Qui seront les citoyens des metavers ? Et à quoi ressembleront leurs maisons ?
Qui ?
Véronique Morali, Pdg de Webedia (en photo), Marion Bories, responsable des études, Jean-Maxence Granier, Pdg de Think Out, Michael Stora, psychanalyste.
Quoi ?
[article partenaire] Une approche humaine du metavers, en interrogeant les gamers (replay de la conférence ici ,PPT, là ).
Comment ?
Preuve de l'aspect stratégique du sujet pour le groupe, la conférence qui révélait l'étude "le metavers et moi" métavers de Webedia a été inauguré par Véronique Morali, Pdg de Webedia. Le groupe va annoncer prochainement des premiers projets dans le domaine. Marion Bories, la responsable des études, a souhaité partir de l'humain, des gamers. "Personne ne s'était posé la question de l'adoption du métavers par les utilisateurs. La vaste couverture media privilégiait l'aspect technique et les initiatives des marques. Nous avons voulu centrer notre approche sur l'expérience utilisateur, en interrogeant les jeunes joueurs de plateformes persistantes". Et cette approche a séduit (120 personnes étaient présentes, et 300 suivaient la conférence en ligne).
Qui serons-nous dans ces univers virtuels ?
Quelles seraient nos perceptions de nous-mêmes, des autres, de nos actions, de l’espace ? En quoi serions-nous différents en virtuel et en réel ? Ces individus pouvant aussi à terme devenir des nouvelles cibles marketing, quelles stratégies les marques doivent-elles déjà commencer à anticiper pour se saisir de ces nouveaux points de contact ?
L’institut Think Out a interrogé deux groupes (7 joueurs de 18-24 ans et 7 joueurs de 25-34 ans) d’utilisateurs de Fortnite, Roblox, Minecraft, Animal Crossing, Sims et Grand Theft Auto, soit les plateformes qui tendent le plus vers ces futurs univers virtuels persistants. Chacun sa spécialité : Fortnite est orienté musique, avec des concerts en ligne, inaugurés en plein covid par Travis Scott. Dans l'univers des Sims, c'est la cuisine qui émerge.
Au centre des jeux persistants comme du métavers : l'avatar. "C'est la forme que prennent les dieux quand ils s'incarnent" rappelle Jean-Maxence Granier. En ligne, l'avatar est un terrain d'affirmation de soi, parfois dans la continuité du moi, parfois dans la rupture. "Dans le gaming, on a affaire à un moi tout puissant, héroïque et transgressif, mais dans le métavers, la dimension sociale devrait être plus appuyée". La bonne nouvelle ? Le dialogue avec un avatar fait fi de la classe sociale ou de la couleur de peau. Pour Yves Guillemot, le cofondateur d'Ubisoft, "si vous dialoguez avec un avatar, vous serez plus ouvert".
Un gigantesque bal masqué.
Le psychanalyste Michael Stora s'amuse d'avance : "Le métavers promet d’être un gigantesque bal masqué. Il nous permettra d'être cet autre qu'on n'ose pas devenir." Le psy menait des consultations d'avatar dans second Life "mais on m'a reproché d'avoir un avatar effrayant..."
Au delà de l'avatar, le dirigeant de Think Out souligne un autre enjeu : l'environnement de l'avatar, son chez soi. Alors que l'activité immobilière bat son plein dans les metavers, 80% des terrains sont achetés par des individus.
Webedia et Think Out ont identifié, au travers de leurs recherches et des interviews de “méta-gamers”, 6 principaux traits de caractères à envisager chez les futurs utilisateurs des métavers :
1 Créatifs : Espace illimité, constructions impossibles dans la vie réelle… les individus saisiront les opportunités offertes par les métavers pour laisser s’exprimer leur créativité et prendre la main.
2 Actifs : Comme dans le jeu vidéo, les individus seront décidés à écrire leur propre histoire, plutôt qu’être de simples consommateurs de contenus.
3 Attachés à la représentation de soi : La façon de se montrer aux autres sera très valorisée. Ce sera aussi vrai pour le “chez soi”.
4 Ouverts : En contact avec des avatars, les jugements de valeur reculeront. Les marqueurs d’identité physique habituels disparaîtront.
5 Perméables aux émotions : Par opposition au jeu vidéo, il y aura une grande porosité entre vie réelle et métavers. Les émotions ressenties en virtuel auront un impact sur leur vie réelle.
