Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Uber Eats, Deliveroo, Foodora,… les arbres qui cachent la forêt

Qui ?
Michael Levy, CEO Deliver.ee, plate-forme de livraison le jour même pour les distributeurs.

Quoi ?
Une tribune, pour faire le point sur les enjeux du marché très concurrentiel de la livraison.

Comment ?

Les échecs récents de TokTokTok et de Take Eat Easy, deux start-up de "food delivery" européennes, ont révélé un secret de polichinelle : non, il n'est pas possible de s'imposer sur un marché grand public avec seulement quelques millions. Et oui, si on perd de l'argent en faisant une seule livraison à domicile, même si on en fait un million de la même façon et au même prix, on perdra toujours de l'argent. Autrement dit, pour créer une licorne il faut injecter beaucoup d'argent, et pour faire une licorne pérenne, une marge brute positive s'impose.

Même Deliveroo, avec ses 475 millions de dollars levés en tout, aura du mal à faire le poids à terme face à des Uber (avec Uber Eats) et à des Amazon (qui s'est lancé sur le créneau à Londres, San Diego et San Francisco), dont les capacités d'investissement sont sans commune mesure : le premier a levé 8,7 milliards de dollars, le second subventionne massivement toutes ses activités déficitaires grâce aux juteux bénéfices de ses activités cloud et marketplace.

Ces deux géants peuvent donc se permettre (pour Uber temporairement, pour Amazon pendant encore longtemps) de financer à perte cette activité, dans le but d'étouffer la concurrence dans l’œuf. Et espérer, demain (mais quand ?) augmenter leurs marges et générer des bénéfices avec cette activité. L'hypothèse est tout à fait incertaine : une fois abandonnée l'époque des livraisons artificiellement subventionnées, les consommateurs seront-ils prêts à payer ce service à son juste prix, celui qui assure une rémunération viable au livreur, au restaurateur et à la plateforme ?

Surtout, la bulle médiatique qui entoure l'explosion de la restauration livrée ne doit pas faire oublier qu'il s'agit d'un (gros) sous-marché de la livraison à domicile. Le vrai sujet de la logistique reste la livraison rapide, précise, efficiente, rentable, durable et choisie par les consommateurs, de TOUS les types de produits pour TOUS les types de commerces, allant des courses alimentaires au mobilier, en passant par le petit électroménager, les fleurs ou encore la mode.

C'est l'enjeu actuel des distributeurs, celui de l'omni-canal et de ses différentes modalités : retrait immédiat en magasin, livraison instantanée en moins d'une heure ou le jour-même sur rendez-vous, dans des casiers, en heure tardive voire le dimanche, retours collectés à domicile sur rendez-vous, suivi en temps réel du livreur...

Ce marché très complexe de la livraison à domicile, lui, n'est pas condamné à tomber entre les mains d'Amazon, Uber et autres géants aux poches sans fond. Il représente, rien qu'en France, 400 millions de colis l'année dernière, avec une croissance de 15%. Les enseignes et les commerçants peuvent rester dans la course et même gagner car ils ont l'avantage d'être plus près de leurs clients que les entrepôts nationaux ou urbains d'Amazon (comme le hub Prime Now à Paris 18ème), grâce à leurs magasins.

Amazon achète des avions moins pour constituer sa propre flotte que pour faire pression sur ses fournisseurs DHL et FedEx. Plus que personne, Jeff Bezos connaît la difficulté de gérer la problématique du dernier mètre. Une problématique qu'il ne peut résoudre que par l'intermédiaire d'entrepôts intra-muros et d'un réseau de livreurs locaux.

Le géant du e-commerce propose avec Amazon Prime Now un service de livraison gratuit en 2h pour ses abonnés Premium. Mais son coût est énorme. C'est avant tout un moyen de recruter des abonnés Prime. Au tarif actuel, pour tout autre pure-player qui n'a pas la manne d'Amazon Web Services et d'Amazon Marketplace, le service ne serait pas viable. Et il n'est pas applicable en dehors des grandes agglomérations comme Londres ou Paris.

Néanmoins, le lancement de Prime Now à Paris aura eu le mérite de réveiller les retailers français, qui, tous, prennent conscience de l'importance stratégique de la livraison, comme outil de fidélisation et de conquête de clients. Ce n'est plus une commodité ou un simple centre de coût mais  le critère le plus important lors de l'achat sur Internet. Selon la FEVAD, plus de 60% des abandons de panier sont dus au manque d'options de livraison satisfaisantes.

Un récent sondage IFOP le confirme : 70% des français plébiscitent la livraison le jour même sur créneau horaire restreint, et 60% d'entre eux aimeraient être livrés dans l’heure qui suit leur commande. Et surtout, 35% des clients qui ont une expérience de livraison négative changeront tout simplement de crèmerie et ne reviendront pas.

Le vrai marché de la livraison n'est donc pas uniquement BtoC mais BtoBtoC, online comme offline : un boulevard est ouvert aux acteurs, qui, comme deliver.ee, donneront aux commerçants les armes pour rivaliser avec Amazon, par la qualité de service et de l'expérience client.

Michael Levy

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