Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Mounia Rkha, Girls in Tech : « dans ma tête, coder, être développeuse, c’était un truc de mec »

Qui ?
Mounia Rkha, co-fondatrice du réseau professionnel Girls in Tech.

Quoi ?
Une interview qui tombe à pic, la semaine où Newsweek consacre une grande enquête sur les femmes dans la Sillicon Valley : comment Girls in Tech s'y prend pour changer les mentalités dans le monde de la Tech.

Pourquoi avoir créé un Girls in Tech en France, à quel besoin particulier répond votre association ?

L'idée est née en 2010 : à l'époque je travaillais chez Ventech et Roxanne Varza, la cofondatrice de Girls in Tech, travaillait chez TechCrunch France. Un jour nous avons pris un café, et nous avons rapidement déploré le fait qu'il y ait très peu de femmes dans les start-up et dans notre écosystème en général, et que le peu d'entre elles qui y étaient présentes ne soient pas très visibles. De là est née la volonté de créer une association pour essayer de réunir un peu ces profils et de donner davantage envie aux femmes de suivre ces voies.

C’était donc l'un des tout premiers "chapitres" lancés hors Etats-Unis ?

Exactement. Ce qui est amusant c'est qu'on a lancé le chapitre français, puis Roxanne est partie vivre à Londres et y a lancé le chapitre anglais, et nous avons ensuite aidé tous les chapitres européens à se construire. Nous étions un peu le point de référence lorsqu'il s'agissait d'aider un nouveau pays à se lancer.

Pourquoi ce manque de visibilité des femmes dans la tech ?

Comme partout, dans tous les pays et dans tous les secteurs. Je risque d'enfoncer des portes ouvertes. Ce qui est étonnant, en revanche, c'est justement que ce manque de visibilité existe aussi dans la tech, autant qu’ailleurs, parce qu'un secteur d'innovation comme celui-ci devrait être en avance sur les autres. Et je pense qu'il y a énormément de clichés que les femmes ont elles-mêmes, sur elles-mêmes.

Quels genres de clichés ?

C'est horrible de l'avouer, mais moi, par exemple, j'ai fait une école d'ingénieur, Supélec, et je ne sais pas coder deux lignes. Pourquoi ? Pour moi, dans ma tête, coder, être développeuse, c'était un truc de mec, c'était pas glamour, c'était pas in. J'aurais bien aimé rencontrer à l'époque des femmes qui me disent que non, coder c’est bien, c'est super utile, etc. J'avais un autre stéréotype, qui date probablement d'une génération encore avant nous : une femme qui réussissait trop bien, c'était forcément une femme un peu dure, pas capable d'être sympa, de comprendre les gens, qui laissait forcément sa vie de famille de côté. J'avais plein de stéréotypes. Mais si c'est le cas pour moi qui ai fait une école d'ingénieurs et qui a des parents très ouverts, qu'est-ce que ce doit être pour d'autres !

Quel est le rôle de l’école dans tout ça ?

Si on avait fait venir pendant mes études des femmes qui font plein de métiers différents et qui montrent ce que c'est que de créer une start-up ou d'être développeuse, j'aurais eu une vraie vision . Les femmes ont moins de modèles féminins dans la vie publique. C'est là que les écoles ont un rôle à jouer, en montrant, encore plus aux femmes qu'aux hommes, des modèles qui leurs correspondent. Pour moi, c'est essentiel. Les hommes ont énormément de modèles qui incarnent la réussite, et nous, nous en manquons.

Quatre ans après, avez-vous fait changer les choses ?

Dès le début, en 2010, nous avons rencontré un public plus large que ce que l’on espérait. Mais c'est surtout à partir de l'année dernière que l'on a voulu donner une autre dimension à l'équipe. Nous sommes maintenant une dizaine de bénévoles à nous occuper de Girls in Tech, parmi lesquels deux garçons, ce dont nous sommes très fières. Cela nous a permis de produire davantage de contenus, de faire plus d'événements,  de partenariats, de mettre en valeur les projets d'associations similaires...

Comment faites-vous pour promouvoir une répartition 50% hommes - 50% femmes dans le milieu tech ?

Nous organisons donc des événements business, avec des problématiques business - il est hors de question de parler de "oh ouais t'as réussi à créer ta boîte et à gérer tes gosses"-. La seule chose, c'est qu'il n'y a que des speakers femmes. En France, nous ne sommes pas si mal lotis. C'est tout bête, mais d'avoir une secrétaire d'Etat au numérique qui soit une femme, deux fois de suite ! Ce qui est agréable aussi, de mon expérience, c'est qu'il y a beaucoup de bienveillance envers notre mouvement, de la part des hommes notamment. Ce serait bien, que les grosses conférences essaient vraiment d'avoir plus de femmes sur scène, parce qu'il y en a vraiment très peu. Je suis sûre qu'en se creusant un peu la tête, ils vont trouver de supers profils, qui devraient leur permettre de se renouveler justement.

Propos recueillis par Mathilde Saliou

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