Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

A quoi rêvent les CDO ?

Qui ?
La vingtaine de CDO ("Chief Digital Officers") interrogés dans le monde entier lors du CDO World Tour, dont Antonia McCahon, de Pernod Ricard (en photo).

Quoi ?
Les dix enseignements des interviews réalisées par Frédéric Colas et Charles Tonlorenzi de Fast-Up Partners, présentés chez Criteo le 1er juillet, complétés des réactions des CDO présents dans la salle.

Comment ?

En 2012, Frédéric Colas avait mené un "CMO World Tour", interrogeant les directeurs marketing des grandes entreprises du monde entier. Trois ans plus tard, il récidive, en s'intéressant aux CDO (Chief Digital Officers), ces leaders de la transformation digitale qui ont trouvé une place au coeur des organigrammes. Une vingtaine d'entre eux ont été interrogés, dans tous les domaines, de Bombardier à Henkel en passant par Lego ou le gouvernement britannique.

1/ Le digital a maintenant un impact sur le business à court terme

Le numérique est désormais un sujet traité au niveau du COMEX : il est considéré comme une source de croissance à court et long terme. Son périmètre quitte donc celui de la seule DSI ou du marketing. Chez Nescafé par exemple, "le focus des leaders du digital, c'est la croissance du business, pas l'évangélisation". Même constat chez Unilever, où le digital est maintenant intégré à la stratégie globale de l'entreprise. De même, "chez Pernod Ricard, nous n'avons pas de stratégie digitale, mais une stratégie business ou il y a beaucoup de digital" explique Antonia McCahon. Sur ces sujets, le BtoB n'est pas en reste : les industriels travaillent aussi à la transformation de leurs canaux de distribution et de leur supply chain. "C'est juste moins glamour que dans les grandes marques, mais le BtoB évolue aussi très vite" explique Muriel Barnéoud, de Docapost. Chez Philips, "nous allons très vite en BtoC grâce à l'explosion du e-commerce, mais sur des sujets comme l'internet des objets, le BtoB - notamment dans le domaine médical - est plus mature que le BtoC. Personne n'en parle, car c'est plus technique. La vraie révolution se passe dans les départements supply chain et opération" explique Marc-Antoine Hennel.

2/ L'e-commerce est devenu le sujet digital numéro 1 pour les marques de grande consommation

"C'est un changement très important par rapport à il y a quelques années, où le marketing était le sujet central" explique Frédéric Colas. Nescafé a ainsi un nouvel objectif prioritaire : devenir le "e-category captain" des distributeurs, qu'ils soient "pure-players" (comme Amazon, ou Ocado en Grande-Bretagne) ou venant du "brick-and-mortar" (Carrefour, Auchan, etc.). Cette préoccupation se retrouve aussi chez Mondelez, qui se demande comment passer des "likes" au "buys" sur les réseaux sociaux.

3/ Le principal frein au changement est psychologique

Les organisations doivent s'adapter pour délivrer leurs nouvelles stratégies intégrant le digital. Dans cette transformation, le principal obstacle n'est pas technique ou financier : "c'est une question de mentalité, ne pas avoir peur de prendre des risques" explique Frédéric Colas. "Le principal frein au changement, c'est la peur dans la tête des gens" confirme Antonia McCahon, chez Pernod Ricard, qui ajoute : "50% de mon temps est consacré à l'accompagnement du changement." Muriel Barnéoud confirme : "beaucoup d'entreprises sont démunies face à l'immense pouvoir donné désormais au consommateur."

4/ Le recrutement ne doit pas être le cache-misère de la transformation digitale

Parmi les questions les plus fréquentes : pour faire un bon CDO, vaut-il mieux recruter un expert du digital en externe ou faire progresser un manager senior ? Et au sein des équipes, est-il préférable de recruter des startuppers ou de promouvoir des talents internes ? Chez Henkel, il a fallu 18 mois pour trouver les bonnes personnes, qui comprennent à la fois le numérique et le business traditionnel... Pour les grands groupes, le constat est donc unanime : "trouver des talents à l'extérieur capables de s'adapter au grand groupe n'est pas évident." Antonia McCahon confirme : "pour mener notre transformation, nous aurons besoin de talents externes, mais nous travaillons avant tout à faire monter en compétence les talents actuels." Le BtoB est aussi impacté par ces changements RH : chez Bombardier, le mobile génère 30% des candidatures et l'industriel développe maintenant des outils d'entretien d'embauche en vidéo, pour pouvoir interagir dès l'envoi du CV et convaincre les jeunes talents, qui n'aiment pas attendre,  de le rejoindre.

