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Publicité et authenticité : SNCF, L’Oréal et Fleury Michon revoient leurs copies

Qui ?
Béatrice Chavanel, Directrice de la marque et de la communication externe à la SNCF, Nadia Leroy Chief Media, Digital, Consumer Officer de L'Oréal, David Garbous, Directeur du Marketing Stratégique chez Fleury Michon et Violaine Di Meglio, Digital Sales Director chez Mondadori Publicité.

Quoi ?
Le compte-rendu du Petit Club au Partech Shaker du 14 décembre 2016 : "Shaker la publicité", en partenariat avec Extreme Sensio, Mondadori Publicité, Synthesio et TNP Consultants.

Comment ?

Avec un modèle marketing où la publicité joue un rôle clé, L'Oréal devait en avoir le coeur net : la crise de la publicité se résume-t-elle aux adblockers ou faut-il reconsidérer la réflexion autour de la création ? Nadia Leroy, Chief Media, Digital and Consumer Officer chez L'Oréal explique : "nous avions déjà des études sur les adblockers mais nous avions besoin d'écouter nos consommateurs via un audit sémantique pour comprendre leur perception de la publicité."

L'analyse menée avec Semantiweb sur 400 000 publications et verbatims d'internautes sur les médias sociaux au sujet de la publicité montre que 10% seulement des conversations mentionnent les adblockers. L'esthétique, la musique et l'émotion restent les leviers principaux de la perception positive, mais les publicités choquantes et les publicités trompeuses sont celles qui font réagir le plus. L'humour sexiste fait bondir les internautes et garantit les "bad buzz". En ligne, le jeu des promesses non tenues a fait émerger des sites comme photos-non-contractuelles et les tops des pires photos avant/après Photoshop.

Dans ce contexte, les marques doivent donc apprendre à parler autrement pour capter l'attention et raconter des histoires avec le brand content : c'est la conviction de Violaine Di Meglio, chez Mondadori (Grazia, Pleine Vie, Modes & Travaux, Biba, Science & Vie, Auto Plus...). Mais surtout, les entreprises doivent chercher à se rapprocher de plus en plus du réel, comme l'illustrent deux campagnes récentes de la SNCF et de Fleury Michon.

En mai 2015, la SNCF lance 24/24, la première campagne TV en temps réel, sous forme de reportage, dont la mise en oeuvre est confiée à Béatrice Chavanel, qui prend ses fonctions de Directrice de la marque et de la communication externe à ce moment là. "Il fallait avancer des preuves, le reste était inaudible" explique-t-elle. A l'époque, la SNCF suscite 20% de conversations négatives sur les réseaux sociaux. La crise économique a accentué l'idée que se déplacer coûte cher et des concurrents sont arrivés face à l'ancien monopole. "Les nouveaux acteurs nous ont ringardisés, c'était même leur axe de communication".

Tous les jours, le quotidien et les métiers des collaborateurs de l'entreprise sont donc mis en valeur par une publicité tournée le matin même et diffusée en prime time. Pour assurer la production en quasi temps réel, c'est une course contre la montre : tournage le matin à 7h, dérushage, premier montage à valider à 12h30, avec deux ou trois aller-retour dans l'après-midi. "Je valide à chaque fois, que je sois au bureau ou en déplacement car le spot doit être envoyé à TF1 à 17h, pour un passage à 19h50." Pour cette campagne, c'est TF1 qui assure la validation juridique du spot et endosse sa responsabilité par rapport à l'ARPP.

https://www.youtube.com/watch?v=cetfM4mGqMY&index=1&list=PLM75hXVoijXG_engj4veX25fiBS43DvzR

TBWA/Else a embauché plusieurs équipes de journalistes reporters d'images qui prennent en charge le tournage et le montage. Les films sont très structurés pour garantir l'identification de la campagne même si les images changent tout le temps. D'un rythme quotidien en mai 2015, la production de spot passe vite à un rythme hebdomadaire, le mercredi. "L'investissement en énergie et en déplacement était trop important pour un film qui ne passait qu'un seul jour. Aujourd'hui, chaque film est diffusé trois jours. "La TV a un rôle très important, mais notre stratégie évolue en continu. On en est à la 5ème saison, on va déjà aller jusqu'à mi-2017, ensuite on verra".

