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Monopole des GAFA : comment lutter ?

Qui ?
Geoffrey La Rocca, Dg de Teads, JeanDavid Blanc, fondateur de Molotov, Laurent Lafaye, co-fondateur de Dawex, Yann Lechelle, Chief Operating Officer de Snips.

Quoi ?
Le compte-rendu du Petit Club, "Quelles alternatives aux GAFA ?" au Partech Shaker en partenariat avec Mirum, Teads, Team Media, Traackr et Tradelab.


Comment ?

"Il n'y a pas d'alternative possible aux GAFA, en dehors des BATX en Chine, de la Russie et de la Corée du Sud. Mais seulement des verticales, sur lesquelles nous pouvons nous positionner" annonce Yann Lechelle, Chief Operation Officer de Snips, un assistant vocal n'hébergeant aucune donnée dans le cloud, pour un usage plus sécurisé. Exploration de ces courageux qui se battent sur le front de la pub, des datas et de la voix.

Pub : une alternative par la qualité et la techno

Teads distribue la publicité sur des médias partenaires (The Economist, BBC, l’Equipe, BFMTV, l’Express, Demotivateur, Melty...) à 1,2 milliard de personnes dans le monde et se présente aujourd'hui comme "the global media platform." L'entreprise se veut l'« Apple du marché de la publicité ». Elle réunit toutes les étapes de la mise en place d’une campagne de pub, :  l'adaptation de la créa, la gestion des données, la distribution média et l’analyse d’audience . En simplifiant l'offre publicitaire, on peut arriver à concurrencer  ces "one stop shop" que sont les grandes plateformes. "Cette plateforme end to end, peu d'entreprises la proposent".

Google et Facebook deviennent des points d’entrée à l’information, pour rivaliser, les médias doivent à la fois proposer du reach, mais surtout, batailler sur le terrain qui leur est le plus favorable, celui de l'attention. Depuis peu, Procter&Gamble a été autorisé par Facebook à placer des pixels de tracking sur la plateforme, auparavant fermée à toute mesure tierce. Et les chiffres,  rendus publics le 27 mars dernier, rentrent la plateforme dans la catégorie "peut mieux faire" : la durée de lecture moyenne des publicités est de 1,7 secondes. Sur Teads, le taux d'affichage monte à 15 secondes sur mobile et 30 secondes sur desktop. La qualité de l'environnement éditorial joue, et aujourd'hui, les experts estiment pour la plupart que les réseaux sociaux ne pourront pas combattre les fake news (voir l'avis de F. Filloux). "Sur un média, on va pouvoir être plus visible, plus engageant, plus performant et choisir le bon contexte pour publier une publicité." Accélérant sur cet axe, Teads a annoncé la semaine dernière l'offre Teads x Digital Ad Trust, le label qualité du Syndicat des Régies Internet.

L’autre stratégie de résistance aux GAFA se joue sur le terrain de la tech. Une équipe de 130 techniciens permet de proposer de nouvelles fonctionnalités, comme l'optimisation en temps réel de la performance et la modification des créations en cours de campagne. Les algorithmes de Teads prévoient le comportement  face à une publicité, et choisissent en temps réel la création à présenter pour augmenter le temps de visionnage, générer plus de visites et d’engagement. Alors que Facebook propose ses propres KPI's aux clients, Teads privilégie les instituts tiers comme Nielsen ou Ipsos, qui garantissent une authenticité des résultats de performance. Enfin, l'accès à la data first-party du groupe Altice (et donc des clients SFR), permet une meilleure optimisation : "Notre donnée est plus puissante que la data de Facebook ou Google".
De son côté, Apple propose une sélection de news aux possesseurs d'iPhone, dans la plus grande opacité, et se prépare à lancer un Netflix des médias. Mais pour le patron de Teads en France,  : "Il vaut mieux être multi-dépendant que dépendant d’une seule plateforme". Rappelons que Teads devrait prochainement annoncer un partenariat avec Apple News UK...

La grande bagarre des App Store

Molotov a mis trois ans à constituer son portail des chaînes de télé françaises. ID d'argent de notre Grand Prix de l'Innovation Digitale, l'entreprise incarnée par JeanDavid Blanc, qui est aussi à l'origine d'Allociné, dans la préhistoire d'Internet, annonce 6,5 millions d'utilisateurs, dont 1 million quotidiennement. Des rumeurs de rachat par un opérateur télé ou télécom ne tarissent pas. JeanDavid Blanc confirme des discussions, mais n'en dira pas plus. Pas de précision non plus sur l'offre payante (fonctionnalités supplémentaires, programmes), sur laquelle l'entreprise mise principalement, même si elle travaille à l'élaboration d'outils pour maximiser les performances publicitaires de ses éditeurs partenaires. On saura seulement que l'offre de 180 euros à l’année pour les matchs de la NFL fonctionne très bien. Molotov ne se considère pas comme une alternative aux GAFA, mais plutôt comme une alternative aux distributeurs de télévision traditionnels.

