Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Stéphane Distinguin : « 2013 est l’année du basculement »

Qui ?
Stéphane Distinguin, président de faberNovel, agence d'innovation de 60 personnes, basée à Paris, San Francisco, New York et Moscou, qui fête ses 10 ans cette année. faberNovel a aussi créé PariSoma à San Francisco et prépare un fonds corporate.

Quoi ?
Une interview sur les tendances de demain (et pas d’après demain).

Comment ?

- Le Freegate, ça vous inspire quoi ?

En une mise à jour logicielle, Free préempte les sujets de la neutralité du net, du partage de valeur et des modèles économiques. Ce qui était un sujet d'experts, plutôt abstrait, liant politique, économie et technologie est devenu un enjeu très concret pour tous les Français, merci à Free de poser ce débat devant le large public. Xavier Niel est free, il a tout compris. Ce coup de force est une injonction paradoxale. Car les plus "geeks", grands défenseurs de la neutralité du Web, sont souvent aussi des anti-pub.

- De manière plus générale, Facebook, Apple, Free, Google et Amazon prennent le public en otage. Les internautes vont-ils réagir ?

Le public se retrouve aujourd’hui à payer l’addition de la gratuité des services, avec des conditions générales qui ne sont plus stables. Mais il ne reste pas passif. Instagram, avec ses nouvelles conditions générales, qui projetaient de vendre les photos du public, a suscité une intense réaction.

- Le secteur des ad exchange a connu une actualité très riche en 2012. Qu'en sera-t-il en 2013 ?

2013 est l’ année du basculement. Les ad exchange ont monté en puissance depuis 2007-2008. Ils pèsent aujourd’hui 10% du marché français et 15% aux Etats Unis. Avec la Place Media et Audience Square, les acteurs classiques sont entrés dans la danse. Facebook y a aussi trouvé une nouvelle justification. Avec l’arrivée prévisible d’Amazon sur le marché du RTB, permettant un ciblage par comportement d'achat et centres d'intérêt, la logique de performance va être réinventée. Sur le RTB, le vrai "truc" pour 2013, ça va être la consolidation du secteur : on a, relativement, beaucoup plus de trade desks en France comparée au reste de l'Europe. Le destin d'un grand nombre va se dessiner cette année. Et que dire des régies des groupes médias ? Les équipes vont-elles s'adapter (en se concentrant sur les opérations spéciales) ou disparaître ? Enfin, l'extension du domaine de la lutte : les ad exchange vidéos, mobiles sont là. À quand les ad ex multi-supports (web, mobile, Tv connectées, etc.) ?

- La TV sociale a aussi connu un tournant en 2012. Quelles évolutions à prévoir pour 2013 ?

En décembre dernier, Nielsen a passé un partenariat avec Twitter. Nous allons donc connaitre une sorte de Mediamétrie de la télé sociale. La mesure de l’audience se déplace aujourd’hui vers la mesure de l’attention et de l’engagement. Et les réseaux sociaux donnent aux chaînes quantité d’informations qui n’existaient pas avant. Près de 2/3 des téléspectateurs équipés regardent la télé avec une tablette ou un smartphone sur les genoux. Je ne crois pas tellement à la télé connectée (smart TV) mais davantage à la télé sociale. En janvier 2012, en France, 400 000 messages sur Twitter étaient liés à la télé. Ils étaient 5 millions en novembre 2013. Derrière la télé sociale, il y aussi le phénomène de la tablette, où l’Ipad est devenue la référence centrale. Alors que la bataille des smartphones est plus ouverte pour les concurrents d’Apple.

-Les objets connectés étaient les stars de LeWeb12. Quel est leur avenir ?

L’avénement de l’IPV6, attendu depuis des années, devrait faire passer de l’Internet of Things à l’Internet of Everything. Le web donnait accès à l’info sur les browser. Mais l’internet fait dialoguer les machines. L’IPV6 réouvre totalement le champ des possibles et les possibilité du réseaux et des objets ou contenus connectés. Les téléphones vont de plus en plus devenir des télécommandes à objets, des drones à ses volets,  en passant par sa voiture. Dans ce nouvel écosystème, les données utilisateurs vont être très importantes. Et la santé va connaitre sa révolution au delà du "quantified self". Cela va donner une belle occasion pour les industriels de la santé de faire enfin des étincelles dans le domaine du digital.

- Nike internalise sa stratégie social media.  Jusqu'où va aller l'internalisation du numérique dans les entreprises ?

