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Comment Prisma opère sa transformation digitale

Qui ?
Philipp Schmidt, Directeur Exécutif de Prisma Media Solutions.

Quoi ?
Une interview, pour comprendre comment se transforme la filiale magazine de Bertelsmann en France.

Comment ?

Depuis novembre 2014, la régie de Prisma Média (Femme Actuelle, Geo, Capital, Voici, VSD...) n'est plus "Prisma Pub", mais "Prisma Media Solutions" : simple changement sémantique ou mue profonde ? "C'est un projet à trois ans, démarré en 2013, explique Philipp Schmidt. Notre métier est désormais d'accompagner les communicants en France pour qu'ils réalisent leurs objectifs. Nous intégrons donc toute la chaîne : le branding, le business et la performance, en s'appuyant sur nos 22 marques."

Une stratégie "Smart Data" pour rapprocher print et digital

Premier chantier, la stratégie data, orchestrée au niveau du comité de direction. "On suit le parcours utilisateur à travers tout l'univers Prisma, en rassemblant données comportementales et socio-démographiques. Les annonceurs ont énormément bougé, ils ont monté leurs DMP (Data Management Platform) et agrègent leurs données média et CRM. On se doit de pouvoir y répondre." La DMP mise en place par Prisma regroupe ainsi 15 millions de profils d'internautes. Prochaine étape : le croisement avec les données des abonnés aux magazines (2 millions de profils, nominatifs) et des abonnés aux newsletters (10 millions).

En programmatique, Prisma commercialise via Audience Square et des deals privés une centaine de segments d'audience, qui peuvent être croisés avec le ciblage contextuel. Une démarche de ciblage qui s'applique aussi au print,  selon 11 critères socio-démographiques. Prisma souhaiterait ensuite aller plus loin : "nous sommes bien sûr ouverts à des partenariats avec d'autres membres de la famille Bertelsmann - mais pas uniquement. On pourrait par exemple imaginer des produits programmatiques avec M6, avec qui nous avons une complémentarité de données et d'inventaires." De là à concentrer tous ses partenariats technologiques avec un seul acteur, comme Lagardère semble vouloir le faire avec Google.... "nous ne nous enfermerons jamais dans un seul écosystème".

La collecte et l'unification des données imposent aussi d'adapter la stratégie des marques-médias du groupe, pour inciter les internautes à s'identifier. "Le métier d'éditeur doit se réinventer à travers des contenus liquides et des services... Le meilleur exemple est l'évolution de Télé Loisir, l'une des transformations les plus spectaculaires du marché : l'application se connecte à votre box ADSL pour programmer des enregistrements à distance ou devenir une télécommande une fois à la maison. Désormais, on n'est plus dans l'opposition entre print et digital, mais dans une relation entre une marque média et sa communauté." Les derniers lancements en France vont dans ce sens : As You Like et Flow, les deux marques féminines lancées au premier trimestre 2015 en print cherchent à développer leur propre communauté sur les réseaux sociaux (Pinterest, Instagram, Hellocoton). Business Insider, qui sera lancé en France en 2016 s'appuiera lui uniquement sur le digital, mais aura sans doute des liens avec Capital et Management sur le print.

Une transformation avant tout humaine

Avec le boom du programmatique, le renforcement des opérations spéciales et le déclin de la vente directe classique, les métiers  de la régie ont beaucoup évolué. "C'est cela le vrai challenge : la transformation de 160 collaborateurs. Nos commerciaux sont devenus des consultants en communication, qui proposent différents leviers pour atteindre les objectifs, dans une approche sur mesure. Cette évolution sert non seulement nos clients, mais aussi l'employablité de nos collaborateurs."

La transformation humaine s'appuie sur beaucoup de pédagogie, des formations et des recrutements, en planning stratégique, analytics ou yield management, notamment. "Cependant, le plus compliqué à acquérir, ce n'est pas le savoir-faire, mais le savoir-être et le vouloir-faire, pour entrer dans la vente de solutions et pas seulement d'espaces publicitaires. Cela suppose de connaitre le client, sa marque, son secteur, d'arriver avec des idées, d'écouter." Pour orchestrer le changement, Prisma s'est fait accompagner par le cabinet Vertone. "La première cible dans un programme de transformation digitale c'est l'interne. Il faut un engagement émotionnel. Aujourd'hui, mes N-2 sont en train de devenir les acteurs de la transformation digitale : ce ne sont pas de simples exécutants."

La transformation du groupe passe aussi par l'extérieur, avec des acquisitions. "Bertelsmann nous a attribué 100 millions d'euros pour mener des acquisitions dans les années à venir, afin d'accélérer notre transformation. C'est important pour les équipes : nous avons une stratégie claire, un projet humain et l'actionnaire nous soutient, avec de vrais moyens." En deux ans et demi, Prisma Media s'est ainsi lancé dans une vingtaine d'acquisitions, dont Hellocoton, Advideum, MobValue ou Recatch.

Deux ans après le début de la transformation, quel premier bilan tirer ? "Beaucoup d'annonceurs viennent chez nous pour faire des conférences ou des réunions avec leurs comités de direction. Ils nous sollicitent pour leur propre transformation digitale. C'est un très beau compliment." Parmi les questions récurrentes : comment travailler avec les partenaires sociaux...

Benoit Zante

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