Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru dans la newsletter du

Facebook Files, ou l’implosion de l’Empire

Qui ? 
Roger Mc Namee, l'auteur de Zucked (en photo), Nick Clegg, vice président des affaires publiques chez Facebook, les anciens des équipes d'intégrité de Facebook, comme Brian Waismeyer, passé chez Linkedin en mai dernier, ou Mary Beth Hunzaker, passée, elle, chez Twitter, Bob Hoffman, rédacteur en chef d'Adcontrarian.

Quoi ?
Les réactions aux Facebook Files,la série  en quatre volets  publiée la semaine dernière par le WSJ (en podcast ici), un séisme digne de Cambridge Analytica pour la Firme.

Comment ?
Les chiens aboient, la caravane passe. Jusqu'à présent, les innombrables scandales touchant Facebook n'ont pas entamé son cours de Bourse, ni son nombre d'utilisateurs, ni son chiffre d'affaires. Mais après le premier grand séisme Cambridge Analytica, les Facebook Files publiés la semaine dernière par le WSJ pourraient changer la donne. Ce ne sont pas les annonceurs (qui ne pèsent que 80 % des revenus publicitaires de Facebook, le solde étant la longue traine des petits commerçants) , ni les régulateurs, qui renverseront  l'empereur d'Internet. Mais l'interne, et le public. Et ca arrive, aujourd'hui. Ces documents transmis au WSJ sont sortis de la Firme, car certaines personnes ont encore de l'éthique, dans une entreprise dominée par le business quoi qu'il en coûte. Parues la semaine dernière, l'enquête est à lire en intégralité (voir ici).  On vous résume le tout en trois coups de cuiller à pot et on va se concentrer sur les réactions. Mais s'il vous plait, lisez ces quatre volets.

8 millions de VIP 
Or donc, la Firme a un service VIP , X Check, qui permet à une liste de 8 millions de personnalités de ne pas connaitre les mêmes règles de modération que le vulgum pecus. Neymar le footballer a ainsi pu inonder ses millions de fans d'une photo dénudée de la femme qui le poursuivait pour viol, sans que son compte soit suspendu. Et des personnalités influentes peuvent clamer que le vaccin contre le Covid est mortel, sans encombre.
Deuxième volet, l'algorithme. En 2016, une étude interne a scruté son influence sur les comportements et conclu que les algorithmes utilisés pour gagner de l'attention et augmenter le temps passé sur la plateforme poussaient les gens les uns contre les autres.  64% des personnes qui rejoignent des groupes extrémistes y sont poussés par nos outils de recommandation." La Firme a donc décidé d'améliorer les choses. Mais sa gestion de l'algorithme, sorti la même année que le coup d'Etat Myanmar, en 1998, est digne d' un apprenti sorcier. Après le changement d'algo, les chercheurs ont conclu que le poids accru des contenus repartagés dans le Newsfeed donne un porte voix aux discours de colère. La désinformation, et les contenus violents dominent ces reshare. Une nouvelle expérimentation est en cours, depuis juin dernier.
Troisième volet, la santé mentale : une étude interne montre que 34 % des adolescentes déclarent qu'Instagram leur donne encore une pire image de leur corps. Le quatrième volet concerne la criminalité sur le réseau. Morceaux choisis : En janvier dernier, un ancien policier, recruté comme enquêteur, a alerté sur un cartel mexicain utilisant Facebook pour recruter des tueurs. L'entreprise n'a pas empêché le cartel d'utiliser Facebook et Instagram. Sans compter le trafic humain, l'esclavage la vente d'organe. Brian Boland, ancien vice président de Facebook admet qu'il n'y a jamais eu "un effort concerté et significatif pour résoudre ces problèmes".

On comprend les salariés de Facebook qui ont envoyé ces documents explosifs : l'interne a fait ce qu'il pouvait. Mais les chercheurs  n'ont pas été soutenus par le Pdg, Obsédé par les interactions qui font son fond de commerce.  Et qui dit interaction, dit contenu polémique.

