Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru dans la newsletter du

Comment la distribution s’organise pour contrer la « pieuvre » Amazon

Qui ?

Pierre Harand, Directeur Général France de fifty-five, David Nedzela (en photo), Directeur Marketing Digital de FnacDarty, Mathieu Delcourt, Directeur Marketing de Bricomarché / Bricorama et David Baranes, Co-fondateur d'Armis.

Quoi ?

Le compte-rendu de l’apéritif ID-Le Club "Les nouveaux visages de la distribution" du 20 novembre 2018, organisé à l'UDA, en partenariat avec fifty-five, Hootsuite et Teaminside.

Comment ?

Si le digital a révolutionné l’ensemble des secteurs, la distribution est certainement la première industrie à avoir été impactée. Le commerce en ligne (conduit par Amazon, Rakuten ou Alibaba) touche aujourd’hui 37,5 millions de e-acheteurs français[1]. Les acteurs ont changé les règles du jeu. Ils portent une attention particulière à la connaissance et à l’expérience client grâce à la data, et créent de nouveaux business models. Les distributeurs traditionnels - qui représentent au passage encore 91,5% du commerce de détail[2] - se transforment. Pour Pierre Harand, Directeur Général en France de fifty-five : « la distribution est un secteur dans lequel les marges sont faibles, les marques n'ont donc pas le droit à l'erreur. Les retailers classiques préparent la riposte, comme Carrefour à travers son partenariat en cours avec Google Shopping Actions ».

La menace Amazon

Bernard Darty, cofondateur éponyme de l’enseigne rachetée par la Fnac, a sonné l'alerte le 3 août dernier, dans une tribune intitulée « Ne laissons pas Amazon détruire le commerce traditionnel ». Il y dénonce la pratique de vente à perte du géant du e-commerce. Pourtant, à ce jour, aucun distributeur n'a déposé de recours devant l'autorité de la concurrence. David Nedzela, Directeur Marketing Digital de FnacDarty, voit dans cet acteur un défi à relever : « Il y a 20 ans, Jeff Bezos a eu l’intelligence de créer un stack technologique en parallèle de l’activité retail. Sa stratégie repose sur la rentabilité de ses divisions cloud et Amazon Web Services mais aussi et surtout sur une vision client centric. Sur ce dernier point, Amazon nous tire vers le haut en nous contraignant à travailler le service client ». Ces dernières années, les enseignes physiques ont, en effet, plutôt investi en logistique elles cherchent désormais à rattraper leur retard. Mais « cela prend du temps car il faut savoir prendre le virage du digital tout en gérant un quotidien rythmé de nombreux temps forts commerciaux », ajoute le CMO de FnacDarty. Pour ce faire, la marque se rapproche d’ailleurs de Google en commercialisant ses produits ou ceux embarquant ses technologies… Sans pour autant aller aussi loin que Carrefour avec Google Shopping ou Tencent.

Chez Bricomarché, c'est ManoMano qui a provoqué l'électrochoc. En 5 ans, le pure player représente aujourd’hui le chiffre d’affaires digital de Leroy Merlin. Jusqu’ici, en effet, le secteur bricolage et jardinage n’avaient été que peu impactés par le e-commerce et les distributeurs spécialisés pensaient, à tort, que les clients n’avaient pas d’appétence pour le e-commerce. Mathieu Delcourt, Directeur Marketing de Bricomarché plante le décor : « Nous avons dû expliquer à nos adhérents, qui sont les directeurs de magasins, qu’il était impossible de lutter contre Amazon dont le nombre de références attire les consommateurs. En revanche, nous pouvons  miser sur notre atout : la proximité. »

Se structurer pour contre-attaquer

En 2011, à son arrivée à la présidence de la Fnac, Alexandre Bompard a cassé les silos existants entre la Fnac.com et l’enseigne physique. Pour permettre la transition, les magasins ont dû être évangélisés et un système d’incentive a été mis en place sur le CA du e-commerce. En effet, une grande partie du commerce en ligne est délivré en click&collect, donc lié aux stocks des magasins. « Amazon a fait de la gratuité de la livraison un standard. Or, c’est un service très coûteux. Le développement du click&collect nous permet de dépasser cette problématique. En outre, faire passer le client en magasin donne aux vendeurs l’opportunité de faire de l’upsell, notamment sur les extensions de garantie qui sont des services plus complexes à vendre sur Internet. ».

Le digital de FnacDarty, c'est 200 personnes réparties dans 5 directions : « branding/media », « data, fidélité et marketing opérationnel », IT, « marketing, CRM et digitalisation du point de vente » et enfin une régie.

Bricomarché revient de plus loin car il n’existait même plus de direction marketing : « elle avait été peu à peu absorbée par la direction commerciale. Nous avons donc dû nous restructurer autour de ce métier et définir un objectif : mettre le client au centre. »

Le magasin physique comme avantage concurrentiel

Se transformer ne signifie pas pour autant renoncer au point de vente physique, bien au contraire ! Les retailers misent sur l’avantage de posséder un maillage de magasins forts et des experts en magasins pour offrir une meilleure expérience d’achat. D’ailleurs, Jeff Bezos lui-même annonçait à ses actionnaires dès mai 2016 qu’« Amazon va ouvrir plus de boutiques ».

