Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru dans la newsletter du

N. Vanbremeersch (Spintank) : « A. Hidalgo fait une erreur en quittant Twitter »

Qui ?
Nicolas Vanbremeersch, président de Spintank (et du think tank Renaissance numérique).

Quoi ? 
Une interview sur la démission d'Anne Hidalgo de X (ex Twitter) et ce qu'elle révèle.

Comment ?
Comment comprenez-vous le départ de la Maire de Paris ?

Anne Hidalgo jette le blâme sur Twitter, et politise une sortie. Or, dire que le réseau évolue dans un très mauvais sens depuis sa reprise par Elon Musk est devenu un lieu commun, qu'on peut sérieusement nuancer. On observe en réalité une forme de continuité dans la nature des échanges : Twitter a toujours été un réseau de polarisation et de confrontation des opinions. C’est dans son architecture, et le prix de son modèle. Il semble que cette polarisation se renforce, mais sans changement majeur récent.

Twitter a toujours été un terrain adversarial, complexe, tendu. Ca ne s’est pas résolu avec Elon Musk, et une polarité s’est sans doute amplifiée. Mais cela reste un moteur majeur de l’espace public.

C'est un joueur de tennis qui blâme sa raquette ?
Il y a de cela. Ou qui refuse les règles du jeu, et qui voit le verre à moitié vide. Soyons clair : personne n’est obligé d’aller sur Twitter. Pour nos grands clients corporate, nous recommandons rarement d’y développer une présence active, aujourd’hui. En revanche, quand on est maire de Paris, qu’on accueille les JO dans quelques mois, et qu’on tente d’emmener une ville dans une transformation importante de son mode de vie, se priver d’une présence active sur ce réseau social est totalement absurde. D’autant qu’elle avait 1,5M de followers, qu’elle pouvait activer.

https://twitter.com/frasermatthew/status/1729129578583785566

Alors, oui, Anne Hidalgo fait face à de l’adversité. Pas vraiment plus que tout politique qui tente d’emmener du changement, d’ailleurs. Cette adversité s’exacerbe sur Twitter, ou, surtout, s’y rend visible : c’est la spécificité de ce réseau, qui ne date pas d’Elon Musk. Le hashtag #saccageparis existait avant la campagne municipale. Or, paradoxalement, Anne Hidalgo, qui a des atouts, des followers, du rayonnement, une équipe professionnelle, du soutien, ne les active pas  sur les réseaux. Son flux est très top down, les contenus qu’elle partage, très auto-centrés, l’animation assez en retrait, et elle semble ne pas chercher à activer des modérés ou des soutiens potentiels, en publiant de l’eau tiède ou un récit très auto-centré.

Je lis son annonce comme une forme de démission. Elle en a assez. On peut le comprendre : l’espace public d’aujourd’hui est très difficile pour une personne publique. Mais quitter Twitter ne résoudra rien à son problème : elle se prive juste d’une capacité d’action majeure, d’un QG de campagne digitale. Elle laisse le champ à ses opposants, et abandonne une position importante. C’est une question de leadership.

Aucun chef d’Etat, dirigeant d’exécutif ou de grande métropole n’a quitté twitter. La raison est simple : cela reste un espace clé, malgré sa gouvernance contestable et sa dérive progressive. Anne Hidalgo semble vouloir faire un précédent, elle risque surtout de se retrouver seule et désarmée.

 

Pourquoi le réseau conserve-t-il son pouvoir d'attraction ?
Twitter reste le seul réseau centripète, qui fait converger l’actualité. C’est sa fonction majeure, essentielle, sur laquelle politiques, médias, ONG, experts, tous les constituants de l’espace public ont investi, et viennent à la source. On le voit encore lors de chaque grand événement, qu’il s’agisse du conflit au proche Orient ou de la démission de Sam Altman : c’est une source indispensable, une centrifugeuse de l’actualité qui joue un rôle majeur.

La remplacer demande un investissement majeur : il faudrait que s’opère un désinvestissement coordonné et massif vers une autre plateforme, qui n’a pas lieu. L’investissement et la pratique mise par des centaines de millions d’acteurs n’est pas facile à contrarier, malgré tous les efforts d’Elon Musk. Tout le monde rêve d’une alternative, mais personne ne quitte la plateforme. Et personne, d’ailleurs, ne suivra une star, ou un politique.

Ce qui peut être plus inquiétant est la dissociation, en réalité, entre un espace politique sur twitter, animé par quelques communautés, déserté par des politiques et les modérés, construisant un agenda politique de plus en plus conflictuel, et, de l’autre, des pratiques sur les réseaux émergents (Tik Tok notamment) majoritaires chez les jeunes, et qui restent désertés par de nombreux politiques et porteurs de savoirs. J’aimerais voir Anne Hidalgo sur Twitter et sur Tik tok. La question reste posée : comment ?

 

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