Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru dans la newsletter du

Ligue du LOL : pourquoi Twitter a-t-il laissé faire ?

Quoi ?

Un début de réflexion sur les implications du tsunami "ligue du Lol"...

Comment ?

Dix jours passés dans un bain de vomis. A découvrir dix ans après les raids de la ligue du Lol, entre autre, contre des personnes ciblées comme femme, féministe, Juif, gros, ou blogger, par une élite autoproclamée, travaillant majoritairement dans des médias bien pensants de gauche, ou des agences de com liées au PS. Pour le rappel des faits, et les témoignages des victimes de ce lynchage virtuel, voir ici. "Faites ce que je dis, pas ce que je fais". Les membres de la ligue expérimentent aujourd'hui à leur dépens ce qu'ils ont initié il y a une dizaine d'années sur les réseaux sociaux.

Pourquoi l'affaire sort-elle dans Libé, dont deux journalistes sont visés par le scandale, dix ans plus tard ?

C'est un autre effet boomerang : avec la multiplication des fake news sur les réseaux sociaux, Libé a lancé en septembre 2017 Checknews, son service de vérification de l'info à la demande. "On nous pose une centaine de questions par jour. Et il y en avait beaucoup autour de la Ligue du Lol. Nous nous sommes donnés comme ligne de conduite de traiter toutes les questions, y compris celles qui nous concernent", explique Clément Delpirou, qui dirige Libé et l'Express. Après l'éclatement du scandale, les deux journalistes ont été mis à pied. Une décision devrait être prise les concernant dans les prochains jours. Tous les médias ont fait de même, Studio 404 a même décidé de se saborder. Tous, à l'exception, notable, de Slate.

Clément Delpirou détaille d'autres implications de ce scandale chez Libé : "Il nous fallait faire attention de procéder à l'examen des faits de manière sereine pour ne pas que la meute succède à la meute. Cela a aussi généré dans la rédaction un débat de fond : quand on défend ces combats, est-ce que la structure hiérarchique de l'équipe n'est pas le reflet de ce ce déséquilibre ? Que peut-on faire pour y remédier et permettre à des femmes d'accéder à des postes de responsabilités ?"
Sur le front juridique, "Jamais Sans Elles", le collectif qui a œuvré pour la représentation des femmes dans les conférences tech, a ouvert un service pour aider les victimes qui ne sont pas couvertes par la prescription à porter plainte.

Les dirigeants des médias savaient-ils ?

La fameuse lettre des victimes, en 2010, a été interceptée et déconsidérée, avec le hashtag "LaLettre". Mais elle a été bel et bien lue par certains, commentée par d'autres. Gilles Klein a alerté  Laurent Joffrin, en vain. Les dirigeants des médias et des agences, à qui était adressée #LaLettre, ont été très légers dans leur réaction. Il faut dire que la "ligue du Lol" contient dans son intitulé la mention "c'est pour rire".
A noter, la semaine dernière, le magazine Elle a supprimé en douce une page sur les garçons dans le vent, où figurait en majesté l'état major actif de la ligue du Lol (capture ci-dessous)...

Pour Natacha Quester-Séméon, cofondatrice de Jamais Sans Elles : "Le but de ces dénigreurs professionnels n’était pas seulement de réduire la visibilité des femmes ou de personnes différentes, mais aussi d'éliminer la concurrence. La presse subit une crise profonde depuis plusieurs années. Ses dirigeants bousculés par le numérique, cherchent de nouveaux modèles économiques. En quelques années, les OS de l’info (ou forçats de l’info) ont ainsi pu accéder à des postes de responsabilité dans le monde de la presse. Aujourd’hui, il est temps de remettre en cause ces modèles reposant sur le clickbait (la course au clic sur les réseaux)". La crise de la Ligue du Lol intervient au pire moment, en pleine bataille éthique des médias contre les plateformes, et quand  la presse et ses connivences sont mises en lumière, par des personnalités comme Juan Branco.

Est-ce le reflet d'un combat entre les journalistes et les bloggers ?

Nicolas Vanbremeersch, blogger bien connu sous le nom de Versac, évoque la période : "Il y avait à l'époque un débat entre passionnés et pionniers de la tech, qui se moquaient des marketers et de bloggers comme @chrisreporter, @Korben, Grégory Pouy, Loic Le Meur. Et contre des influenceurs qui monnayaient leur célébrité, comme Deedee." Ces joutes avaient pour conséquence de faire augmenter le nombre de followers des journalistes qui partaient en raid. Et augmentaient leur influence.
Au delà de la projection de pervers narcissique sur plus faibles qu'eux, les harceleurs de la ligue du Lol ont utilisé le harcèlement ou l'intimidation en meute pour faire table rase de ceux qui étaient déjà bien installés. Ils ont aussi fait barrage à d'éventuels nouveaux entrants sur le marché de l'information "digitale"... La ligue du LOL a essaimé dans les lieux de pouvoir : @agaterie a rejoint l'équipe de Cyril Hanouna, dont l'émission est en TT un soir sur deux.

Quel rôle a joué Twitter ?

