Qui ?
Emilie Koldyka, Responsable nouveaux usages clients et Innovation La Redoute (en photo), Delphine Duché, rédactrice en chef chez Decathlon, Martin Mangez, Creative Strategy Lead chez Snapchat France, Homéric de Sarthe, Head of Outreach de Bear, Frédéric Galland, Directeur de Projet Digital chez La Poste Courrier Publicitaire, Cyril Guilleminot, Dg Gameloft France et Benelux...
Quoi ?
L'AR et les marques : des premiers retours d'expérience en demi-teinte.
Comment ?
2016 : 147 millions de personnes courent les rues et les aires d'autoroutes pour capturer des Pokemon avec leur téléphone. Depuis, les joueurs ont dépensé 1,8 milliards de dollars dans l'application. Seul Mcdo a exploité le phénomène : 3 000 restaurants au Japon sont devenus des Pokestops. Depuis, de nombreuses marques se sont engouffrées dans la brèche de l'AR (réalité augmentée), portées par l'offre des Gafa : les kits développeurs de Google (AR Core), Apple (AR Kit) et Amazon (Amazon Sumerian) et l'ARStudio de Facebook pour créer ses propres filtres. Avec plus ou moins d'usage. Tour d'horizon.
Formats propriétaires ou Web AR ?
Homéric de Sarthe, Head of Outreach chez Bear, une startup dédiée à la création de contenu en réalité augmentée. Il définit deux scénarios pour ses clients : " une application en marque blanche, ou l'intégration de l'AR dans leur propre application".
Facebook, Snapchat et Instagram proposent des solutions intégrées. "Avec les formats publicitaires en réalité augmentée, Snapchat donne envie de jouer avec la pub" estime Martin Mangez, Creative Stratégy Lead de Snapchat France. Un tiers des utilisateurs journaliers de la plateforme utilise les filtres chaque jour, jusqu'à 150 secondes (au Moyen-Orient). Kenzo a mis en place une campagne sous trois formats : les masques en réalité augmentée, les Snap Ads (publicités entre les stories), et les filtres géolocalisés (déblocables en magasin). Le masque a été partagé 374 000 fois (soit 4,9 millions d’utilisateurs), et 3,3 millions de personnes ont joué (24 secondes en moyenne). L’intention d’achat a augmenté de 16 points pour les utilisateurs exposés aux 3 formats.
Les cidres Bulmers, de leur côté, ont utilisé Shazam pour proposer un minijeude football à gagner sur ses dessous de verres et étiquettes de bouteilles : 50 000 téléchargements et un usage moyen du jeu de 4,3 X.
Plus innovant, le WebAR permet d'accéder à des expériences en réalité augmentée directement depuis un URL. A Singapour, Magnum proposait ainsi de composer sa glace via Blippar et d'aller la chercher en magasin. Assortie d'une réduction, l'opération a eu un taux d'engagement de 48.5% pour 123 secondes d'utilisation. 77% des utilisateurs ont enregistré leur coupon, et 22% ont recherché l'adresse du magasin directement depuis le site.
L'Oréal passe accord avec Facebook
Teads a testé cet été la réalité augmentée dans ses bannières avec Ray Ban et Burger King. Tests en cours également, depuis septembre 2018, chez Facebook . King.com, Michael Kors ou Sephora mettent de l'AR dans le feed d'info des utilisateurs. En vedette, L'Oréal, avec lequel Facebook a signé un partenariat pour faire essayer le maquillage avec ces techniques. Le groupe de cosmétique a racheté la startup canadienne Modiface en mars 2018 . Fin aout, Nyx a été la première à utiliser cette technologie de réalité augmentée centrée sur le visage sur Facebook. Les autres marques (Maybelline, L'Oréal Paris, Lancome , YSL, Urban Decay, Shu Uemura) devraient suivre.
25 % de scan pour le timbre UEFA de la Poste
Ikea, Boulanger, BUT, Darty et Decathlon ont tous déjà lancé leur catalogue augmenté. Du côté de La Redoute, un catalogue en réalité augmentée sur l'application mobile devrait sortir bientôt. Emilie Koldyka, Responsable nouveaux usages clients et Innovation chez La Redoute explique : "On est encore en phase de POC technique pour éprouver la techno et mobiliser les bonnes ressources sur le sujet : ce sont des compétences métier qu’on a du staffer, car il faut designer des objets 3D avec des textures qui soient au niveau du produit qu’un client recevrait chez lui." Pour Frédéric Galland, Directeur de Projet Digital chez La Poste Courrier Publicitaire, "scanner une image n'est pas encore naturel. Il faut avoir une démarche dans la durée. Au départ, 1 % des gens scannent, puis 2 %. Il faut bien expliquer ce que l'on trouve derrière. Mais surtout ajouter d'autres fonctions, pour que le public conserve l'application." Le timbre UEFA, lui, a généré 25 % de Scan pour voir les joueurs bouger. Ainsi, l'application courrier plus propose de l'AR, mais aussi une fonction de Scan, de partage...
La technique gagne aussi ce qu'on appelait auparavant les magazines internes. Delphine Duché, est rédactrice en chef de Decath Mag, un magazine de 24 pages, envoyé tous les deux mois aux 25 000 collaborateurs de Decathlon et disponible en magasin pour les clients. "Nous avons décidé de nous adresser de la même manière à nos collaborateurs et à nos clients qu’on considère comme des sportifs. Il n'y a plus d’informations confidentielles. Depuis janvier 2018, le magazine se décline en AR, avec l'application Bear2b, qui a été introduite dans le groupe par Quechua. A la clé, des photos supplémentaires, une couverture animée... Du contenu additionnel qui ne prend pas trop de temps à mettre en oeuvre. "L'AR introduit de l'interactivité dans le papier, ajoute des liens dans le texte. Ainsi, une sportive met en ligne le contenu de son sac à dos". Quel est l'usage ? "Il y a un effet Wow quand les gens l'utilisent. Mais l'usage est restreint. On a eu 1 300 connexions. C'est peu. Mais on n'utilise pas ces fonctions dans notre usage digital privé. Et il faut télécharger l'application Decathlon reality Plus.". Le magazine s'est donné un an pour faire le bilan.
L'espace augmenté
Blippar vient de lancer une application permettant grâce à la caméra du smartphone de repérer son utilisateur dans l'espace avec davantage de précision que les systèmes GPS. On peut ainsi customiser les espaces physiques en y ajoutant une couche virtuelle, s'orienter dans un centre commercial à travers une carte interactive en temps réel.
Comme le montrent tous ces exemples, les marques françaises sont un peu à la traine. Cyril Guilleminot Dg France & Benelux de Gameloft dispose d'une agence interne de 120 personnes. Son seul exemple de marque donné à la matinée AR organisée par le MMA concerne un jeu développé pour Coca Cola, avec un temps d'interaction moyen d'une minute.
La plupart des marques aujourd'hui tâtonnent et se content d'utiliser la techno pour la techno. Aux agences d'imaginer de de véritables scénarios en s'inspirant de Pokemon et de Magnum. Alors, l'AR jouera pleinement son rôle, et quittera celui de faire valoir technologique pour campagne de relations presse.
Sabrina Eleb