Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru dans la newsletter du

Paid Marketing : comment dompter les algos de Google et Facebook

Qui ?
Mathieu Ceccarelli, consultant en acquisition digitale.

Quoi ?
Une tribune sur la manière de garder la main, quand Google et Facebook utilisent IA et machine learning pour automatiser les plans des annonceurs.

Comment ? 

Depuis quatre ans, l'intelligence artificielle et le machine learning ont envahi l'écosystème de la publicité digitale. Google et Facebook sont moteurs de cette tendance, censée faciliter la vie des annonceurs. Mais les annonceurs vont rapidement déchanter sur la performance de leurs campagnes automatisées. En effet,  Google et Facebook imposent, à travers le ciblage large, une approche qui ne vise pas les intérêts des annonceurs, mais leurs propres intérêts.  Facebook et Google mesurent tout de l’activité des internautes en ligne : sites visités, achats... et devinent ainsi les centres d’intérêt, les habitudes de consommation et l’évolution de la vie de chacun (mariage, déménagement, naissance, etc.), Ils sont capables d’identifier les individus qui rassemblent ces critères, avec une rapidité et une exhaustivité d’information bien supérieure à ce qu’un expert peut espérer lorsqu’il travaille manuellement.Cette rapidité et cette maîtrise des données confèrent aux stratégies automatisées une capacité inédite à lancer des campagnes rapidement et à appréhender un nouveau marché pour collecter de l’information. Une entreprise qui souhaite s’ouvrir au marché espagnol n’a alors qu’une idée vague des requêtes tapées par les Espagnols sur Google pour son business, aucune information sur les volumes de recherche.

Elle peut envisager une campagne automatisée avec des mots-clés larges pour profiter de la puissance et de la rapidité de ciblage de Google pendant quelques semaines. Ainsi elle pourra identifier les requêtes tapées par les Espagnols. Pour Facebook aussi, il est intéressant de commencer par une audience large, car les annonceurs peuvent ainsi éviter de travailler selon des intuitions de départ qui pourraient les restreindre.Google et Facebook recommandent désormais un ciblage large pour laisser les algos trouver progressivement les bonnes personnes et maximiser le potentiel de la campagne.

Poussons donc le raisonnement à l’extrême : nous cherchons à faire une campagne de conversion pendant un an sur Facebook sans connaître la typologie de la cible. Nous fixons  un budget de 10€ par jour que nous laissons tourner pendant un an avec un ciblage sur toute la France (audience très large de 35 000 000 personnes).

La campagne diffuse les annonces à tout le monde puis l’algorithme de Facebook identifiera des profils de personnes qui interagissent avec le contenu et réalisent la conversion souhaitée. Au fur et à mesure, la diffusion de la campagne va donc se concentrer sur ces profils. On peut penser que les 3 600€ ont été dépensés au mieux. Une alternative “manuelle” aurait nécessité de tatonner, et rémunérer une personne pour cela.

La présentation de ces avantages par ces plateformes, s’inscrit dans une logique minimaliste, elle est raie pour les petits annonceurs. Les annonceurs qui ont d'importants budgets et cherchent à  faire de leurs campagnes en ligne, et de leurs données marketing, un “game changer” de leur acquisition sont en revanche  les grands perdants d’une gestion déléguée.

 Des torchons et des serviettes

L’inventaire proposé aux annonceurs n’est pas homogène en termes d’efficacité. Le ciblage large et automatisé pousse les annonceurs à lever le contrôle sur des ciblages  (segmentation et exclusion). Mais c'est là où  l’intérêt des annonceurs et celui des plateformes divergent : les  plateformes tentent ainsi de vendre habilement des inventaires moins prisés. Si les meilleurs inventaires sont  saturés, les prix peuvent exploser  ce qui menacerait la rentabilité des annonceurs (et donc l’attrait de ces plateformes auprès des annonceurs). Et l’expérience utilisateur se dégrader,  avec des fils d’actualités ou des résultats de recherche saturés de publicités- mais n'est-ce pas déjà le cas ?) L’enjeu pour Google et Facebook est donc d’alléger la pression sur des inventaires très sollicités, pour la répartir sur de moins performants ; et si possible, vendus  au même prix que sur les meilleurs.Les annonceurs seront perdants en raison de placements de mauvaise qualité, voire indésirables, qu’ils risquent de payer au prix fort.

Le fil d’actualités a construit la réputation de Facebook auprès des annonceurs, en s’intégrant habilement dans l’expérience utilisateur. A l’inverse, la colonne de droite n’a jamais été un placement très performant.
Chez  Google, les requêtes très intentionnalistes sur le moteur de recherche ont souvent davantage d'intérêt que des placements YouTube, parfois non souhaitables pour un annonceur.  Facebook diffuse majoritairement les annonces sur les fils d’actualités et les stories FB/Instagram. Mais aussi  sur de l’interstitiel mobile sur des apps et des sites externes à Facebook, qui sont des placements nettement moins performants pour un annonceur.