Ainsi, FnacDarty a cartographié les différents types de clients pour mieux répondre à leurs besoins : « Il y a ceux qui veulent aller vite et pour lesquels faire la queue en caisse est un véritable irritant. Pour eux, nous testons ‘Pay&Go’ à la Défense, un service qui leur permet de scanner leur panier et de le régler via une application. D'autres  préparent leurs achats en ligne mais souhaitent avoir le conseil d’experts. C’est pourquoi nous avons lancé il y a peu un service de rendez-vous personnalisé en magasin, où le client est accueilli par un vendeur présenté par son prénom… ». Comme chez Apple ? "Comme chez Apple !"  Le groupe a également digitalisé les 2/3 de ses points de vente avec le paiement sans caisses, teste le shop-in shop ou encore les magasins hybrides.

La transformation des 700 magasins Bricomarché, quant à elle, repose en partie sur une étude : « le principal insight est que plus les consommateurs achètent sur Internet, plus ils sont intéressés par les points de vente. Mais seulement s’ils peuvent accéder à du conseil et du service. De plus, il faut savoir que les clients poussent la porte des enseignes de bricolage s’ils savent exactement ce dont ils ont besoin. Or, 1 Français sur 2 n’y connait rien  ». A terme, l'objectif est de libérer les vendeurs de la mise en rayon, confiée à des robots, et de les mobiliser sur le service client.

Innover ou mourir

Pour concurrencer les grandes plateformes, le groupe FnacDarty multiplie les innovations technologiques fondées sur ses valeurs - le foyer pour Darty, la curiosité pour la Fnac - et ses atouts.

Le bouton Darty dont le socle est le fameux « contrat de confiance » de la marque s’engage à assister les consommateurs, clients ou non de l’enseigne, en cas de panne ou de questions sur un appareil électroménager. Depuis le mois de mars dernier, le bouton est également disponible via Google Home. D’ailleurs, le groupe mise énormément sur les technologies vocales puisqu’il a été le premier à lancer une appli transactionnelle sur Google Home, bien mise en avant dans les magasins. Alexa d'Amazon, elle, brille par son absence dans les boutiques Fnac et Darty !

La carte de fidélité Fnac, lien fort entre la marque et le consommateur, a été dématérialisée, avec Gowento. « Cette application était jusqu’ici peu mise en avant par Google et Apple mais elle prend du galon depuis que ces deux acteurs ont lancé leurs solutions de paiements. Nous poussons à la dématérialisation de la carte et 100 000 de nos 5 millions de porteurs de cartes ont franchi le pas », précise David Nedzela.

La data, grand point fort d’Amazon, est également un terrain sur lequel FnacDarty s’engage pour contrer ses concurrents. C’est la raison pour laquelle le groupe a rejoint l’an passé l’Alliance Gravity : « Nous souhaitions proposer une offre autour de notre data transactionnelle, très riche. Cette alliance atteint une audience cumulée de 20 millions de visiteurs uniques par mois et représente des millions de transactions », explique le directeur marketing digital de FnacDarty.

Si ces trois services ou offres sont des exemples significatifs de l’innovation du groupe, les initiatives se multiplient : DOOH sur les magasins Fnac, programme de fidélité cross-marques, possibilité de commander de produits jusqu’à 23 h et d’être livrés le lendemain matin pour les clients « Fnac+ »... Un standard de service supérieur à celui d'Amazon !

Chez Bricomarché, la transformation digitale ne fait que commencer : « Nous développons le Clic&Collect car nos produits sont souvent très lourds donc très chers à expédier. Et pour répondre aux besoins de conseil de nos clients, nous nous concentrons sur la réalisation de tutoriels, principalement avec des agences pour le moment, mais nous sollicitons de plus en plus l’interne ».

La fin du catalogue papier ?

Amazon a su tirer parti du fait que les consommateurs se sont mis massivement à consulter Internet avant d’acheter en utilisant parfaitement les outils de marketing digitaux. A contrario, les enseignes traditionnelles ont continué à investir la majorité de leurs budget communication dans les catalogues et prospectus : « 60 à 80% des budgets communication vont dans le papier. Ces supports réunissent tous les actifs stratégiques des enseignes de détails traditionnelles : la marque, ses sélections de produits et leurs réseaux. Or, ces supports sont de moins en moins lus ! » affirme David Baranes, Co-fondateur d'Armis.

« Notre plateforme a pour vocation de mettre fin au ‘spray and pray’. Notre Intelligence artificielle analyse en temps réel, et pour la zone de chalandise de chaque magasin, les produits et opérations commerciales qui vont fonctionner pour ensuite les promouvoir via du display, Google ou Facebook de manière géolocalisée. » détaille le co-fondateur d’Armis.
La bascule du papier se fait par étape :  « Pour les convaincre de démarrer, nous leur donnons ce que nous appelons ‘l’indice digital’ de leur magasin, c’est-à-dire le potentiel d’une zone de chalandise à être adressée plutôt sur le Web que via le papier. Cela peut-être parce que les immeubles sont anciens et n’ont pas de boîtes aux lettres, par exemple, ou parce que les accès sont bloqués par plusieurs digicodes. C’est un travail qui prend du temps mais qui commence à porter ses fruits ».

[1]Médiamétrie – Observatoire des usages Internet, T1 2018 – tous lieux de connexion

[2]Les Chiffres clés e-commerce, Fevad, 2018

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