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Croiser la donnée : mode d’emploi

Qui ?
Mykim Chikli, CEO de Weborama, Olivier Monferran, directeur média Essity, et Antoine Bsaibes, directeur recherche Weborama (vidéo là).  Guilhem Bodin, partner, Converteo (vidéo ), David Folgueira First ID (vidéo ici), Isabelle Bordry, Pdg de Retency (vidéo ici), Laurent Mathias, Commerce & Data General Manager, L'Oréal Consumer Product (en photo), et Alexis Marcombe Dg Carrefour Links (vidéo ici).

Quoi ?
Le ciblage et la mesure, à l'ère clean room et post cookie.

Comment ?
Comment cibler ses messages dans un monde post cookie ? "Ce qui nous intéresse ici est de parler insight, créativité et mesure, de comprendre les cibles et leur comportement en ligne" explique Mykim Chikli. L'étape numéro un passe par l'enrichissement de la vidéo. "Trop souvent, les vidéos ne comportent pas de call to action". La voie retour permet d'enrichir la donnée first party. La diffusion de la campagne permet de passer à l'étape deux. La campagne a été vue ? L'audience engagée est collectée dans les données first party. Ce profil d'audience permet de créer des persona, grâce à la data science de Weborama, qui enrichissent la Consumer Data Platform (CDP). Ces enseignements sont ensuite exploités dans la future vague publicitaire.
Awareness et collecte de mail Conso : pas incompatible.

Olivier Monferran, directeur média d'Essity (Nana, DemakUp, Lotus baby...) a la même problématique que tous les annonceurs actuellement : "Il s'agit de faire mieux avec moins." Pour cela, on teste, on teste, on teste. Depuis deux ans, pour chaque action, la data suit les performances." Les tests portent parfois sur la création. "Nous avons introduit un call to action dans une campagne et nous avons voulu savoir si le format enrichi ne dégrade pas la mémorisation du message et l'intention d'achat. La réponse est non : on peut donc tirer partie d'une campagne d'awareness pour faire de la collecte de donnée. Deuxième nouveauté : la mesure de l'attention.

Pour la mesure de l’attention de cette campagne Weborama a collaboré avec xpln.ai. Ce critère de l'attention permet de mieux orchestrer le plan média sur le digital. "Nous avons besoin de savoir qui sont les gens qui regardent nos messages, pour mieux cibler les prochaines campagnes. Le critère attentif/non attentif nous sera utile pour optimiser nos futures campagnes. Antoine Bsaibes explique la démarche : "la base de données comportementales comporte des centaines de caractéristiques (moments de vie, affinités avec les marques...). L'audience attentive aux messages est centrale pour les projets. On veut évidemment l'élargir, en créant des "look alike" et en faisant du recyclage. On distingue aussi les motivations d'achat pour personnaliser la création des campagnes."La data c'est bien, mais la data actionnable, c'est mieux. Derrière chaque data collectée, on analyse si on peut l'actionner". Et pour évaluer l'impact d'une campagne média sur les ventes, le rapprochement des données média et des ventes se fait via une data clean room.

Le mot de l'année : data clean room 

Guilhem Bodin est partner chez Converteo. Il a donné le mode d'emploi de la clean room. Les premiers articles sur le sujet datent de 2017. Pour faire simple, la clean room, c'est du partage de données. "Auparavant, c'était fait en croisant des fichiers Excel. Puis il y eut des tentatives de Data Management Platform pour partager de la donnée. "Mais elles se sont heurtées à des problématiques de sécurité et de mise à l'échelle". Le sujet décolle vraiment en 2021 et 2022. pourquoi ? Avant, c'était les Gafam qui abordaient le sujet. Aujourd'hui, Facebook n'en parle plus. Google a lancé en 22 Google Ads Data Hub. Chez Amazon, ça s'appelle Amazon Marketing Cloud. Ces clean room effectuent la mesure sur l'inventaire acheté en leur sein. "Si une marque achète 15 M€ chez Google, la clean room permet d'affiner le plan et de comprendre, entre une répétition de 5 ou de 10, quand ça sature. Et ça conduit à faire des économies." La clean room est un espace sécurisé, où plusieurs  acteurs partagent de la donnée en toute sécurité et respect du RGPD.