#PetitClub - @MolotovTV veut devenir pour la diffusion des programmes TV ce que #Spotify est devenu pour la musique d’après @jeandavidblanc #GAFAalternatives @petit_web

L'interface simple et la portabilité multi-écran permettent d’oublier les télécommandes et les box tv vieillissantes : certains clients, âgés de 80 ans et plus, et pas toujours à l'aise avec les technologies des box, utilisent Molotov pour sa simplicitéMolotov devrait se rapprocher prochainement des constructeurs de téléviseurs pour intégrer sa solution dès la version usine. Les opérateurs télécom s’intéressent aussi à la plateforme : des accords de distribution pourraient bientôt être annoncés entre l'entreprise et des partenaires télécom en France et à l'international.
Molotov n'a pas de problème avec les GAFA, donc, sauf sur le terrain de l'App Store. Le monopole de Google et Apple leur permet de réclamer des commissions d'environ 30 % lors de la commercialisation des applications et n’autorisent pas que l’on passe par d’autres plateformes que les leurs."Un tiers de la valeur passe par les acteurs de l'appstore alors qu'ils ne contribuent pas à l'écosystème culturel".  C'est la raison pour laquelle Netflix s'est retirée de l'App Store. Les autorités de concurrence pourraient se saisir du dossier.

Un futur géant de la data

Financée par la Caisse des Dépôts, Dawex a les moyens de sa vision : devenir la data marketplace mondiale, permettant de vendre et d’acheter les données d’entreprises, garantissant la sécurité des transactions grâce à la blockchain. Plutôt que de vendre leurs données à Google, les entreprises préfèrent désormais se tourner vers les data marketplaces pour ouvrir leurs données à de nouveaux acteurs. "80 % des clients de Dawex n’avaient jamais commercialisé leurs données avant" annonce Laurent Lafaye, co-fondateur de Dawex : un travail de pédagogie et d’accompagnement est donc nécessaire.

Présente en France et aux USA Dawex devrait travailler prochainement avec le Japon : "C’est un sujet important, car le Japon a un RGPD équivalent au notre, avec beaucoup d'accords commerciaux. Nos zones se comprennent. A Singapour ou Hong-Kong aussi, ils ont une vision à long terme. Ils considèrent la data comme un actif dont il faut tirer une valeur et qu'il faut protéger en même temps". Cette sécurisation de la donnée passe par la cyberprotection, mais aussi par la contractualisation des échanges. Dawex garantit aux entreprises que leurs données ne seront pas utilisées pour leur faire du tort.

Les GAFA ont pu s’emparer des données avant qu’on ne se rende compte de leur valeur. "C’était le far west". Mais aujourd’hui, le marché est beaucoup plus réglementé, et, on l’a vu avec le scandale Cambridge Analytica de Facebook, il y a des attentes autour de plus de transparence. Ainsi, la société qui construit le périphérique autour de Londres avait une offre de location de données par Google. Elle a préféré aller sur la plateforme Dawex : "Ils ont opté pour un système qui leur permet d'avoir plusieurs acheteurs plutôt qu'un seul." Dans l'océan des données, un nouveau concurrent mondial se lève face à Google... Dawex devrait aussi s'intéresser au champ de la publicité, même si "cela n'a pas été notre priorité au lancement, car c'est un marché déjà bien structuré."

A l'assaut d'Alexa

Yann Lechelle, Chief Operation Officer de Snips (et ex co-fondateur d'Appsfire, un moteur de recherche d’applications dans l’app store qui a dû pivoter  suite à la censure d’Apple de ce type d’applications) propose aux marques des assistants vocaux en dehors des fourches caudines d’Alexa ou de Google Home. Les premiers projets concernent le retail, la maison connectée,  l’industrie et  l’automobile : “le vocal dans la voiture est très mauvais, un assistant cloud via Google ou Amazon interrompt ses transmissions dans les tunnels” .

Cette approche alternative redonne  de la souveraineté aux consommateurs sur leurs données sensibles (le son ambiant chez eux), ; à la marque  (pas de désintermédiation, préservation des marges et de la marque) ; et aux Etats qui peinent à baisser la proportion de services captés par les GAFA (mauvais contribuables).

Créée il y a 5 ans, l'entreprise a levé 22 millions d’euros-10 fois moins que son concurrent le plus proche, Soundhound.  En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées : Snips s'appuie sur  le "edge computing",  qui permet de ne pas envoyer la donnée dans le cloud. L'entreprise commercialise des licences d'objets connectés à son assistant vocal : entre 1 et 10 dollars selon le prix de l'objet embarquant la technologie. L'open source rassemble dans l'écosystème 15 000 développeurs, qui ont créé 25 000 skills pour l’assistant vocal. Enfin, une ICO (Initial Coin Offering), levée de fonds basée sur la blockchain a vu le jour, pour "donner le contrôle à tous plutôt qu’à un". Ou à deux...

Sabrina Eleb

 

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