Qui ?
Jean-Luc Chrétien, DG Distribution, Ventes et Fidélisation d'Accor Hotels (en photo), Catherine Barba, fondatrice de CBG et François Hubault, professeur d'ergonomie à Paris I et associé d'Atemis.
Quoi ?
Le compte-rendu du Petit Club du 13 février 2013, à l'UDA en partenariat avec l'agence Team Inside, de Jean-Sébastien Hongre et Frédérick Bénichou, autour du thème : "Halte aux silos ! Transformer son organisation à l'heure du digital." Le prochain Petit Club aura lieu le 26 mars, sur le thème "Publicité et médiaplanning à l’heure du Multi-Ecrans". Les annonceurs qui souhaitent être invités peuvent en faire la demande ici.
Comment ?
"Avec la digitalisation, on risque de confondre "connexion" et "communauté", en créant une illusion de la communication. On confond le fait de tout savoir, avec le fait de comprendre. C'est le défaut majeur des organisations aujourd'hui : on y sait tout mais on n'y comprend rien" explique François Hubault. Un exemple : le reporting, outil qui fait croire qu'on sait tout, mais sans comprendre. "Les grandes organisations sont tentées de poser la modernité comme une rupture avec le passé. Si ce qu'on devient se fait au détriment de ce qu'on est, ça ne marche pas !" Les principaux freins à une digitalisation réussie sont culturels et humains : "dans l'économie de l'immatériel, la question de l'accessibilité est centrale. La digitalisation fait le présupposé d'une accessibilité sans obstacle, alors qu'il y a des limites culturelles, sociales, cognitives. La technique est inutile sans codes sociaux, sans civilité."
Pour Catherine Barba, la digitalisation n'est pas une option pour les entreprises : c'est une nécessité. "Vos clients ont déjà fait leur digitalisation ! En tant que consommateur, on a déjà cassé les silos depuis bien longtemps" résume-t-elle. "Les clients sont devenus multiples. Ils ont une relation avec une marque, une enseigne, une entreprise. Pas avec un canal de vente en particulier. Plus il y a de digital, plus on a besoin de relations physiques, concrètes. Maintenant, quand je vais en magasin, j'ai encore plus besoin de considération. Si c'est pour faire du self-service, je peux le faire chez moi."
Deux éléments sont déterminants dans la réussite d'une digitalisation : une direction générale 100% impliquée dans le projet et une action de terrain, ultra-concrète. Aux Etats Unis, le distributeur Best Buy a mené cette révolution avec ses employés : "chaque lundi matin, ils se réunissent et passent en revue les moments où les clients les ont pris en défaut. Depuis que j'ai acheté un ordinateur chez eux, je suis cliente à vie. Le lendemain, je recevais un mail de Johan, mon vendeur, espérant que j'étais contente de mon achat, m'indiquant les autres magasins où je pourrais l'échanger et me pointant sur les réseaux sociaux de la marque."
En France, Monoprix a mené sa digitalisation sur l'impulsion du Comex. "Ses membres se sont demandé comment apporter à leurs clients une expérience relationnelle remarquable, à chaque rencontre. Cela a commencé par un premier travail d’interviews sur le thème "parlez-moi d’enseignes qui le font bien". Cela a permis de parler d’une même voix. On a aussi fait des ateliers avec les 20 managers sur l'expérience client cross-canal réussie. Ensuite on a réuni dans un comité de pilotage des gens de l’entreprise qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble. C’était une façon de casser physiquement les silos."
Autre enseignement du cas Monoprix : "la symétrie des attentions est un point extrêmement important. Si on veut que ses clients soient heureux, il faut d'abord bien traiter ses salariés. La direction des ressources humaines a joué un rôle clé." Les clients ont ensuite été interrogés, par des focus groupe, une étude en ligne et des visites mystères. " Il faut imaginer les différents cas de figure du parcours client, travailler avec les points de vente, identifier les points qui grattent. La digitalisation c'est du super concret : on se met en situation de client." Sur le terrain, "il y a beaucoup de pédagogie à faire. On note beaucoup de peur chez les vendeurs, les clients en savent de plus en plus. Il faut que les gens s'approprient la digitalisation. On va vers des "vendeurs augmentés". C'est une chance pour eux."
Jean-Luc Chrétien vit la digitalisation au quotidien, au sein du groupe Accor : "tout s'est beaucoup accéléré ces 6-7 dernières années, avec l'apparition de nouveaux comportements, mais aussi d'acteurs comme Expedia ou Booking.com. Et demain ce sera Rakuten ou Ctrip. Ce sont des apporteurs d'affaire, mais aussi une menace pour notre modèle économique." Traditionnellement, Accor était un groupe peu centralisé, où les hôteliers étaient responsable de la relation client et du CA. Jusqu'à une période assez récente, 70% du CA était réalisé par des clients réservant directement auprès de l’hôtel, par téléphone. "Le client a changé la relation, avec une incidence directe sur le volume d'affaire. Le parcours client et les règles du jeu ont changé. Nos canaux d'acquisition sont maintenant plus coûteux, nos partenaires distributeurs sont de plus en plus envahissants."
La prise de conscience au sein du Comex a débuté il y a six ans et a conduit au développement d'une nouvelle stratégie, menée avec le concours de cabinet de conseil et d'agences, autour de deux axes : Accor Store (distribution) et Accor Client (relation). Les silos traditionnels, par services et par marques ont été abattus, au profit de la mutualisation des ressources dans des pôles multi-marques. Une filière d'expertise digitale, en central, a pour ambition d'attirer les talents et de former l'interne. Avant, 250 personnes au sein du groupe achetaient des mots clés. Aujourd'hui, 5 personnes en central négocient directement avec Google. Une Académie Digitale a été mise en place pour former les salariés, des franchisés jusqu'au conseil d'administration. Prochain enjeu : les réseaux sociaux. "Une des réflexions, c'est de faire de notre réseau d'hôtels un réseau social. On peut commencer l'accueil avant l'arrivée à l'hôtel et le poursuivre après."
Benoit Zante