Qui ?
Edouard Morhange, entrepreneur et cofondateur de storyplayr, une bibliothèque numérique pour donner le goût des histoires et de la lecture aux enfants.
Quoi ?
Une plongée dans les allées du Web Summit 2015 à la rencontre des entrepreneurs les plus inspirants de l’écosystème numérique mondial.
Comment ?
L'un des risques majeurs, pour les créateurs de start-up ? Se focaliser sur son produit et oublier d’interagir avec ses futurs clients ou ses partenaires potentiels. Participer à des conférences comme le Web Summit, SXSW ou Techcrunch Disrupt permet en quelques jours de rencontrer plusieurs centaines de personnes (journalistes, VC, partenaires potentiels), sur lesquels on pourra capitaliser. Mais face à la multiplication des rassemblements, au coût de la participation et au temps que cela représente, pas seulement sur place, mais également en terme de préparation et de suivi, la question se pose : aller (re)présenter sa startup au Web Summit est il un "must have" ou juste "nice to have" ?
En termes financiers, avec un ticket d’entrée à 580€ et un programme Alpha à 1.850€ pour les start-up (comprenant 3 tickets, plus un espace d’exposition d’un mètre linéaire pendant une journée), l'événement est à la portée de (presque) toutes les bourses. Dublin est facilement accessible en vols low-cost depuis la France et les logements sont relativement abordables grâce à Airbnb. Côté ambiance, l’Irlande a confirmé cette année encore sa réputation de pays pluvieux et froid, ainsi que sa place dans le bas du tableau européen en matière de gastronomie. Mais la ville à l’avantage, pour l’amateur de bière, d’avoir un nombre de pubs considérable, où poursuivre le soir les discussions commencées dans la journée.
Dans sa présentation, le Web Summit vante la variété et la quantité de ses conférences : 20 thématiques, une dizaine de scènes et plus de 1000 speakers, dont des stars comme le fondateur d’Instagram ou les présidents de Pixar et Dell. Mais quantité ne veut pas dire qualité et le format imposé (une interview ou une table ronde de 20 minutes) permet rarement d'aller au fond des sujets. Difficile également de choisir à l’avance à quelle conférence assister parmi les cinq qui commencent à la même heure. On passe donc son temps à courir d’une scène à l’autre, souvent déçu de l’intervention à laquelle on assiste.
Même la conférence "Online news discovery : good news or bad news" de l’excellent Jonathan Abrams ressemblait plus à un pitch sur sa nouvelle start-up Nuzzel (un excellent agrégateur de news , ceci dit) qu'à une vision de l’information à l’ère numérique. Je retiens seulement le "Majority World Report" de Saul Klein sur la place de la Chine, de l’Inde et de l’Afrique dans le numérique (et leur quasi absence de la programmation du Web Summit). Pas de question pour la salle, pas de possibilité de rencontrer les speakers une fois la conférence terminée... Si vous souhaitez échanger sur l’avenir de l’internet ou des technologies, vous vous êtes trompé de lieu.
La véritable richesse du Web Summit se situe dans les allées du salon, où plus de 600 nouvelles startups présentent chaque jour leur nouveau service, dans une des 10 catégories définies comme Fintech, Santé, Education, Médias, Publicité, IoT... Difficile de faire une sélection préalable parmi les 2000 start-up présentes avant le départ. On parcourt donc les allées de manière systématique, le nez au vent, en espérant ne pas se faire agripper par un entrepreneur qui vous présentera un énième "airbnb des profs de math" ou le "uber du médicament". Bien sûr, la tête tourne devant tous ces services, qui souvent déclinent le modèle des start-up américaines. Mais parfois, au détour d'une allée, des surprises, comme la start-up portugaise Begin Media qui publie les reportages de jeunes journalistes, mentorés par des journalistes expérimentés, ou les Irlandais de Beats Medical qui proposent un nouveau traitement de la maladie de Parkinson accessible sur téléphone mobile.
En trois jours (et trois nuits), avec une semaine de préparation pour identifier les personnes pertinentes, en utilisant Linkedin et Twitter, j’ai pu prendre une cinquantaine de contacts utiles pour améliorer l’expérience utilisateur de storyplayr et nous permettre de toucher de nouvelles cibles aux Etats-Unis, en Angleterre, en Inde et dans divers pays. Reste à finaliser ces accords, ce qui prendra sans doute plusieurs mois. A ce moment-là, il sera temps de prendre ses tickets pour la prochaine édition du Web Summit, qui se tiendra, non plus à Dublin, mais à Lisbonne. Au moins, on pourra espérer un peu de soleil.
Edouard Morhange