Le fonctionnement de Twitter favorise cette logique de raid. Ouvert, accessible à tous. Mais sur Facebook, le printemps arabe a vu également des "effets de meute". Cf. le trolling organisé par les tunisiens sur le profil de Nicolas Sarkozy. Sur Twitter, à  l'époque, c'était une petite bande organisée. Depuis quelques années, cette logique est devenue une industrie, pratiquée par le printemps républicain, ou dans un autre genre, leurs enfants spirituels du forum 18 25 de jeuxvideo.com (groupe Webedia). Et quand la ligue du Lol sévissait, Twitter se croisait les bras, comme en témoigne ce post d'Ariel Waldman : "Twitter refuse de faire respecter sa charte d'utilisation."

La plateforme pousse au clash et favorise les "clasheurs". De la même manière que le public s'arrête pour voir un accident au bord de la route, le clash fait augmenter le nombre de followers et rend le compte prééminent. Aujourd'hui 40 % des followers de Vincent Glad sont des faux, parce qu'à une certaine époque, il était "compte recommandé" par Twitter à ses nouveaux utilisateurs. Comme beaucoup de ces adeptes ont délaissé leurs comptes, cela explique ces 40%. Comme le souligne Clément Delpirou: "Sur Twitter ,  pas de pouces bleus et rouges comme sur  Youtube, qui signalent les interventions qui posent problème."

Twitter n'a pas réagi officiellement. Son service presse se contente d'envoyer cette mise au point aux journalistes qui l'appellent sur le Lolgate : "La sérénité de la conversation sur Twitter est la priorité numéro un de l'entreprise. Pour ce faire, en 2018, nous avons apporté plus de 70 modifications à nos produits, politiques et opérations. Nous avons renforcé nos politiques de sécurité et leur mise en application, et avons investi davantage dans la technologie. A la suite de ces efforts, nos actions proactives sur les comptes ont augmenté de 214% et nous avons constaté une baisse du nombre de signalements. Les avancées en ce domaine sont difficiles mais nous n'avons jamais été aussi résolus à développer des solutions en collaboration avec les gouvernements, la société civile, nos partenaires et la Commission Européenne."

La réaction des pouvoirs publics est-elle adéquate ?

Mounir Mahjoubi prépare une loi contre la haine sur les réseaux sociaux qui confierait à l'intelligence artificielle des plateformes américaines le soin de démêler les paroles de haine des autres. Et lèverait l'anonymat. Toutes les personnes que nous avons interrogées sur cette enquête sont unanime : ce sera inutile et néfaste. "Cela supposerait des dispositifs d'une ampleur extraordinaire pour que cela fonctionne", explique Clément Delpirou, chez Libé. De son coté, Kitekoa se moque du pays de Candy  imaginé par notre Ministre, avec #aupaysdeMounir.

Faut-il supprimer l'anonymat sur Internet ?

Distinguons anonymat et pseudonymat. L'anonymat, ou faire en sorte de ne pas laisser de traces de données personnelles lors de son utilisation d'internet. 0,01% des utilisateurs de Twitter sont en mesure de le faire. Il n'y a aucun moyen de les empêcher de le faire, du reste, tout comme il n'y a aucun moyen technique pour empêcher de télécharger un mp3. Bisous Hadopi.

Le pseudonymat, ou utiliser un pseudo comme @lapinou77 plutot que @prenomnom. Le Canard Enchainé, par exemple, ne pourrait pas exister sans le pseudonymat, on assisterait nécessairement à un phénomène d'auto modération.

En terme juridique, un juge saisi à propos d'un compte sous pseudonyme obtiendra de Twitter l'IP et d'autres identifiants permettant de remonter à son identité réelle.
Difficile d'interdire le pseudonymat : un abonnement  NordVPN et l'on devient citoyen américain en un clic. "Si j'allais pirater un serveur de LREM, je prendrais garde à paramétrer mon VPN pour devenir russe, parce que c'est bien plus drôle" explique un activiste. C'est aussi simple que ça, la citoyenneté, sur internet. C'est même gratuit, en téléchargeant Opera, un navigateur suédois qui intègre un VPN en natif.

Est-on en train de reconstruire une ligne Maginot à la Hadopi ?

Si dans un espace public, un Américain vous traite de "sale Juif", il est protégé par le premier amendement. Les Américains ont une tendance à donner une force d'extraterritorialité à leurs lois, à l'inverse, que faire  juridiquement avec un citoyen français qui s'exprime depuis la Hongrie ? LOL.
Les groupes FB  tiennent lieu de Grand Débat depuis dix ans. La censure par l'intelligence artificielle, qui se dessine ? Explosion populaire en vue.
Le contexte est d'autant plus tendu que la directive copyright vient de passer à Bruxelles et va instaurer des filtres à l'upload qui vont censurer énormément de choses. 39% des français pensent que la démocratie ne fonctionne pas très bien, et 31% pas bien du tout...
Pour finir, une anecdote : nous avons voulu demander à Loic Le Meur ce qu'il en pensait. Mais depuis janvier, l'homme d'affaires, qui a forgé sa notoriété avec les blogs et les réseaux sociaux, s'est entièrement retiré de ces derniers. Un nouvelle tendance à suivre ?

 

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