6 Soucieux de liberté : Les métavers seront un lieu d’expression et d’action libre, suscitant au début une vision (utopiste?) de liberté. Cette hypothèse laisse penser qu’un besoin de règles et de règlements sera rapidement ressenti.
Comment les marques s'incarneront-elles ?
Beaucoup de marques font déjà du Test & Learn sur les métavers existants (Vans et Gucci dans Roblox, Lacoste dans Minecraft, Lush dans animal crossing...). La semaine de la conférence, avaient lieu les défilés de mode dans les metavers. Et le patron de Gucci confiait à Vogue sa foi dans ces nouveaux univers. Ces secteurs, où la marque a un très grand pouvoir imaginaire, parviennent d'ores et déjà à vendre des biens virtuels.
D'autres ont loupé certains coches comme Mercedes, qui a refusé que ses modèles servent d'auto-tamponneuses dans Grand Tourismo, explique le psychanalyste Michael Stora."Or, dans un jeu, c'est en attaquant un objet que je me l'approprie". Dommage pour Mercedes, la marque qui a pris sa place s'en est félicité...
Les entreprises devront, plus qu’ailleurs, proposer des expériences dans les métavers, plutôt que simplement présenter leurs produits et services. Et mettre en avant leur fonction esthétique, symbolique et divertissante, plutôt qu’utilitaire. De plus, les individus seront sensibles aux marques qui les accompagneront dans le métavers au travers d’outils de création, d’empowerment et de sociabilisation.
Pourquoi parle-t-on autant des metavers depuis six mois ? "Il y a eu la médiatisation de The sand box et Decentraland, deux "metavers by design" et l'évolution de jeux persistants comme Minecraft ou Roblox dans cette direction. Et puis Facebook, dont le rebranding a mis le mot dans toutes les bouches. Et enfin, l'explosion d'animal crossing pendant le Covid. A noter : la marque de savon Lush a fait ses premiers pas dans animal crossing alors qu'elle désertait, pour des raisons éthiques, les platebandes de Facebook et d'Instagram. Et les mêmes Facebook Files ont précipité le changement de nom e Facebook e Meta. Mais le métavers en tant que tel n'existe pas encore. Facebook a reconnu au dernier MWC que les technologies n'étaient pas prêtes. Tout le monde se projette, bille en tête, dans un futur dont on ne connait pas le rythme. "Les technologies immersives doivent progresser, en particulier le casque". En même temps, les confinements et les guerres ont amplifié le besoin de se réfugier dans un monde parallèle. Dans la jungle hype du métavers, plusieurs univers, le crypto, l'immobilier, le gaming, et même l'univers professionnel, avec Microsoft.
Quel est le rôle de la monnaie dans ces nouveaux mondes ?
Dans les jeux persistants, l'argent sert à débloquer des niveaux. Dans les métavers, la crypto permet de retrouver des choses tangibles dans un univers virtuel. Les NFT permettent d'interagir : on perd, on gagne des NFT qui, rachetés par d'autres joueurs, permettent d'avancer dans le jeu. Le youtubeur Hasher explique : "Beaucoup de communautés s'inquiètent que les jeux soient dénaturés par la crypto. Mais chaque jeu a une manière de faire. Certains jeux n'auront des NFT que pour acquérir des objets uniques. Et on parle déjà de crypto monnaie cross gaming, qui permettrait de connecter des guildes de différents univers." Pour sortir de la perplexité, Hasher conseille à tout un chacun investir 20 € en crypto pour mieux en comprendre la dynamique.
Pour finir, deux interrogations : Marion Bories se demande comment nos cinq sens vont se retrouver dans ces nouveaux mondes. Le goût et l'odorat font sensiblement défaut. Coté proprioception, Roblox s'emplie déjà à mimer la position des corps dans l'espace, réglant le son en fonction de la distance entre avatar. Et ces derniers miment de plus en plus nos expressions. Enfin, s'agit-il vraiment du meilleur des mondes pour le public, c'est à dire nous. Ou n'est-on pas en train de construire "un monde dont on ne veut pas avec des acteurs dont on ne veut plus?", se demandait le célèbre Jason Calacanis au moment de l'annonce de Meta.
Ou serait-ce justement l'inverse ? un refuge virtuel, pour ceux qui ne veulent plus du monde tel qu'il est ? Les premières images de la guerre en Ukraine montraient une jeune femme, abritée du champ de bataille, en train de jouer à Animal Crossing...