Sur les audiences, le ciblage large va permettre de placer des annonces auprès d’audiences généralement moins sollicitées, comme, par exemple, les cibles rurales ou les tranches d’âges moins consommatrices.  En Search, les possibilités de ciblage par mot-clé tend à disparaître, une façon habile pour Google d’exploiter son inventaire de requêtes informatives (“comment faire pour découper une orange”), que beaucoup d’annonceurs excluent de leurs campagnes.

L'algo a besoin de temps pour s'adapter à de nouveaux comportements 
Les algorithmes ne peuvent pas prévoir ce qu’ils n’ont jamais vu. Par conséquent, les annonceurs subissent de façon passive des situations nouvelles sans pouvoir agir, entraînant une baisse d’efficacité de leur campagne, le temps de l’apprentissage par les algos. En effet, les stratégies automatisées fonctionnent sur la base de “patterns” récurrents pour construire des modèles prédictifs. Un pattern est, par exemple, le fait d’identifier une absence de conversions un certain jour de semaine. Dans ce cas, l’algo “apprend” à ne pas trop diffuser de budget ce jour-là. Si ce comportement change, l’algo ne réagira pas immédiatement, et a besoin d’une certaine récurrence pour identifier ce nouveau comportement.

Si les annonceurs travaillent dans un environnement cyclique (vacances, saisonnalité, etc.), beaucoup d’éléments imprévisibles et surtout non récurrents, ont pourtant lieu. Ces chocs peuvent être externes : ce fut le cas avec le Covid. Ils peuvent aussi être internes : comme, par exemple, un problème d’ergonomie d’un site sur mobile. L’algorithme sera impacté et sera moins performant sur mobile. La difficulté est alors d’identifier rapidement ce problème. Comment corriger si on ne sait pas ce qui fonctionne ?

Avec les stratégies automatisées, la performance est “moyennée” à travers une infinité d’optimisations faites par l’algorithme. Cela n’aide pas les annonceurs dans la compréhension de leur performance et donc dans la priorisation de leurs efforts.

La réussite ou l’échec d’une campagne s’explique par différents éléments  :
- Une saisonnalité favorable
- Un excellent visuel ou un message impactant
- Une promo en cours
- Un site efficace.
Pour tirer des conclusions, il est important d’analyser les causes de succès  sans être pollué par les autres causes. Ainsi, si la promo explique en grande partie la réussite d’une campagne, l'annonceur aurait tort de corriger le message ou le visuel de l’annonce. En optant pour des stratégies automatisées, les annonceurs oublient qu’ils n’ont pas de raisons d’être privilégiés par Google ou Facebook face à leurs concurrents.

Cette réflexion est particulièrement importante en Search, où le nombre d’annonceurs sur un mot-clé donné est limité. La plupart poursuivent des objectifs similaires. Alors si tous les annonceurs sont en stratégies automatisées, et face à un utilisateur “chaud”, pourquoi Google pousserait-il davantage un annonceur qu'un autre ? Or, tous les annonceurs veulent capter des visiteurs dont le taux de conversion attendu est élevé. Alors pourquoi intégrer un aléa dans la décision ?

Pour Facebook, Display ou YouTube, l’annonceur évolue face à une infinité d’annonceurs et non uniquement face à ses concurrents (Puma, Club Med ou encore Big Fernand peuvent vouloir toucher les mêmes personnes). Cependant, on peut s’interroger sur le critère de décision de Facebook pour pousser  l’annonce de Peugeot plutôt que celle de Renault à un individu souhaitant acheter un véhicule. Si ce critère est le prix, alors on revient à une logique manuelle. Si la décision est liée au fait que la campagne a atteint son objectif, il s’agit d’une opportunité manquée pour Peugeot.
Quand on automatise son achat, on dépense tout le budget 

Beaucoup d’annonceurs ont une approche agnostique des campagnes menées. Ils placent un budget et attendent ensuite de voir les résultats. Lorsque la performance est au rendez-vous, ils augmentent les dépenses. La limite de cette approche est  de dépendre de Google ou Facebook et  de ne pas mettre le budget adéquat au bon moment. Avec les stratégies automatisées, il est rare de ne pas dépenser le budget placé. Autrement dit,  ne comptez pas sur Google ou Facebook pour aider l’annonceur à définir le bon budget.Les recommandations, notamment chez Google, poussent généralement les annonceurs à augmenter leurs budgets, même lorsque les objectifs ne sont pas  atteints. Par conséquent, le risque  est de ne s’adapter ni à leur marché ni à l’investissement requis.

Les bonnes pratiques pour garder un certain contrôle

-Sortir des reportings d’attribution de Facebook et Google. Aujourd’hui, beaucoup d’annonceurs sont convaincus de l’efficacité des algorithmes de Google et Facebook car les campagnes atteignent leurs objectifs. Mais ils sont  peu conscients du poids excessif que s’attribuent ces plateformes dans les conversions obtenues, puisqu’elles font elles-même le reporting, étant à la fois juge et partie. Grâce à un tracking omniprésent, Google et Facebook s’insèrent très facilement dans le parcours de conversion d’un individu, notamment grâce au remarketing.

