer dans notre mission de la marque."

Le service se focalise sur l’alimentaire, et pose le défi des prix Leclerc, sans ruiner les adhérents, qui contribuent à financer le service parisien.

Le service de livraison à domicile « Leclerc chez moi » a été bâti en 18 mois seulement. Avec de nombreux questionnements : « Pour construire l’offre, nous avons analysé l’ensemble des possibles. Fallait-il se diriger vers une livraison à domicile classique ? Un ou plusieurs entrepôts ? Mécanisés ou non ? Faut-il des hub ou points relais ? De quelle taille ? Quelle(s) localisation(s) ? Quel assortiment ? ».

Le projet se déroulait au moment où Amazon Prime Now, dont la promesse est la livraison en 2h, cherchait un partenaire. « Nous nous sommes interrogés sur cette promesse, mais pour livrer si rapidement, nous n’aurions pas pu traiter les commandes de nos clients qui ne sont pas de l’ordre du dépannage ponctuel. Or, pour rester dans la philosophie E.Leclerc, nous devons couvrir toute l’unité de besoin. »

Le parcours client est également l’un des atouts du retailer. « Nous sommes basés sur notre expérience du drive en matière de tunnel d’achat et de recommandation. Aujourd’hui, Leclerc représente presque 50% de part de marché sur le drive, soit plus que notre part de marché globale. Nous avons une expérience, construite avec des solutions propriétaires, d’un modèle rentable sur ce sujet, avec une signature relationnelle très spécifique dont nous nous sommes servis pour la livraison à domicile." En effet, lors de la livraison du produit, celui qui apporte les paquets dans le coffre vérifie l'assortiment avec le client. Un geste très apprécié.

« Leclerc chez moi » a été lancé le 26 mars  2018, en deux temps. Le premier, au nord de paris et mi mai, sur toute la capitale, avec beaucoup de ponts et  6 000 références disponibles sur les 11 000 de l'offre. La seconde phase a débuté fin mai et a permis à Leclerc de réajuster son assortiment en fonction de la demande client. « , les réactions sont positives mais nous sommes encore en phase de rodage ».

Comment innover au sein d’une groupement décentralisé ?

« Leclerc chez moi » n’est pas le seul projet mené par l’équipe de Maud Funaro. 3 à 4 opportunités de développement extérieur sont à l’étude. De nouveaux concepts sont creusés, comme le bio.

Une soixantaine d’innovations sont en cours de test ou de déploiement avec des start-ups telles que Critizr, pour les avis clients sur le point de vente, ou encore Retency pour la mesure d’achalandage. « Cela répond à une demande de nos adhérents. Nous leur faisons gagner du temps en leur présentant des projets clés-en-main à tester chez eux puis à déployer en national ». Chaque adhérent finance lui-même les POC qu’il souhaite mettre en place dans son magasin.

Pour  partager les expériences et faire remonter l’information avec les adhérents, Leclerc utilise Workplace, le réseau social d’entreprise de Facebook. « Un vrai outil terrain pour nos 600 magasins en France. Il nous permet de créer de l’horizontalité et de sonder les adhérents sur leurs besoins, leurs questions. »  cela a permis d'identifier des « référents », pour prendre la température d'une idée ou partager des informations sur une start-up.

Même si les budgets alloués au digital et à l’innovation sont conséquents, il faut tout de même rendre des comptes aux adhérents qui financent indirectement ces projets via leurs cotisations. « Nous devons vendre nos projets, mais, en contrepartie, l’engagement des adhérents est bien meilleur par la suite. » précise-t-elle.

L’engagement des adhérents, la recette pour éviter les « ratés » ? « Pour que cela fonctionne, il faut bien choisir le cas d’usage. Ainsi, une imprimante à livres peut servir à  l’impression de thèses ou de mémoires étudiants, ou  faire de l’autoédition, par exemple. L’installation en magasin ne suffit pas. Il faut mettre en avant les cas d’usage, animer, prendre le temps de conseiller les clients.  » explique-t-elle.

Quel potentiel face aux entreprises impériales ?

Récemment, Monoprix s'est introduit  sur la place de marché Amazon Prime Now et Carrefour a passé alliance avec Google. Quelle réaction chez Leclerc ? « En 5 ans Amazon a plus bouleversé la distribution qu’aucun autre acteur. Ils ont redéfini les attentes des clients et cela nous demande un travail de mise à niveau très stimulant. En revanche, nous n’avons pas vraiment le même positionnement puisque Leclerc se concentre sur l’alimentaire ».

La différence entre distribution alimentaire et non-alimentaire est vraiment importante, notamment en matière de tunnel de consommation, de logistique, d’approvisionnement et d’assortiment « La commande moyenne en non-alimentaire contient environ 2 produits, tandis qu’il est d’une quarantaine en alimentaire ! Ce n’est donc pas un hasard si Amazon a arrêté Amazon Fresh dans quelques villes américaines, a racheté Whole Food ou s’est associé à Monoprix pour Prime Now… »

Leclerc compte bien jouer ses atouts sur ce terrain « La messe n’est pas dite car les parcours physique et digital s’imbriquent, on va de plus en plus vers l’omnicanalité. Amazon n’excelle que sur une partie de ces parcours. En outre, nous avons un vrai avantage en matière de relation client, là où le géant n’est puissant que sur la présentation produit. »

Avec le milliard d’euros investi sur le e-commerce sur les 3 années à venir annoncé récemment, E.Leclerc s'est donné quelques moyens pour cette ambition.

Delphine Bionne

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