Qui ?
Jean-Pascal Mathieu, qui dirige le Nurun Lab à Montréal.
Quoi ?
Une tribune dénonçant les insuffisances de la mesure d'audience télé, qui ignore outre atlantique le très puissant Netflix, pesant pourtant 30 % de la bande passante mais qui déserte le top 10 de l'audience des sites vidéo.
Pourquoi ?
"Regarder la télévision", c'est simple du point de vue du spectateur, mais d'une grande complexité du point de vue de l'annonceur et de la mesure de l'audience car :
1. La télévision ne se regarde plus, elle se vit.
2. La télévision ne se regarde plus seulement sur une télévision, mais sur quasiment tous les appareils connectés.
3. La télévision ne se regarde plus seulement en temps réel, mais aussi en replay légal et illégal.
4. La télévision est moins une affaire de foyers et plus une affaire d'individus socialement connectés.
5. Les marques programmes prennent le pas sur des marques chaînes qui se diluent dans les bouquets et la TNT.
Comment ?
Définir et mesurer l'audience d'un programme ou d'une chaine devrait logiquement prendre en compte tous ces éléments pour refléter la réalité des nouveaux usages. Sauf que c'est impossible avec les méthodologies de mesure en place aujourd'hui (panels et cookies), qui cloisonnent ces usages pour obtenir des chiffres justes mais partiels. Le plus bel exemple de cette vue tronquée d'un même tout vient des État-Unis. Les analyses d'usage de la bande passante montrent que Netflix, un service de vidéo à la demande sur abonnement disponible sur de nombreuses plateformes, utilise près de 30% de la bande passante de tout l'internet. C'est évidemment un chiffre gigantesque qui traduit un usage important et répété qui se fait au détriment tant des chaînes traditionnelles que des sites de vidéo en ligne sur le web. Sans aller jusqu'aux État-Unis, on assiste partout à l'explosion des usages multi-écrans qui permettent une expérience sociale et enrichie du programme qu'on est en train de regarder. On constate aussi une événementialisation des programmes au delà du sport, avec un avant, un pendant et un après multi-canaux et multi-sociaux.
Les mesures d'audience de la télévision ou du web ne permettent pas de prendre en compte ces phénomènes et leur imbrication. Au point que le site web de Netflix ne figure même pas dans le top 10 des sites de vidéos en ligne de Comscore. Face à la menace d'une arrivée de nouveaux acteurs, le marché français s'organise, en proposant des offres équivalentes comme Canal Plus Infinity. La bascule d'usage ne se lit pas encore dans les chiffres, et le nombre moyen d'heures passées devant la télé "classique" reste beaucoup plus important que celui passé sur les contenus en ligne sur le web. Cet état de fait est propice au déni. Si l'on regarde les mêmes chiffres avec une perspective générationnelle, avec une perspective de valeur perçue par les marchés, avec une perspective de croissance ou avec une perspective d'impact de la publicité, une autre réalité se dessine qui n'a pas encore trouvé ses indicateurs de performances ni ses instruments de mesure. Seuls les opérateurs disposent aujourd'hui de la vraie information, qui reste opaque aux annonceurs qui voient leur efficacité publicitaire s'amoindrir mois après mois.
Cela ne pourra pas durer éternellement, mais de qui viendra le pavé dans la mare ?