Leur poids est donc anormalement élevé dans les modèles d'attribution des annonceurs, outre-passant notoriété et bouche-à-oreille- ce qui explique l'effroi que suscite chez Facebook la fin du tracking sur iOS14.  Il y a donc une urgence pour les annonceurs à comprendre leur tracking et leur attribution pour mesurer la   valeur ajoutée de leurs campagnes.
Des solutions indépendantes comme Eulerian ou Segment peuvent reconstruire le parcours des visiteurs. Le même fonctionnement que Google Analytics,  mais sans l'aspect juge et partie.

A défaut, les annonceurs peuvent  valoriser le First Clic, qui a au moins le mérite de donner du poids au trafic nouveau.

Les campagnes des annonceurs doivent rester homogènes et segmentées même avec les stratégies automatisées. En Search, les campagnes doivent réunir des mots-clés avec un niveau d'intentionnalité similaire, sans  mélanger des requêtes informatives et des requêtes intentionnalistes. Les exclusions de mots-clés permettent encore de garder un certain contrôle.

-Utiliser des stratégies automatisées pour bénéficier d’un apprentissage continu en dehors du "cœur de business” pour lequel privilégier  une approche plus manuelle. L’intérêt est ainsi de ne pas venir perturber la partie majeure de l’acquisition avec la partie “apprentissage”, dont le budget peut ainsi rester expérimental. Sur Facebook, plutôt que de travailler sur une seule très grosse audience, il est préférable de cibler plusieurs audiences de taille intermédiaire (500 000 personnes)  . Cela n’empêche en rien de laisser ensuite Facebook optimiser la répartition du budget entre ces sous-ensembles.Ainsi construites, les campagnes gardent une cohérence dans leurs objectifs et les performances sont davantage exploitables.

 La segmentation des audiences au sein des campagnes est une bonne pratique. Cependant, elle est loin d’être évidente aussi bien avec Facebook que Google, car le chevauchement des audiences est délicat. Or, lorsque deux ensembles se superposent, il est impossible de comparer leur performance et donc de tirer des conclusions.

Google recommande, par exemple, de placer plusieurs audiences en observation. Mais comme un individu peut se trouver dans plusieurs audiences à la fois (“Intéressé par les outils marketing”, “Voyages et Loisirs”, etc.) comment savoir dans quelle audience Google a décidé de le placer ? On retrouve cette tendance à mixer les audiences chez Facebook, notamment avec les audiences des visiteurs (remarketing). En travaillant sur des audiences segmentées et distinctes, il est possible de connaître le budget alloué à chacune, de savoir combien de fois chaque audience a été touchée et de mesurer leur réceptivité.

Les annonceurs peuvent commencer par l’approche la plus basique possible : exclure les audiences de remarketing de toutes les campagnes qui n’ont pas vocation à l’être, pour distinguer le trafic “nouveau” du trafic “réchauffé”. Beaucoup d’annonceurs mènent des A/B tests pour comparer la performance des stratégies automatisées à celles des stratégies manuelles. Si les deux versions du test sont en concurrence, notamment en Search, l’annonceur ne pourra tirer aucun enseignement.En effet, le comportement sur 50% du budget n’est pas comparable avec  100%, car l’efficacité d’une campagne doit justement être mesurée relativement à sa capacité à gérer la taille du marché. Il est préférable d’analyser la performance de chaque approche sur deux périodes suffisamment longues et comparables.

Les annonceurs sont forcément perdants en utilisant des stratégies automatisées en CPA cible , parce qu’ils risquent soit de bloquer leurs campagnes avec un CPA trop bas, soit de sur-payer le prix de leurs conversions.

En effet, le coût d’acquisition est fonction des volumes de conversion.
Toutes choses égales par ailleurs, plus on veut de conversions, plus le coût d’acquisition augmente. Schématiquement voici comment penser le coût par acquisition :

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Travailler en CPA cible nécessite de connaître précisément le coût d’acquisition par palier (ou par strate comme décrit auparavant)Par conséquent, un annonceur a de grandes chances de ne pas “pricer” correctement son CPA cible, le ciblage large des campagnes n’aidant en rien.Cette stratégie est rassurante pour un annonceur car elle lui donne l’impression de payer le bon prix. Mais, ce n’est pas le cas. C’est pourquoi  les stratégies automatisées doivent essentiellement permettre de maximiser les volumes de conversions. Ce qui revient à trouver le coût d’acquisition le plus bas pour un budget donné.

L’utilisation des algorithmes de Google ou Facebook n’est pas un débat sur la performance de l’homme contre celle de la machine, puisque les objectifs poursuivis dans chacun des cas ne sont pas les mêmes. Il s’agit d’un débat sur l’ambition des annonceurs car le marketing digital offre une chance unique aux entreprises d’être acteur de leur marketing.

Mathieu Ceccarelli

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