5/ Pour réussir, les CDO doivent maîtriser le digital, la stratégie business et la conduite du changement

Si ces conditions ne sont par réunies, le CDO court le risque de se faire marginaliser. "Le risque est d'avoir un expert du digital qui travaille dans son coin, qui pense outils au lieu de croissance et n'arrive pas à entraîner l'organisation avec lui" détaille Frédéric Colas. L'idéal est donc de combiner des fonctions opérationnelles et un pouvoir d'influence. "Mais concrètement, beaucoup de CDO n'ont que le pouvoir d'influence." Pascal Houdayer, Senior VP d'Henkel Laundry&Homecare résume cela d'une formule : "Il faut être à la fois geeky et brandy".

6/ Les CDO doivent agir comme des marketers et des community managers du changement

Pour impulser le changement, les CDO ont tout intérêt à s'appliquer à eux-même et à leur fonction les principes du marketing. "Le marketing commence en interne" explique ainsi Marc Mathieu, ex-global SVP Marketing d'Unilever désormais CMO de Samsung USA. Il détaille : "Quand nous avons commencé le process, il y a trois ans, nous avons créé une marque à l'interne, "crafting brands for life", qui voulait dire qu'il fallait mettre la vie des gens en première position. Ce programme est devenu notre Mantra interne."

7/ La mission des CDO : transformer les données en business

Point commun de beaucoup de CDO interrogés : ils rêvent de devenir des data scientists, pour mieux comprendre cette nouvelle science. Le CDO de l'assureur américain MassMutual résume ainsi sa mission : se concentrer sur les informations qui existent déjà au sein de l'entreprise pour en tirer de la valeur. Chez Kéolis, le constat est plus nuancé : "la data a davantage servi la maintenance et l'exploitation que le marketing. Ce n'est pas le CDO qui doit être data scientists, mais le chef des opérations. Le CDO, lui, doit être dans l'évangélisation sur ces sujets" explique Najoua Ben Jemaa.

8/ Les CDO regardent à l'Ouest pour l'innovation tech, et à l'Est pour l'innovation commerciale

Il n'y a pas que la Silicon Valley qui innove ! Plusieurs CDO interrogés expliquent regarder avec attention ce qui se passe en Asie, notamment dans le domaine commercial. Chez Henkel, 37% des ventes en Corée du Sud ont lieu à l'extérieur des magasins ! Le e-commerce est particulièrement développé (12% des ventes), mais n'est pas le seul canal innovant de distribution qui émerge.

9/ Les grands groupes apprennent à innover avec de nouveaux partenaires

Collaborer avec les start-up, repenser le rôle des agences, promouvoir l'open innovation... Voilà quelque-uns des enjeux des Chief Digital Officers, qui ont notamment pour mission de décloisonner l'innovation en s'entourant de nouveaux partenaires. Reste à trouver les méthodes pour collaborer avec ces nouveaux acteurs (PetitWeb en a établi une, à acheter ici). Chez AccorHotels, c'est Yves Lacheret, un fin connaisseur du groupe qui est en charge de cette mission, pour court-circuiter les process habituels au profit des start-up et PME innovantes. "Je ne suis pas un expert en digital, ni en innovation, mais j'ai dirigé une Business Unit. Si vous créez un tel poste au siège, dans une tour d'ivoire, a fortiori avec quelqu'un qui viendrait de l'extérieur, c'est un échec garanti dans les trois mois !" explique-t-il.

10/ De nouvelles synergies apparaissent au sein des organisations

Alors que le marketing n'est plus le seul acteur de la transformation digitale et que le business digital voit son importance accrue, de nouveaux ponts apparaissent entre le marketing et les ventes. Pendant que Mondelez oeuvre à connecter média et commerce, Pernod Ricard a créé une division transverse en charge du business development. La transformation digitale mettra-t-elle un terme aux silos ?

Et ensuite ?
"On a dépassé le cap de la stratégie digitale : les CDO se préoccupent maintenant d'intégrer le digital dans tous les métiers de base de l'entreprise et dans la stratégie globale. Tous ont conscience que leur fonction est transitoire. Hors caméra, ils imaginent leur futur comme patrons du marketing ou des ventes, voire patrons tout court..." Rendez-vous dans trois ans pour un CEO World Tour ?

Benoit Zante

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