Qui ?
Olivier Vigneaux, Président de BETC Digital.
Quoi ?
Interview autour des résultats du deuxième baromètre X Index de l'expérience client mené par BETC et Opinion Way en France, aux Etats-Unis et en Chine (exclu PetitWeb).
Comment ?
Quel était l'objectif de cette étude autour de l'expérience client ?
Le digital ne se déconnecte plus du monde physique, on vit tous dans une expérience digitale intégrée à la vie quotidienne. Le métier des agences digitales est en train de basculer du digital à l’expérience client globale. Nous avons créé ce baromètre pour comprendre ce qui créait de la valeur dans l'expérience client. Opinion Way a interrogé 19 000 personnes, sur 150 marques, pour évaluer 30 critères expérientiels, de type, “on a fait attention à moi” “les informations envoyées par mail étaient utiles”... et attribuer une note globale à l’expérience. Nos datas scientists ont déterminé les critères les plus corrélés à la note globale donnée par les interrogés. Et dans les trois pays, les critères dominants ont été de trois ordres : la dimension relationnelle, l'image véhiculée par la marque et la qualité de l'expérience d'achat.
Résultat des courses ?
Les clients jugent l’expérience de l'entreprise à l’aune de ce qu’elle leur a promis. Ainsi, Ouigo a de meilleures notes que SNCF car ils tiennent leur engagement "ils me m’ont pas vendu du rêve". Ibis est aussi dans le top 10 en France et en Chine : les expériences proposées par ces marques sont en accord avec leurs promesses.On aurait pu penser que les critères qui allaient le plus compter étaient les critères liés uniquement aux dimensions concrètes, expérientielles proposées par les marques. Mais au final, en Chine, aux USA ou en France la perception de la marque est un élément clé de la satisfaction et de l’évaluation que les clients font de leurs expériences. La dimension humaine, la reconnaissance, comptent beaucoup. Dans ce monde qui se digitalise, on ne vaut jamais que ce que nos employés font vivre aux clients. Notre travail d'agence est de faire en sorte que les employés et les représentants de la marque, dans le monde réel et dans le digital, soient engagés dans la vision de l’entreprise.
L'émotion fait son apparition dans votre étude...
« Le parcours d’achat était agréable » est un critère qui compte pour 14 % de l’expérience, 18% aux USA et 30% en Chine. Bien sûr, l’UX, la fluidité, l’accessibilité et la simplicité deviennent une norme essentielle. Mais en plus, le public veut que l’expérience apporte de l’émotion. C'est particulièrement notable en Chine, un pays imprégné de la culture mobile, avec des magasins très avancés dans leurs services. Les Chinois sont ceux qui mettent le plus l’humain au cœur de leurs critères d’évaluation de l'expérience client. Pour eux, l’humain est primordial dans le parcours. “Est-ce qu’on pourrait me prêter attention SVP ?”. C’est un peu ce que les Chinois nous disent à travers cette étude. Alors même qu’ils beaucoup plus digitalisés que nous, ils ne veulent pas d’un monde de science fiction ou ils seraient livrés à eux-même. L'efficacité ne remplace jamais la dimension émotionnelle, agréable et humaine de la relation client. Il s’agit d’un des plus gros chantiers des sites e-commerce : introduire de l'émotion et de la surprise sur leurs sites. Amazon qui était dans le top 10 l’an dernier est plus bas dans le classement : ils sont dépassés par d’autres sur le critère de l’attachement émotionnel à l’achat pendant l’expérience. Comment réussir, même dans l'expérience e-commerce et digitale à véhiculer de l’émotion ?
La France, lanterne rouge sur la fidélisation ?
La reconnaissance de la fidélité est mal notée partout, mais surtout en France, avec 5,4/10 sur ce critère, contre 6,6 aux USA et de 7,4 en Chine. La reconnaissance de la fidélité n’est pas seulement la capacité à me récompenser via des offres ou des promos, mais la capacité à me proposer une offre qui comprend mes attentes, mes besoins, mon profil. Nos préférences sont enregistrées, il parait logique que la marque proposent des produits qui correspondent à l'âge des enfants, au genre... Mais c'est ce n’est pas assez souvent le cas. C’est un vrai chantier pour les marques, et surtout pour le luxe.
Où en sont les marques de luxe dans la personnalisation de l'expérience client ?
Nous gérons les sites de Cheval Blanc, l'hôtel de luxe de LVMH et des bagages Rimowa. Le luxe repose depuis toujours sur un traitement particulier du client, avec de l’attention et un service très personnalisé. Si on est déjà venu on doit être reconnus, être mieux guidé dans nos choix et achats. Mais avec la technologie, la personnalisation s'est banalisée. Pour regagner l'avantage, les sites de luxe doivent rester mieux-disants, comprendre mon contexte, comme se comporterait un excellent conseiller de vente d’une maison de luxe. Ainsi, l’appli mobile des City Guides Louis Vuitton qui nous conseille de télécharger le guide de la ville, sait l’heure qu’il est et ma localisation, et elle est capable de me proposer des adresses en fonction de ce contexte. Je commence à engranger du contenu de manière contextuelle. Sur le site de l'hôtel Cheval Blanc, je peux choisir de commander le service que je regarde sur le site via une commande déjà pré-remplie.
Des exemples de personnalisation dans le luxe ?
La capacité à personnaliser vraiment c’est ça le vrai luxe. Pour Rimowa, la personnalisation va devenir de plus en plus centrale. Pas de mini site à part pour personnaliser sa valise, mais à chaque endroit du parcours digital, la personnalisation est possible. Nous sommes très satisfaits des résultats : 74 000 configurations personnalisation sur des valises commandées, depuis novembre. Les clients il y passent environ 2 min, c’est plutôt long. Ils y prennent plaisir et ils jouent le jeu.
Comment rendre élégante la personnalisation ?
Des artistes 3D ont modélisé les roues, les poignées en travaillant avec les développeurs, pour que le temps de chargement et la qualité soient irréprochables. C’est beau, grâce au web GL (technologie qui permet d’avoir cette représentation 3D au sein d’une page web). La technologie permet d'avoir un niveau d'élégance dans l'expérience qui est à la hauteur de la marque. Le trafic sur les pages produit concernées a été multiplié par 3 depuis la mise en place du configurateur. La personnalisation, malgré son surcoût à l'achat du produit, pourrait bien devenir, demain, l’élément naturel et central de l'expérience.
Comment concilier personnalisation et le respect de la vie privée ?
En fait pour tout ce qui est paramétrage des cookies, le RGPD a permis aux gens d’être plus responsables dans la manière dont ils partagent leurs données. Mais la plupart des acceptent d’être suivis sur leur parcours, tout en se disant très vigilants sur les données qu’ils partagent. On a cette contradiction à gérer. Je conseille à nos clients de travailler en profondeur sur la qualité de la personnalisation des services qu’ils proposent. Pour que les gens restent à l’aise avec le traitement de leurs données personnelles, il doit y avoir un bon deal entre la marque et eux, via des services vraiment adaptés à leur profil et, surtout, rien ne doit être fait à leur insu. Il faut mériter cette confiance par le service rendu et par la transparence dans le traitement des données.
Propos recueillis pas Tiphaine Marchioni-Blanco