Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Le futur du travail, vu de la Silicon Valley

Qui ?
Patrick Maruejouls, fondateur d'haigo, conseil en innovation concrète et design de services innovants. Il enseigne aussi le design thinking et l’entrepreneuriat à HEC et à la Sorbonne.

Quoi ?
Un aperçu de la conférence "Next economy : The future of work" organisée par Tim O’Reilly à San Francisco. Au menu : flexibilisation de l'emploi, automatisation et nouveaux modes de management, recrutement et formation 3.0...

Comment ?

La fin de l’unité de temps : vers une société de freelances à temps partiel ?

Avec l’émergence des jobs à la demande activables en un clic, il est aujourd'hui possible de devenir chauffeur de taxi le matin, entraîneur d'intelligence artificielle l’après-midi et d’obtenir une consultation médicale en ligne avec un médecin se trouvant sur un autre continent le soir. David Plouffe, Chief advisor d'Uber explique que "beaucoup de conducteurs d'Uber sont à mi temps, pour augmenter leurs revenus." "Cette nouvelle donne va s'étendre à presque tous les métiers" estime Stéphane Kasriel, fondateur d'Upwork (mise en relations de freelances et d’entreprises). Cassant le mythe du cordonnier mal chaussé, il ajoute que 75% de ses employés actuels sont en fait des freelances, soit 750 personnes à travers le monde. A San Francisco, un chauffeur de taxi sort de son travail à 17h, allume Lyft et s'il n’a pas de client dans les 3 minutes, se connecte sur Uber. Pendant 2h, il prendra des courses et rentrera chez lui à 19h. Son emploi du temps est géré par une autre application qui calcule pour lui les meilleures opportunités. Il appartient à un syndicat cross-employeur et ne facture rien lui-même, toutes les tâches chronophages étant réalisées par des services numériques. Des start-up rivalisent d’ingéniosité pour optimiser toujours plus les agendas et simplifier les tâches administratives. Certaines proposent des services qui remplaceront votre comptable et votre secrétaire comme Intuit, qui se branche directement sur vos flux (mails, banque, réseaux sociaux…)

La fin de l’unité de lieu : vers un modèle d’entreprise distribuée ?

Nous l'expérimentons déjà au quotidien avec l’accès instantané à nos informations professionnelles depuis notre mobile. L'accélération de ces pratiques a plusieurs origines : le temps passé dans les transports, le développement d’outils collaboratifs, le coût quasi-nul des communications en ligne et la hausse croissante de l’immobilier de bureau. La notion d'"espace de bureau" va devenir de plus en plus floue comme en atteste cette étude réalisée par Steelcase. Vos collaborateurs travailleront depuis chez eux, depuis un café ou depuis un espace de co-working et se réuniront sur des espaces de travail virtuel. Ils utiliseront des outils collaboratifs comme Slack (lire notre article) ou Facebook at Work. Le transport lui aussi ne sera pas épargné et deviendra le premier bureau de la journée. C’est déjà le cas pour beaucoup de salariés chez Google qui prennent le shuttle privé tous les matins pour se rendre à Mountain View. Des assistants virtuels participeront à la définition de la culture d’entreprise en permettant de faire émerger automatiquement les bonnes pratiques et définiront instantanément la politique de knowledge management. Jerry Kaplan du Stanford Center for Legal Informatics l'admet :"Nous reportons déjà à des robots, qui font un meilleur travail que nous. Dans notre  travail ou nos demandes de crédit, nous sommes évalués par des systèmes qui nous observent en continu."

La fin de l’unité d’action : vers un modèle d’entreprise définie par ses projets ?

Aujourd’hui les millenials qui arrivent sur le marché du travail connaîtront dans leur parcours plus de 40 "employeurs" différents, à en croire Reid Hoffman, le co-fondateur de Linkedin. Les carrières s’organiseront dorénavant autour de projets et moins autour d’entreprises.Le process de recrutement sera allégé par des sociétés comme Upwork, "qui raccourcit le process pour écrire des descriptions de poste et des lettres de motivation", explique Stéphane Kasriel, son CEO. Et l'accès à l'information sera facilité par des outils comme Slack, "qui rend les process internes transparents. Quand vous rejoignez une équipe utilisant Slack, vous avez accès à l'historique immédiatement", selon Stewart Butterfield, son fondateur. C'est d’ailleurs déjà le cas pour Hyperloop, qui vise à relier SF et LA en moins d’une heure.

N’ayant pas les moyens de recruter les meilleurs ingénieurs de la planète, le projet est devenu ouvert à tous y compris des salariés déjà en poste chez Airbus ou à la NASA. A défaut de rémunération, l’investissement de chacun est évalué dans son contexte précis et valorisé en "parts" du capital social. Les modèles d’organisation holacratiques émergent rapidement : à l'opposé des structures de management pyramidales, ces organisations en fractales redonnent pouvoir de décision et autonomies aux équipes qui "font". Les responsabilités réparties et les interactions, régies par des modèles préétablis garantissent la bonne marche des projets. Dans ce contexte, l’évaluation du travail sera elle aussi singulièrement modifiée. Elle prendra des formes différentes en fonction des contextes et des tâches : évaluation pair à pair, évaluation algorithmique, mesure de la réalisation. Autant de termes barbares que nous allons voir émerger. La formation professionnelle sera de plus en plus granulaire et distribuée et liée à la réussite du projet. Nous parlerons même de "nano-jobs" et de "nano-degrees" qui existent déjà chez Udacity (plateforme de formations en ligne). Pour Reid Hoffman, le co-fondateur de Linkedin, "la formation en continu, pendant son temps de travail, est un facteur clé. Les employeurs doivent à présent reconnaitre les micro-certifications de cette formation en continu".

Patrick Maruejouls

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