Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

M. Darrieutort : « Pour libérer l’entreprise, il faut libérer le patron »

Qui ?
Marion Darrieutort, PDG de l'agence Elan-Edelman.

Quoi ?
Une interview réalisée à l'occasion des Napoléons à Val d'Isère, pour faire un premier bilan de la fusion d'Elan et d'Edelman en France, ou comment le spécialiste des relations publiques compte mordre les mollets des cabinets de conseil et briller à Cannes. Tout en devenant une entreprise libérée.

Comment ?

- Deux ans et demi après le rachat de votre agence par Edelman, quel bilan tirez-vous de la création d'Elan-Edelman ?

La plupart des clients historiques d'Elan nous renouvelé leur confiance : Moet&Chandon, Danone, Don Perignon, Airbnb, PWC... et ils nous ont même confié de nouvelles missions. C'était le premier indicateur de succès lors de la vente. Le second point important, c'est les équipes. Les livres de management estiment à 30% le taux de départs suite à une fusion : ça a été le cas. Mais il y a de toute façon un turn-over important dans les agences. Ceux auxquels je tenais sont toujours là et ceux qui sont partis ont pour beaucoup rejoint des clients, pas d'autres agences. Il s'agit d'un mouvement naturel, qui a aussi un effet positif : la possibilité d'accueillir des nouveaux. Mais il ne faut pas  se mentir :  il y a eu des hauts et des bas, ça reste une fusion. Nous avons tous appris et grandi très vite.

- Et d'un point de vue financier ?

Mon baromètre, c'est le profit : nous avions trois ans pour retrouver une rentabilité et nous l'avons fait en deux ans. Elan-Edelman réalise désormais le plus haut taux de profit qu'Edelman a jamais eu en France depuis douze ans. En 2016, nous avons réalisé 14 millions d'euros de marge brute pour 22 millions d'euros de chiffre d'affaires. Mais il y a aussi un bilan plus personnel : quand vous vendez votre entreprise, vous ne savez jamais si les acquéreurs vont tenir leurs promesses. Là, toutes ont été tenues : j'avais envie d'internationaliser le portefeuille client, nous avons récupéré Nissan monde ; je voulais un lieu pour les équipes, nous avons créé la Maison de l'influence. Quant à la liberté d'organisation, nous sommes le seul pays à avoir une structure différente des 65 autres bureaux du groupe... Le groupe Edelman utilise la France comme un lab : il observe comment nous fonctionnons, notamment sur la thématique de la gouvernance horizontale.

- Vous avez aussi bouleversé l'organisation de l'agence. Pourquoi ?

Avec la fusion des équipes d'Elan et d'Edelman, nous avons aussi changé de modèle et de positionnement. Pour fusionner et transformer, il faut de l'agilité et c'est pour cela que nous nous sommes tournés vers le modèle de l'entreprise libérée. L'organisation des agences est  pyramidale, top-down : je ne voyais pas comment réussir notre transformation sans mettre de l'agilité. On a supprimé le comex, les codir, tous les co-co des agences. A la place, j'ai créé les "monday meetings", avec tout le monde autour de la table.

- Quels sont les premiers résultats ?

Nous avons démarré en juin 2016, en nous attaquant à trois leviers : la transversalité, la quête de sens et le cadre. C'est en cours, c'est une transformation culturelle, pour moi la première. Je ne me doutais pas que pour libérer l'entreprise, il fallait aussi libérer le patron... Il a fallu que je parte dans un ashram pendant une semaine pour me remettre en cause. Là, nous commençons à voir les premiers résultats en termes d'agilité et d'efficacité, mais aussi en performances financières.

- Comment décrivez-vous votre agence ?

Nous sommes une agence de conseil en stratégie. Nous répondons aux enjeux business de nos clients, pas uniquement à leurs enjeux de communication. Nous accompagnons de nombreux dirigeants : en travaillant avec eux, ils nous confient leurs enjeux de transformation, digitale, sociétale et managériale. Certains cabinets de conseil rentrent chez nos clients sur des sujets de communication. Pourquoi on n'irait pas sur les leurs ? Le marché bouge. Nous avons fortement renforcé la notion de consulting, avec un modèle de cabinet, pour les dirigeants et les comex, tout en gardant nos fondamentaux, la réponse aux enjeux de communication avec un modèle d'agence de communication intégrée. Pour nous, c'est un virage ambitieux.

- Pourtant les agences n'ont pas vraiment les mêmes moyens que les cabinets de conseils pour recruter...

Certes, mais dans les profils que l'on rencontre et recrute, on voit des gens qui ont envie d'évoluer dans leur métier de consultant. Avec des mouvements comme le passage de Mathieu Morgensztern chez Accenture ou le départ de Benoit Viala d'Havas pour créer son cabinet de conseil, on voit qu'il y a une convergence des secteurs. La communication, qui était une fonction support, est devenue une fonction stratégique.

- Est-ce que vous faites aussi évoluer vos modes de rémunérations ?

Traditionnellement les agences RP disent qu'elles ont des obligations de moyen, pas de résultats… Mais si le sujet est les ventes, il n'y a pas de raison que notre rémunération n'intègre pas une notion de performance.

- Quels sont les nouveaux profils que vous recrutez pour accompagner ce nouveau positionnement ?

Sur le dernier trimestre 2016, nous avons recruté 22 personnes, principalement des planneurs, des créatifs et des gens du digital. Pour notre partie agence intégrée, nous n'avons pas voulu reproduire les silos des agences traditionnelles : création, planning et digital sont réunis au sein de la même équipe, dont le but est de produire des idées au service du business.

- Votre prochaine étape, c'est donc de gagner un Lion à Cannes ?

Evidemment, notre rêve, c'est Cannes : ce serait la reconnaissance de notre repositionnement. D'ailleurs l'an dernier Edelman a gagné le prix Titanium pour une campagne américaine. Mais le principal indicateur reste nos clients : est-ce qu'ils changent de regard sur nous et nous confient de nouvelles missions ? Là, nous commençons tout juste. Nous vendons des concepts. Parfois nous ne les exécutons pas, c'est l'agence en contrat à l'année avec le client qui le réalise, mais ça ne me dérange pas. Je sais que nous n'y arriverons pas du jour au lendemain, nous sommes des outsiders.

- Quelles sont les campagnes qui incarnent votre nouveau positionnement ?

"Let's Go France" pour PWC ou la campagne autour de la réouverture du Bataclan. Les agences de pub vendent des campagnes, nous, nous voulons plutôt créer des mouvements, engager les gens.Un mouvement est durable, il donne du sens. Il crée autant d'engagement que d'attachement, en interne et en externe.

Propos recueillis par Benoit Zante

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