Qui ?
Jeanne Bordeau, Fondatrice et Présidente de l’Institut de la qualité de l’expression, Virgile Brodziak, Directeur Général de J. Walter Thompson Paris, Michael Boumendil (en photo), pdt de Sixième Son, Xavier de Baillenx, Innovation Officer chez Meetic.
Quoi ?
Le compte-rendu des échanges de la Nuit de la Voix, organisée le 25 juin 2018 par l'UDA, sur les nouveaux usages des assistants vocaux.
Comment ?
Les assistants vocaux permettent une interaction vocale avec le dispositif, et assurent un rapport plus naturel avec la machine. Ils sont de plus en plus populaires : en février 2018, 1 foyer sur 5 aux Etats-Unis était équipé d’un assistant vocal (source : comScore). Virgile Brodziak, Dg de J. Walter Thompson Paris, détaille les usages : davantage de temps passé au lit le matin -la commande vocale permet d’effectuer des tâches à distance. La voix permet aussi de lancer des commandes de manière plus naturelle, sans avoir besoin de passer par l’écrit, ce qui sollicite beaucoup moins le cerveau. Moins fatigant, plus simple, l'assistant vocal séduit rapidement, sa vitesse d'adoption dépasse même celle du smart phone. Les premiers usages ? « on fait des recherches, on demande la météo du jour, on lance la musique, on vérifie son agenda… On s’adapte à l’intelligence de ces assistants vocaux ». Virgile Brodziak évoque les « bienfaits » de l’utilisation de ces dispositifs qui permettraient une « déconnexion des écrans »-ou plutôt une super connexion : l’assistant vocal peut servir de porte d'entrée pour activer le smartphone, la voiture, la cafetière, la télévision... Pour Xavier de Baillenx de Meetic, « il y a en fait peu de cas qui s’auto-suffisent à l’audio. Même quand on fait des achats, à un moment on a besoin de voir ce qu’on a acheté de manière globale. Et aujourd’hui, pour faire ça, Google l’a compris, on vous envoie un mail. »
Pour les marques, la voix propose une expérience innovante et une interaction originale, surprenante et détachée de la concurrence. Meetic qui a ainsi développé un coach de dating, Lara Voice, sur Google Home, « on veut vraiment être là, c’est une question d’innovation et non de business. On est convaincu que le monde de demain est conversationnel ». Il s’agit d’être le premier sur ces nouveaux territoires.
L’importance d’une identité auditive pour la marque
L’identité sonore de la marque a trois dimensions : le son, la musique et la voix. Ces éléments soulèvent énormément de questions à l’ère des assistants vocaux car « dans un mode screenless, tout ce qui représente la marque est important » explique Michael Boumendil, de Sixième Son, agence spécialisée dans l’identité sonore. « Travailler le son, la musique et la voix permet d'attirer l’attention, de bâtir la confiance, et provoquer de l’engagement ». Pour Virgile Brodziak, une « charte vocale » devient nécessaire, car « Nike ne peut pas parler comme la Société Générale ».Une voix doit raconter une histoire : « dès que l’on parle on est dans l’histoire » explique Jeanne Bordeau, Fondatrice et Présidente de l’Institut de la qualité de l’expression. Selon sa tonalité, son débit, s’il s’agit d’une femme ou d’un homme, la voix ne sera pas perçue de la même manière. Par ailleurs, « quand on entend une voix, on imagine quelqu’un », note Michael Boumendil. Google l’a bien compris et développe des persona pour chacune de ses voix. Il faut réussir à faire de même avec l’identité de sa marque dès lors qu’elle est incarnée, et ce même s’il s’agit d’une entité virtuelle. « Et demain vous serez fort en identité si ce que vous faites avec les assistants vous le faites aussi en dehors des assistants. » renchérit Michael Boumendil.
Autre élément à ne pas oublier : il s'agit d’une conversation. Jeanne Bordeau rappelle cette citation de Montaigne « La parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui écoute.» Dans sa conversation avec l’utilisateur, qu’elle soit sonore ou visuelle, la marque doit toujours faire en sorte de garder une position de force. Un exercice difficile lorsque l’on traite avec des assistants vocaux dont « l’intelligence artificielle » reste encore à prouver, face à des utilisateurs capables de formuler le même propos sous des formes très différentes. Testant Lara de Meetic, Jeanne Bordeau remarque que sa mise en garde "juridique" passe très mal dans la première relation entre le bot et son interlocuteur.
Si notre cerveau est capable de comprendre un contexte global et des mots polysémiques, la machine reste encore à ses balbutiements. « Si on demande à Siri : « qui est Emmanuel Macron ? », pas de problème. Mais « Quel âge a-t-il », elle répond : « Je ne connais pas til ». C’est le contexte qui permet de répondre à la question. »
#NuitdelaVoix @UDA_annonceurs
Trouver son juste porte-parole : un défi pour les marques #justesse
Car prendre la parole c’est assumer #identité pic.twitter.com/GyVNIP4I41— Jeanne Bordeau (@JeanneBordeau) 25 juin 2018
La voix de son maitre
Certaines voix paraissent trop autoritaires ou condescendantes. L'utilisateur redoute qu'on utilise ses données personnelles, qu'on viole sa vie privée. Les utilisateurs d’assistants vocaux ont besoin d’être rassurés, ce qui passe aussi par la voix utilisée. Certains utilisent les voix de célébrités pour sortir de cette fausse neutralité et proposer une voix qui « parle » à ses clients. A leurs risques et périls : Michael Boumendil évoque Morgan Freeman, devenu voix du métro canadien. Deux jours seulement. Car elle a été retirée, suite aux scandales sexuels autour de l'acteur.
Comment choisir, alors même que Google garde le contrôle sur les types de voix utilisés ? L’enjeu n’est pas qu’esthétique : il s’agit d’avoir le contrôle sur son identité. « Si vous créez une appli sur Google, ils ne proposent que deux voix masculine et deux voix féminines. En fait, ils vous proposent de rejoindre leur marque. De même, Amazon a surtout une marque : la sienne. » explique Michael Boumendil. Meetic a trouvé une réponse à cette limitation : « Parmi les deux voix américaines (NDLR : de Google Assistant), on a pris la plus chaleureuse. Parmi les deux voix françaises, on a choisi la plus rapide. »
[1] https://www.comscore.com/Insights/Blog/Smart-Speaker-Penetration-Hits-20-Percent-of-US-Wi-Fi-Households