Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Ce qu’Axa a appris en travaillant avec la blockchain

Qui ?
Laurent Bénichou, Directeur R&D d'AXA Next.

Quoi ? 
Les premiers retours d'expérience de Fizzy, un nouveau produit d'assurance basé sur la blockchain, lancé par AXA à l'automne 2017.

Comment ?

Fizzy est la premier bébé d'Axa Next, la nouvelle entité innovation du groupe Axa. Son nom de start-up est trompeur : Fizzy est en réalité complètement développé en interne. Les Labs Innovation scrutent les jeunes pousses de Shanghai à San Francisco, mais le groupe explore aussi les nouveaux business models depuis ses bureaux à Paris. "Fizzy est une assurance où la réclamation est automatisée : dès que le vol a deux heures de retard, l'indemnisation est directement versée au client, grâce à la technologie blockchain" explique Laurent Bénichou. Il estime qu'une start-up n'aurait jamais pu développer une telle idée, en raison du risque financier trop fort. "Il faut beaucoup de capital pour se lancer, au cas où les premiers dommages arrivent le premier mois".

Le cas d'usage a été pitché directement à Thomas Buberl, le Pdg du groupe en 2016. "L'assurance paramétrique va transformer la manière de faire notre métier dans les prochaines années. Dans le cas de Fizzy, elle permet de fixer un montant d'indemnisation différent sur chaque vol, en fonction du risque calculé à partir de l'historique des données sur ce tronçon de vol. Nous avons utilisé  la technologie blockchain, pour monter en compétence et lancer pour la première fois un projet concret et grand public sur la blockchain."

Les développements sur la blockchain automatisant les règlements sans déclaration de sinistres représentent à peine 1% du temps de développement du projet, soit une centaine de lignes de code au total. Mais imposer une blockchain publique comme Ethereum a pris du temps. La plupart des expérimentations passées avaient été menées sur des blockchains privées. L'argument pour convaincre en interne ? "Les paiements ne s'effectuent pas en cryptomonnaie, il n'y a aucun risque de "hack", assure Laurent Bénichou, par ailleurs membre du Cercle du Coin et du consortium LABchain qui rassemble des banques et des assurances. Pour accéder à Ethereum, Utocat, une start-up lilloise a fourni à l'équipe l'interface pour écrire directement sur la blockchain le code du "smart contract".

Isolée du reste du groupe, l'équipe a reçu le soutien d'Axa Global Parametrics et d'Axa Travel Insurance. Quid d'une possible cannibalisation des activités existantes de l'assureur ? " Dans les secteurs de l'automobile ou de l'habitation, le rôle d'expert en assurance n'est pas mis en danger, leur travail est impossible à automatiser". Axa Next a un rôle de défricheur et Fizzy devrait rester dans le giron de l'équipe, le temps d'ajuster le modèle et de développer des partenariats BtoB. Ensuite, le projet sera transmis à une entité du groupe.

Le développement en interne a d'autres avantages. A l'heure des acquisitions aux montants faramineux, Fizzy est un projet d'innovation frugale. "Ce qui coûte le plus cher est le développement humain. Nous avons aussi déboursé quelques dizaines de milliers d'euros pour acheter des données sur les vols". L'équipe ? Un product owner, deux développeurs à temps plein, un deuxième chef de projet pendant 3 mois et un UX pendant 4 mois.

Autre grand première pour le groupe, la simplicité du produit. "Le client connait le montant de l’indemnisation avant même d’acheter le produit d’assurance. Les conditions ont été simplifiées au maximum : si l'avion a plus de 2h de retard, l'indemnisation est automatique, c’est aussi simple que cela." Pourquoi 2h ? L'UX Designer du projet est allé sur le terrain à Roissy Charles De Gaulle pour tester le seuil psychologique des voyageurs face à 1h, 2h et 3h de retard. "C'est grâce aux retours de cette étude que nous avons fixé le seuil à 2h".

Le "soft launch" a été privilégié pour continuer d'intégrer les retours et les bugs. "Avec un démarrage en fanfare, on s'exposait à un possible engorgement de notre service client." Le produit BtoC est une vitrine pour Fizzy. En 2018, la croissance et la rentabilité viendront des partenariats BtoB avec des compagnes aériennes et des agences de voyages. Pour cela, le produit doit être 100% fiable. Une équipe externe au projet a réalisé une revue de code et identifié des axes de travail, notamment sur la base de données. "L'architecture en micro-services indépendants est presque finalisée. Si l'un de nos partenaires nous demande de déclencher l'indemnisation au bout de 3h au lieu de 2h, ce sera possible."

Laurent Bénichou dialogue avec plusieurs agences et compagnies aériennes. Aujourd'hui, Fizzy ne concerne que les vols directs vers les US. "On a mis les bouchées doubles pour acheter des données supplémentaires et construire une base mondiale. Cela implique d'analyser les risques sur tous les vols." Le plus sophistiqué des outils n'est pas forcément du goût de tous ses prospects : "Beaucoup d'agences ne veulent pas d'une indemnisation qui varie en fonction du prix du billet ou du risque. Elles demandent un prix unique, plus simple à intégrer dans une police d'assurance multirisque traditionnelle."

Du côté des compagnies aériennes, le sujet de l'indemnisation est brûlant en Europe, car la régulation va très loin. "L'indemnité légale peut même être supérieure au prix du billet. Tous les passagers ne la demandent pas mais des start-up comme AirHelp commencent à démocratiser les démarches." Axa réfléchit donc à de nouveaux modèles d'intégration pour les compagnies, comme l'inclusion d'assurances directement dans le prix du billet, pour les clients fidèles par exemple.

Enfin, Fizzy stimule la curiosité et l'imagination d'entreprises d'autres secteurs. "Les agences de voyage demandent une assurance météo, contre la pluie et l'enneigement, d'autres nous sollicitent contre les embouteillages." Laurent Bénichou désire aussi explorer de nouveaux secteurs. "Il est possible de faire la même chose sur le train, et on peut aussi imaginer une indemnisation qui se déclenche si la batterie de son téléphone lâche dans les 6 mois après l'achat. Les marques ont tout intérêt à offrir ces nouveaux services de 'customer care'".

Monelle Barthélemy 

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