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Samuel Baroukh, Nestlé : « Le marketing s’est dissous dans le E-Business »

Qui ?

Samuel Baroukh, Directeur eBusiness Nestlé en France.

Quoi ? 

Une interview "confinement/déconfinement" sur la façon dont le marketing et les médias classiques sont passés chez Nestlé sous la houlette du digital.

Comment ? 

Pourquoi le digital chez Nestlé récupère-t-il le média offline ? 

En tant que Directeur eBusiness, j'ai sous ma responsabilité l’accélération de l'utilisation des leviers digitaux, marketing, commerce et data au service de la croissance Business. Début avril, Nestlé France a franchi une nouvelle étape dans sa transformation, en basculant d'une organisation matricielle d’influence du Digital sur le média, en organisation hiérarchique.
Nous sommes convaincus que nous pouvons construire un solide avantage compétitif en intégrant le média classiquee dans le digital . Et ce sera encore plus vrai avec la délinéarisation à venir de la Télé. Aujourd'hui, le pilotage des activités clés de marketing : Datas, Activations et Contenus passe donc par le Digital, pour transformer notre façon de cibler, connecter et diffuser des contenus à nos audiences.
Auparavant, la Direction Marketing pilotait le média classique. La direction E-Business que je dirige pilotait les projets transversaux de transformation métiers et systèmes, le CRM, la production de contenus digitaux et influençait le média digital.

Comment est organisée la nouvelle équipe ?

L’équipe directe E-Business s’articule autour des 3 pôles : data consos, contenus et activations, et continue de travailler en matriciel avec lecCommerce, le reste de l’équipe data et la DSI. Nous avons une équipe Corporate courte, et nous sommes l’interface experte entre les équipes catégories et les différentes agences (Media, CRM, Data, Search, …) que nous pilotons. Après avoir repris la main sur l’ensemble de nos solutions techniques Datas et Média, nous avons également internalisé un certain nombre de verticales métiers dans des «Studio » ou « Factory » (Content, Webmastering, Campaign, Search, Analytics et Dashboard,…) pour plus de réactivité et compétitivité. D’ailleurs on recrute… C’est une communauté d’une quarantaine de personnes, avec un nombre équivalent en agences.

Comment s'est passé le confinement ?

Nous sommes tous passés en télé travail et avons pu bénéficier de nos solutions bureautiques en place, l'équipe IT a fait un travail formidable. Cela a accéléré l’adoption de Teams de Microsoft, par exemple. Nous n'avons pas baissé nos investissements média, mais nous avons réévalué les produits sur lesquels nous communiquons. Et nous avons vérifié qu'ils étaient bien en magasin. Nous étions bien placés pour le faire : nous avons des partenariats logistiques très avancés avec les distributeurs, certains nous délèguent même la gestion leur stock en entrepôt. Il a fallu aussi garantir l'approvisionnement en termes de transport. Evidemment, les canaux de vente en ligne ont fortement progressé (de plus de 40 %) et encore plus fortement chez nous. Nous maintenons une meilleure performance en PDM sur les canaux en ligne que sur le offline ! Ces canaux ont gagné 2,5 M de nouveaux acheteurs , autant de nouveaux comportements d’achats ; un grand nombre d’entre eux vont certainement les maintenir post déconfinement. Le marché n’était pas prêt à un tel report du magasin physique vers le digital mais cela s’est vite réglé. Un bel exemple de capacité d’adaptation. Nos sites Culinaires croquonslavie.frlatableadessert.frmaggi.fr ont eux aussi vu leur trafic fortement augmenter : les Français ont besoin d’inspiration pour se nourrir midi et soir à la maison ou occuper les enfants autour d’une activité en cuisine.


Les messages publicitaires ont-ils changé ?

Pour les médias grand public, nous avons réévalué les messages pour voir s'ils restaient pertinents aujourd'hui. Et nous avons adapté certains messages sur les médias digitaux et relationnels. Nos newsletters ont été réorientées fortement sur les recettes. Nous avons introduit la possibilité de convertir en un clic les recettes en paniers d'achat sur le Drive ou la livraison à Domicile. C’est plus de 1000 paniers générés par envoi. Et nous lançons un service de coaching culinaire pour nos membres, avec nos experts en Nutrition. Les premières sessions se tiennent cette semaine, suite à un afflux important de préinscriptions. Les contenus ludiques, comme la chasse aux œufs de Pâques sur le site et un jeu autour du recyclage de la boite de Nesquik ont très bien marché, avec des dizaines de milliers de joueurs, un score sans précédent à moyen équivalent. Mais c'est sûr, nous allons sortir de cette période avec une façon de parler aux gens qui aura changé. Il y aura toujours des messages pour promouvoir le produit. Mais il faudra revoir la posture. Et va s'imposer pour chacun une façon de parler de RSE, d'engagement sociétal. Dans ce domaine, Nestlé a une approche discrète. Par exemple durant cette période, Nestlé France et ses équipes ont réalisé plusieurs initiatives de solidarité, en sus de celles prises par le Groupe dont notamment un partenariat avec la Croix Rouge. Ce type d'informations est disponible, mais peu poussé auprès du public. Il faut rester humble et se garder d'opportunisme.


Quels arbitrages avez-vous fait en terme de média ? 

Chaque campagne sur la période a été réévaluée avec le soutien de notre agence Média Publicis Zenith. En synthèse : la Télé et le Digital ont été maintenus. L'affichage a été décalé dans le temps. Nous avons participé aux écrans solidaires mis en place par les chaines et considérons d’autres actions.

Qu'avez-vous appris en termes de télétravail ?

J'ai personnellement appris beaucoup. C'est très dur quand on a trois garçons en bas âge à la maison (mon ainé a 4 ans et demi). J'ai aussi pris pleine conscience de mes privilèges. Je ne vais pas me plaindre. En dépit de la multiplication des réunions virtuelles, il faut respecter un rythme pour ne pas mettre à mal l'équilibre familial : la pause déjeuner par exemple est un moment clé. Avec les équipes, nous faisons des points plus courts, mais aussi plus fréquents. On fait des pauses café virtuelles de 15 minutes, à 5 ou 6 pour parler de tout et de rien. Cela laissera forcément des traces après la période de déconfinement. Le marché du travail va sans doute mieux prendre en compte les impératifs de la vie de famille. Car tout le monde aura eu la même expérience, ce qui est la façon idéale pour changer des habitudes bien ancrées dans le business : l’apprentissage par le faire…

 

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