La tendance est à l'internalisation. Y compris pour des projets plus "événementiels". C'est ce qu'on a vu dans les campagnes présidentielles aux Etats-Unis et en France où les équipes ont été en 2012 beaucoup plus "intégrées" qu'en 2007 ou 2008. Pour de nombreuses raisons, qui n'ont rien de surprenant et que les agences ont longtemps défendu d'ailleurs : réactivité, maîtrise des coûts, acquisition de compétences voire de données stratégiques. C'est une tendance de fond et inéluctable des médias sociaux (Nike) jusqu'à l'achat média ("desk" de real time bidding chez Procter&Gamble), elle correspond à l'émergence de standards et d'acteurs de référence (Google en particulier) et à la maturité du marché. Pour les agences, il faut le prendre comme une bonne nouvelle :  c'est une invitation à plus de créativité, plus d'expertise, une valeur plus identifiée et cela permettra de travailler avec des clients plus conscient des réalités et des pratiques du web

- Big data ou big blabla  ?

Le big data, c'est l'Eldorado. Comme à chaque ruée vers l'or, et pour rappeler l'adage de la première bulle Internet : ce sont les vendeurs de pelles et de pioches qui feront fortune en premier. Mais la formule magique ne fonctionne pas encore, le "sésame ouvre toi" de l'open data qui devait permettre d'inventer de nouveaux services et à de nouveaux éditeurs d'émerger n'existe pas et après quelques années, les success stories sont en fait plutôt rares... 2013, risque d'être une année de frustration car il reste un grand pas entre les données qui s'accumulent et les usages divinatoires qu'on entrevoit. Oracle (quand on parle de pelles et de pioches), a sorti une étude récemment qui montrait que 93% de décideurs interrogés estimaient qu'ils perdaient des opportunités de business faute de pouvoir traiter les informations en leur possession.  Les data analysts, nouveau métier, les éditeurs dont le Français Talend, ont de belles heures en 2013. Mais la frustration c'est la partie à moitié vide d'un verre déjà à moitié plein. Les usages sont sans limite, de l'astrophysique à la mode (le site Chicissimo qui a été en mesure de prévoir mieux qu'Inditex le succès phénoménal de Zara en 2012), en passant par la création publicitaire, comme Fabric, l'agence big data du groupe WPP l'a montré pour KFC en fin d'année 2012.

- Et si on vous parle de crise et d'impôt, écosystème et déprime Obelix ?

Ah, sous cet angle, c'était un moment pénible de 2012. Et sincèrement, je ne suis pas certain que les parties prenantes soient pleinement satisfaites de la situation actuelle. On y reviendra donc en 2013, et comme tout le monde a déjà eu l'impression de céder... La crise, elle est belle et bien là. Et nous savons tous, que l'économie numérique ne fait pas que s'en sortir "mieux" que les autres, elle est sans doute la solution (un modèle ?) pour beaucoup d'autres. La situation n'a jamais été aussi bonne, en termes de qualité de startups, d'émergence de champions (nouveaux : Criteo, Deezer, Dailymotion, Talend, Viadeo, BlablaCar... ou plus établis : Dassault Systèmes, Free, Vente Privée, ...), de financement (deux fois plus d'investissement en VC en 2012 vs 2011), de vocations de jeunes diplômés pour travailler dans nos entreprises ou créer la leur, ... un des points très positifs (il y en avait des moins positifs, je ne souhaite pas y revenir !) et une vraie surprise pour moi a été le sondage qui révélait que la majorité des français soutenaient les pigeons, avec les 70 000 likes obtenus en quelques semaines seulement, je ne crois pas qu'on puisse encore dire que la France déteste les entrepreneurs et ses entreprises, c'est même plutôt le contraire. Je me dis que 2013 est l'année où les bons sujets sont sur la table pour notre écosystème (cf. l'Adgate de free aussi) et que nous allons enfin les traiter : prenons comme une bonne nouvelle que les parties prenantes se connaissent et ont eu un bon "premier round" pour se "jauger", des entrepreneurs pas assez politiques, et des politiques pas assez au fait des problématiques des entrepreneurs et des sociétés de croissance. On oublie souvent que la Silicon Valley ou même la "Startup Nation" israélienne ont mis des décennies à en arriver "là", nous pouvons difficilement revendiquer plus de 20 ans d'expérience. Alors, j'ai hâte d'en savoir plus sur les Assises de l'entrepreneuriat qui se tiendront en mars...

Publicite

XX résultats

Oups! votre recherche
n’a donné aucun résultat !