Le partage de données peut se faire entre walled garden, éditeur et distributeur, comme dans l'exemple de L'Oréal avec Carrefour (voir plus bas). Ou entre annonceurs. L'objectif est de mieux connaitre son client final et de mieux cibler : cela permet d'aller plus loin et de communiquer auprès de la bonne audience. Comme les consommateurs de Carrefour qui achètent du shampooing, mais pas ma marque". L'autre volet est chez l'éditeur, qui récolte des données plus précises qui le rapprochent du consommateur. Si les cas d'usage sont nombreux, Les sujets sont les mêmes : la confidentialité et la sécurité de la data, la granularité de la donnée. "Toutes les clean room n'ont pas les mêmes pratiques en termes de confidentialité et de taux de matching." Autre problème : sur un échantillon trop réduit, l'expérience est coûteuse et pas rentable; Enfin, l'UX diffère beaucoup: certaines clean room ne sont accessible qu'aux personnes qui "parlent" SQL, d'autres ont une interface "drag and drop". L'IAB a produit une étude cette année, qui indique que 80 % des 100 premiers annonceurs se posent la question de construire leurs propres clean room, pour mieux comprendre leurs consommateurs. Et des stratégies d'échange de données entre annonceurs s'esquissent. "Si l'on prend le cas de L'Oréal professionnel, savoir si le client d'un salon a acheté un produit Kerastase peut être riche d'enseignement pour le geomarketing. "Attention : la clé de matching des données est l' E Mail, et les marques n'en disposent pas de beaucoup. Un annonceur a par exemple 1 million de mail, et un média, une dizaine de millions. La réconciliation de données, si elle porte sur 10 % , concernera 100 000 à 200 000 e mail. Avec First-id le matching et en moyenne 10 fois plus importants, car la base d'identification connaissance est beaucoup plus large. "Nous sommes complémentaires des solutions e mails et permettons d'ouvrir le sujet des datas clean room a plus de gens." explique David Folgueira,  qui dirige cette  solution post cookie, adoptée par 12 groupes média (qui représentent un bassin d'audience de 45 millions de personnes) qui transforme les cookies first party et les rend cross domain. Après le RGPD, les navigateurs enterrent le cookie tiers. Chrome, le navigateur de Google a une part de marché de 59 % en France, 41 % des audiences sont déjà cookie less. En ajoutant le consentless, la moitié des cookies tiers a déjà disparu. Sur une base d'environ 50 millions d'internautes (15 ans et +) cela nous amène à 25 millions sans cookie tiers dans l'open web. Cette nouvelle situation empêche de faire de la mesure cross site, de l'attribution, du capping, du retargetting. En 2024, quand Chrome arrêtera les cookies-tiers, on sera dans le noir complet, sur 100 % des audiences. C’est une réelle opportunité pour les marques de mettre en avant leur first-party data. Cela va redistribuer les cartes dans un grand nombre de secteurs pour ceux qui sauront exploiter et connecter leurs données.

C’est pour ces raisons que la gouvernance de la data est en discussion partout. "Avant de penser réconcilier la donnée, il faut déjà la maitriser en interne. Pour un groupe qui a par exemple trois marques, un internaute qui navigue sur 3 sites de marques différentes apparait comme 3 personnes différentes. First-id relie cette information pour le groupe qui peut ensuite activer cette info pour qu’elle soit reconnue par la DMP, le DSP, le SSP, l'éditeur et l'annonceur. David considère son identifiant comme un véhicule et file la métaphore routière :  First-id est un véhicule pour transporter en sécurité les datas de l'éditeur ou de l'annonceur et celui-ci garde le contrôle et la souveraineté. Les sites décident quelles données intégrer à l'identifiant et si cet identifiant ira à l'extérieur.

Isabelle Bordry, co-fondatrice de Retency, propose aussi un nouveau mode de réconciliation des données. elle  fait deux constats :

- Pour générer de la valeur, l'important est de "faire société" c'est-à-dire éviter les silos, travailler ensemble.
- La donnée est aujourd'hui un élément essentiel, stratégique pour toutes les entreprises.Il ne faut donc surtout pas la partager de quelque manière que ce soit, c'est à dire ni sous forme brute ni pseudo anonymisée. Les équipes de Retency ont conçu une solution  privacy by design auditée par la CNIL qui croise des bases de données en garantissant la totale confidentialité des bases et la protection de chaque individu qui les composent (et avec une formule sobre en énergie). L'algorithme d'anonymisation de Retency est une alternative au consentement. L'information issue de ces bases est partagée, jamais la donnée.


