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L’auto bilan de Clément Delpirou sur Libé

Qui ?

Clément Delpirou, Co-gérant et Dg de Libération depuis deux ans et demi.

Quoi ? 

Une interview bilan, à l'occasion de son départ pour de nouvelles aventures.

Comment ? 

Quel est votre bilan à la tête de Libération ?

S'il n'y avait pas eu le Covid Libé serait arrivé à court terme à l'équilibre économique. En septembre 2018, Libé avait 8 000 abonnés numériques. IL en a 50 000 fin juin. Si on atteint 100 000 abonnés, on arrivera à 40 % du chiffre d'affaires actuel, ce qui permettra d’envisager l’avenir avec sérénité. Mais les autres sources de revenu, les ventes en kiosque, l'événementiel et la publicité, s'assèchent. La seule question, en janvier 2018, était toujours quand Libé allait-il fermer. Aujourd'hui, la thématique a changé, les problématiques post Covid résonnent bien avec ce qu'est Libé. Quand il y a des événements exceptionnels, les Français aiment se tourner vers cette marque.

Et pour L'Express ?

Fin 2019, nous avons opéré un changement drastique, industriel, économique, et dans la ligne éditoriale. Opérer des petites retouches tous les deux ans, c'était la mort assurée. Un maquette austère allège l'équation industrielle et L'Express s'est concentré sur l'analyse de l'info. Nous avons restructuré la rédaction, purgé les abonnés "grille pain", qui souscrivaient pour le cadeau qui allait avec l'abonnement. Le titre a vu ses abonnements numériques augmenter fortement en mars et avril. Le contexte est également compliqué par l'affaire Presstalis qui a encore plus aggravé la situation de la presse française

Vous partez quand Libé change de formule et devient une fondation...

Mon départ était acté avant. J'ai été chassé par un cabinet pour un poste très différent, dans le domaine l'immobilier, que je rejoins à la rentrée.

Patrick Drahi a alimenté un fonds de dotation à la presse, à but non lucratif et incessible. Si la fondation fait des profits, ils seront réinvestis ou donné à des œuvres. De quoi mettre le journal à l'abri des collusions entre éditorial et économique. Au passage, les dettes de Libé sont annulées, le compte courant avec SFR Presse est apuré.

Quelle pérennité peut apporter cette structure au titre ? 

Il me semble qu'on ne se lance pas en termes d'annonce, d'énergie, d'investissement, dans un dispositif comme celui-là pour se dire dans 18 mois, "c'est pas rentable je ne poursuis pas". L’organisation Altice est adapté pour de grandes sociétés, mais ces bureaux, ce siège social, pèsent sur les comptes. Ce dispositif "non profit" permet réduire les frais d'intégration dans un groupe.

La crise du Covid a accentué le grand écart entre l'usage de la presse, son utilité et son investissement par les marques. Comment sortir de ce piège ?

Vu de la fenêtre de Libé, la publicité, print et digital, ne représente que 15 % des recettes. L'effondrement de la pub a été compensé, sur la période, par la hausse des abonnements.

Mais dans le domaine de la publicité, les annonceurs du luxe n'ont pas souhaité apparaître dans un contexte de Covid, alors qu'ils étaient beaucoup moins regardants sur les réseaux sociaux. Effectivement, en France, il y a beaucoup de belles paroles, mais peu d'actes. Boris Johnson s'est engagé sur un montant investi par les campagnes gouvernementales dans la presse. Ça ne s'est pas fait en France. Au Québec, l'initiative médias d'ici veut que le marché double ses investissements en trois ans. En France, des initiatives comme Digital Ad Trust ne se sont jamais accompagnées d'engagements chiffrés. Les dirigeants de la presse ont dû aussi gérer la menace de l'effondrement de la distribution, avec 33 % des kiosques qui ont fermé, et, pendant une certaine période, la suspension de la distribution des journaux par La Poste.

Que vont devenir les forums Libé ?

Ces événements en région rassemblent 500 à 2 000 personnes,  avec le soutien d'un partenaire. Difficile de savoir ce que cela peut devenir. Mais des événements en digital ne sont pas vendus le même prix, c'est certain. C'est un peu comme le papier par rapport à la pub digitale : la valeur est divisée par 10. Et il y a un grand encombrement d'offres.

Quelles pistes d'avenir, alors ?

Le métier de Libé, c'est le contenu. Le journal peut continuer à se développer dans des thématiques, comme l'éducation ou l'environnement, à cheval entre info grand public et presse professionnelle.

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