Pour renforcer la proximité, une équipe dédiée est mobilisée sur les réseaux sociaux afin d'entretenir et créer la conversation autour de la campagne. "A l'époque, nous étions peu présents sur les réseaux sociaux, sauf sur l'info trafic. Au lancement de 24/24, nous avions 2 collaborateurs - un sur Facebook et un sur Twitter en horaires de bureau." Les réseaux sociaux sont donc devenus la caisse de résonance de la campagne. Celle-ci représente aujourd'hui 12% à 15% des conversations autour de la marque, un chiffre stable depuis un an.

Aujourd'hui, une équipe d'experts gère un fil unique de 7h à 22h, 7 jours sur 7 et dispatche les messages relatifs à l'info trafic, la relation client ou à la conversation de marque vers les bonnes personnes.


"Le bilan dépasse les attentes. Seulement 5% des conversations sont négatives contre 20% il y a un an et demi. En test, l'agrément de la campagne est de plus de 84%. "La plus grosse transformation liée à ce projet, c'est l'interne, avec 90% d'agrément sur la cible collaborateurs". La campagne contribue à rapprocher le terrain et la tête de l'entreprise. La centaine agents "héros" des spots sont les premiers fans. "Ils nous disent parfois que ça a changé leur vie, que leurs collègues comprennent mieux la nature de leur travail."

La SNCF pousse le discours de vérité jusqu'au bout : deux épisodes ont même été tournés pendant les grèves, pour montrer le déploiement des gilets rouges mais aussi comment sont recomposés tous les plans de transport 24h avant la grève.

C'est aussi suite à une crise que Fleury Michon a adopté un discours de vérité.En 2013, la crise de la viande de cheval éclate deux mois après l’arrivée de David Garbous, Directeur Marketing Stratégique de l'entreprise. "Le surimi n’était pas concerné directement mais c’est l’archétype du produit industriel dont les gens se méfient". C'est pourtant une recette traditionnelle au Japon, avec autant de sortes différentes que de fromages en France.

Pour convaincre, la marque lance donc la campagne "Venez Vérifier" avec l'agence DDB et invite des consommateurs, des blogueurs et des journalistes à remonter la chaîne de production, jusqu'à la pêche en Alaska. Pendant 6 mois, elle anime son discours de preuve sur Youtube et les réseaux sociaux. Une campagne TV pointe ensuite vers les contenus digitaux et le jeu concours pour partir en Alaska. "On reciblait les gens venus consulter des contenus à chaque fois qu’on lançait une nouvelle épreuve."

Fleury Michon fait cuisiner du surimi aux participants, organise la visite d'une usine et les prépare aux creux de 3m à bord des bateaux de pêche en Alaska pendant un stage commando en mer. Avec un budget équivalent à celui d’une campagne classique, le budget TV a été divisé par deux. Mais il a été basculé sur l'organisation terrain et les réseaux sociaux. Ces "vidéos preuves" génèrent 1,5 million de vues sur Youtube.

La marque engage aussi un dialogue avec les influenceurs. Un spécialiste en RSE a suggéré d’intégrer une dimension humaine au label "pêche durable", pour protéger aussi les pêcheurs. "Nous allons aussi travailler sur la proportion de sucre dans le produit, car les blogueurs spécialisés en nutrition ont souligné que notre surimi était plus sucré que nos concurrents" explique David Garbous.

Les contenus créés par la marque et les influenceurs ont permis à Fleury Michon de toucher 15% de ses publics. La saison 2 a permis de remédiatiser les contenus de la première année et de travailler sur d’autres sphères d’influence. L’image et les ventes parlent pour la campagne : la notoriété de Fleury Michon a gagné 10 points tandis que les ventes, à -5% en début d’année ont terminé à +12% sur la première année de communication. L'année suivante, elles ont encore progressé de 9 points. La recette marche si bien qu'elle pourrait être transposée dans une opération vérité dans les auges à cochon servant à faire le jambon...
Si la télé a été transformée par la télé réalité, la SNCF et Fleury Michon inaugurent une nouvelle ère: celle de la publicité du réel.

Monelle Barthélemy

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