"Facebook ment régulièrement au législateur et au public"

 La newsletter Ad contrarian  est envoyée aux plus grands CDO. Et Bob Hoffman, son rédacteur en chef  lâche les flammes (voir ici). Extraits choisis : "Cette semaine le WSJ démontre comment Facebook a menti continuellement aux législateurs, régulateurs et au public sur les dommages qu'ils occasionnent. Le plus choquant dans l'histoire, c'est que toutes ces informations infernales proviennent de la bouche même des dirigeants de Facebook, sous forme de mémos qu'ils rédigent eux-mêmes. Ils savent parfaitement le mal qu'ils font les mensonges qu'ils formulent et ils ne font rien pour changer. Leur souci est de tout cacher. Facebook est une organisation corrompue et pourrie. Zuckerberg et Sandberg savent parfaitement ce qui se passe et sont au centre d'une culture dépravée qui gagne toute leur entreprise."

  Enfin, Facebook a été la source principale de désinformation sur le Covid. Les utilisateurs voyaient à un certain moment 775M d'items sur la vaccination par jour, dont 41 % antivax. Selon un mémo "même les messages officiels sur la vaccination étaient noyés sous les commentaires antivax".

Nick Clegg, le président des affaires publiques du réseau le plus critiqué du monde a répondu hier, dimanche, sur Twitter. Il ne conteste pas les faits du WSJ -ce serait difficile, ils proviennent tous de documents internes- mais  argumente sur la gestion interne des recherches sur la santé mentale des adolescentes,"La suggestion que nous essayons de cacher ou d'empêcher la recherche sur le rôle joué par votre plateforme est inconsistante avec les faits"  voir ici. 
"Dude, your company is a shit factory and you are a clown."

 Son attitude déchaine les foudres : "Dude, your company is a shit factory and you are a clown." assène Ad Contrarian à Nick Clegg.


Les anciens responsables de l'intégrité chez Facebook (on comprend aujourd'hui que c'est un oxymore) ont aussi réagi vertement aux propos du vice président.

Brian Waismeyer,  Data Scientist sur l'UX santé de l'utilisateur de Twitter, a quitté Facebook en mail dernier"I am fucking livid" dit il sur Twitter. Détaillant le travail des équipes pour essayer de règler les problèmes de la plateforme. Mary Beth Hunzaker, passée, elle, chez Twitter, enfonce  le clou :" les arguments de Nick Cleg sont faux et les équipes intégrité de Facebook méritent mieux que cela. Nick Clegg endommage encore plus gravement la réputation de Facebook par ses déclarations que les articles du WSJ". A signaler, sur son profil Twitter, une broderie "Believe there is good in the world".


Damian Collins, président du comité  Draft Online Safety Bill, avec députés et sénateurs qui examinent les projets gouvernementaux en matière de réglementation des réseaux sociaux, a commenté sur Twitter :  "Ces documents révèlent la grande erreur de Facebook. Les changements opérés dans le Newsfeed en 2018 ont créé l'environnement parfait pour étendre la désinformation et les discours de haine." Roger Mc Namee, l'auteur de Zucked en appelle à une investigation criminelle sur MSNBC , sur le sujet Instagram. et explique en quoi le système Facebook est encore plus pernicieux que celui du tabac. A noter : le pénal est aussi d'actualité pour Facebook sur une question d'entente avec Google (voir cette info).


Très bizarrement, en France,  aucun grand quotidien (sauf le Figaro samedi dernier)  , ni homme ou femme politique n'ont encore commenté l'info à ce jour...

On attend la réaction des politiques, donc (le démantèlement des plateformes est à l'ordre du jour dans certains pays). Mais aussi  celle des utilisateurs de Facebook, Instagram et Whatsapp. Et celle des annonceurs, petits et grands. Peut-être n'y aura-t-il rien à signaler sur ces deux fronts. Ainsi, la Bourse n'a pas particulièrement réagi vendredi, après une semaine d'intenses remous. Il est aussi possible que le public ne quitte pas Facebook, Instagram et WhatsApp de manière significative.
Depuis Cambridge Analytica, Petitweb a déserté les plateformes et s'en porte très bien. Mais c'est plus difficile à faire pour certains individus, ou certaines petites sociétés. Pour rappel, Facebook pèse environ  un cinquième des investissements digitaux, qui pèsent eux mêmes plus de la moitié des investissements publicitaires. Mais 80 % des sommes engrangées viennent de tout petits acteurs. Seront-ils sensibles au scandale actuel ? ont-ils de jeunes adolescentes en souffrance à la maison ?

Le véritable talon d'Achille de l'Empire est interne. Après Cambridge Analytica, il semble difficile que Facebook survive durablement à cette crise morale.  Car avec sa réputation en miettes, il lui sera de plus en plus difficile de recruter et de fidéliser les équipes.

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