Le procédé s'intègre dans tous les data flow. Il s'agit d'une Privacy Deep Technology française. Une régie TV a ainsi démontré la performance d'une campagne télé (TV linéaire et TV segmenté)  directement sur les ventes d'une enseigne de bricolage. La régie TV, l'opérateur box TV, l'annonceur (secteur du bricolage) et son agence média ont rassemblé leurs données dans une clean room, qui a permis des analyses croisées entre la base TV et la base clients de l'annonceur. La société dénombre  70 000  profils communs entre les deux bases. Une base d'analyse tout à fait significative pour assurer une analyse d'efficacité. Les résultats de l'analyse comprennent : le calcul de l'Uplift entre exposés et non-exposés (au global campagne, pour la régie, pour la chaîne), les taux de conversion (exposés versus achat) entre les différentes typologies d'émissions, en fonction des taux de répétition, des tranches horaires de diffusion et surtout une efficacité démontrée du renfort TV segmentée. Nadine Faure, Head Marketing Research, précise : "Pour cette campagne, le meilleur uplift sur les ventes se situe entre 2 et 4 de répétition, diminue entre 5 et 10, et devient même négatif au-delà". Le taux de conversion est particulièrement élevé auprès des exposés des tranches matinales du week-end. Ces bons résultats ont même conduit la chaîne à s'interroger sur l'opportunité de créer une émission sur cette thématique sur ces créneaux horaires"

Alexis Marcombe Dg Carrefour Links explique l'envergure du chantier accompli par Carrefour pour structurer son offre de retail media : "Nous sommes présents dans 40 pays, nous comptons 80 M de clients, dont 50 M d'encartés. Le préalable est de structurer la donnée, et ce n'est pas donné à tout le monde. C'est un investissement de dizaine de millions d'euros." Le retail media consiste à travailler le parcours du client dans toutes ses dimensions, le magasin, l'e commerce, la navigation, le ticket d'achat. Si les petits clients peuvent acheter du retail media à Carrefour sur l'étagère, le travail en commun avec les grandes marques va beaucoup plus loin, comme l'a montré Laurent Mathias, Commerce & Data General Manager, L'Oréal Consumer Product. L'Oréal a pris le virage digital il y a 15 ans, celui du E commerce en 2016 et le chantier data est en cours depuis deux ans. Une quinzaine de personnes travaillent sur le E commerce et 25, sur la data. Trois enjeux dominent : l'insight, l'activation et la mesure. "Nous sommes un gros annonceur en média et notre capacité de mesure est très limitée." L'Oréal démarre donc il y a deux ans, et adresse à tous les consommateurs Carrefour de produits L'Oréal un création leur proposant des produits de beauté en promotion. Puis le rythme s'accélère : "En deux ans, nous avons réalisé 25 campagnes avec de la donnée Carrefour. Et cette année, nous avons prévu 50 campagnes". Comment résumer ces deux ans d'expérimentation ? "En insight, nous pouvons savoir quel message adressé à quelle cible, avec quelle promo ou quel échantillonnage génère un achat, et suivre ces performances dans le temps. Comme on est plus précis , on dépense moins en média pour toucher notre cible."
Que du bénéfice, même si, pour tirer les enseignements de la donnée, il faut mettre beaucoup de moyens humains (deux data scientistes, deux personnes au marketing et l'agence en soutien). "Il faut prendre en main l'outil, et faire beaucoup de campagnes pour comprendre ce qui marche ou pas."
Aux USA, une marque de petfood a créé sa propre clean room (voir notre papier). L'Oréal pourrait-il suivre le mouvement ? "Aujourd'hui, la priorité est d'utiliser la donnée massive des retailers. Mais on a des sites où des millions de personnes se connectent. Ce serait dommage de ne pas exploiter cette richesse." Comprendre : oui, mais pas tout de suite...

 

 

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