Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru dans la newsletter du

Projet de loi climat et résilience : quel avenir pour la publicité ?

Qui ?
Anne-Marie Pecoraro, Avocate Associée spécialisée en propriété intellectuelle chez  UGGC avocats.

Quoi ?
L'exégèse du volant pub du projet de loi climat et résilience.

Comment ?
Le projet de loi « climat et résilience ”  illustre l’intention du gouvernement de marquer du sceau de la transition écologique les thèmes les plus divers. Le projet envisage d’« encadrer et réguler la publicité » dans un chapitre 2 placé au sein d’un titre 1er « consommer ». Déposé par la Ministre de l’écologie Barbara Pompili le 10 février 2021, amendé par le Sénat du 13 au 29 juin, le texte s’inspire des 146 propositions retenues formulées par la Convention citoyenne pour le climat d'octobre 2019. Le « Pacte vert » européen impose une réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 (par rapport à 1990) et la neutralité carbone à horizon 2050. Mais la majorité de droite au Sénat semble osciller entre raffermissement et affaiblissement, selon les articles, des mesures portées par un projet de loi, pourtant déjà jugé insuffisant pour relever dans les temps les objectifs qui s’imposent à la France.

Quid de la publicité ? Le projet, aborde les questions suivantes : création d’un étiquetage carbone des biens et services pour informer les consommateurs sur l’impact environnemental de leur cycle de vie (article 1) ; interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles (article 4) ; création de codes de bonne conduite, pour que s’auto-régulent les annonceurs de biens et services dont l’impact sur l’environnement est négatif. La publicité ne leur est quand même autorisée, via la conclusion de « contrats climats » avec le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (article 5) ; transfert de compétence en matière de police de la publicité du préfet aux maires (article 6) ; système d’autorisation préalable des écrans et enseignes lumineuses publicitaires et règlementation locale des questions liées aux emplacements, surface, hauteur, consommation d’énergie, nuisances lumineuses des publicités placés dans les vitrines commerciales, visibles depuis la voie publique (article 7) ; interdiction de la publicité tractée par avion (article 8) ; création d’un dispositif « oui-pub », en l’absence duquel le propriétaire d’une boite aux lettres est censé refuser le démarchage papier (article 9) ; interdiction, sauf demande expresse de la part du consommateur, de fournir un échantillon du produit   (article 10).

Le Sénat a renforcé certains points  : interdiction d’indiquer, même à raison, qu’un produit ou service est dépourvu de conséquences négatives sur l’environnement (article 4 bis C) ; interdiction d’affirmer que la livraison d’un produit est gratuite dans une pratique commerciale (article 4 bis D)…S’agissant de cette dernière mesure, son ambition écologique est limitée puisqu’elle ne cible pas tant le fait de ne pas payer, mais le fait de « dévaloriser l’acte de livraison » alors que le e-commerce gagne du terrain . Pour le Sénat, le débat n’est alors que sémantique, la rapporteure du Sénat incite à remplacer « livraison gratuite » par « livraison offerte ». La problématique sera à rapprocher du contexte juridique plus large de la règlementation des plateformes en ligne...
D’autres mesures sont, elles, affaiblies  : autorisation de publicité des énergies fossiles dont le contenu biogénique est égal à 50% au moins ; suppression du dispositif « oui-pub » ; maintien du pouvoir de police de la publicité entre les mains du préfet ; suppression des régulations liées à la surface, la hauteur des publicités lumineuses et leur nuisance lumineuse. Des édulcorations  destinées à satisfaire les annonceurs, après la crise sanitaire.

Le projet comporte  des mesures plus volontaristes, avec l’élaboration de codes de bonne conduite pour encadrer les activités des acteurs de la publicité. Ceux-ci s’engagent à diffuser une publicité plus vertueuse en matière d’environnement, avec des actions de formation et de sensibilisation des acteurs. Des indicateurs tels que la réalisation de bilans gaz à effet de serre (GES) ou le nombre de publicités à l’information écologique claire, sont les outils proposés pour mesurer la réalité de ces engagements.
Qui va surveiller ces bonnes intentions ? Trois autorités y veilleront : le CSA présentera un bilan annuel devant le Parlement ; l’ARPP, un bilan annuel devant le  CESE ; l’ ARCEP s’assurera de la bonne information des consommateurs sur les espaces numériques. Mais l’absence de réel encadrement juridique de ces codes pourrait renforcer les rangs du greenwashing.

Alors que le projet issu de l'Assemblée Nationale prévoyait l’application des codes de bonne conduite pour tous les médias audiovisuels, un amendement déposé par la commission de la culture de la Haute Chambre et adopté le 15 juin prévoit la suppression, programmée au 1er janvier 2023, et pour les seuls médias de l’audiovisuel public, des « publicités promouvant des produits ayant un impact négatif sur l’environnement dès lors que des produits ou services ayant un effet moindre sur l’environnement sont disponibles ». L’idée est de faire du service public une figure de proue, un exemple à suivre.

Enfin, on rappellera que la liberté d’entreprendre, dont relève la publicité, n’est ni générale ni absolue. Le législateur peut y apporter des limitations exigées par l’intérêt général dont fait partie la protection de l’environnement (Cons. Const. 31 janv. 2020, n°2019-823 QPC).

Aujourd'hui, Sénat et Assemblée Nationale doivent se mettre d’accord : comme évoqué dans ce bilan, le projet  n’est pas à la hauteur de son effet d’annonce, alors que l’horloge tourne. C'est une montagne qui va bientôt accoucher d'une souris ?

Anne-Marie Pecoraro

 

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