Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Mark Read, CEO de Wunderman : « nous gérons un petabyte de données dans le monde »

Qui ?
Mark Read, Global CEO de Wunderman, potentiel successeur de Martin Sorrell à la tête du groupe WPP.

Quoi ?
Une interview sur les ambitions de cette agence digitale de 7 700 personnes, qui entend marier créativité et data pour des marques comme IKEA, Microsoft, Nokia, Danone, L'Oréal ou Hermès.

Comment ?

- Vous avez pris la tête de l'agence il y a un an : quelle est votre vision pour l'avenir de Wunderman ?

Notre positionnement repose sur le juste équilibre entre data et créativité. Aujourd'hui, les entreprises les plus innovantes du monde - regardez Buzzfeed par exemple - sont au croisement de ces deux dimensions. Mais attention : il ne s'agit pas de créativité dictée par la donnée, mais associée à elle. Ce que nous faisons aujourd'hui va bien au-delà du CRM, notre métier traditionnel : c'est du social, de l'UX, du design de services, du mobile, de l'e-commerce,... avec toujours la culture du résultat pour nos clients. Nous voulons maintenant aller plus loin encore et gagner davantage de prix.

- Un exemple de campagne qui illustre ce positionnement ?

La campagne DreamTeamFC pour le Sun en est le meilleur exemple : la data nous a permis de collecter des insights, de cibler les messages et d'en mesurer l'impact. Nous avons demandé aux fans de foot de constituer leur équipe idéale. Surprise : une bonne proportion des fans de Chelsea y intégraient des joueurs d'Arsenal, et inversement. Nous avons donc imaginé toute notre campagne autour de cet insight.

- Quels sont vos principaux clients ?

Les clients types sont des constructeurs automobiles, des entreprises des télécoms ou des services financiers. Nous avons principalement pour mission de générer des ventes. Si vous voulez générer des ventes, venez nous voir. Si vous voulez changer la perception de votre marque, allez voir une agence de pub. Notre métier n'est pas de faire des spots pour le Superbowl, mais la performance n'est pas antinomique avec l'image de marque. D'ailleurs, de plus en plus, nous nous retrouvons en position d'agence "lead" pour nos clients, car le digital est devenu extrêmement important.

- Les groupes médias, les agences médias ainsi que Facebook et Google veulent aussi préempter le sujet de la donnée et de la créativité. Ca ne fait pas trop de concurrence d'un coup ?

Nous travaillons très bien avec des partenaires comme Facebook ou Google : l'énergie qu'ils dépensent en créativité a avant tout pour but de vendre de l'espace publicitaire sur leurs plateformes. Ils vendent juste du média et ne viennent pas faire notre travail. Quant aux régies des groupes médias, ce sont de très bons partenaires. WPP a d'ailleurs investi dans des groupes comme Vice ou Refinery29. Nous avons aussi beaucoup de partenaires technologiques, comme ceux passés avec Adobe ou tout récemment Marketo. Nous sommes aujourd'hui l'un des tous premiers partenaires d'Adobe pour sa suite Campaign Manager, avec notre centre d'excellence à Copenhague. Aucune entreprise ne peut réussir seule, il faut s'inscrire dans un écosystème ouvert.

- Qu'en est-il de la France ? Comment appréhendez-vous ce marché particulier, siège d'Havas et Publicis ?

C'est un marché très important pour nous. Certes, la France compte de très puissants acteurs locaux, mais c'est aussi un pays plein d'opportunités : les groupes mondiaux comme LVMH, Kering, Sanofi ou Airbus ont besoin de partenaires avec une empreinte mondiale. Nous comptons plus de cent bureaux dans le monde et nous voulons apporter nos idées, nos innovations et notre expérience au marché Français, tout en y accompagnant nos clients mondiaux. C'est pour mener cela à bien que j'ai nommé en juin 2015 un nouveau PDG en France, Vincent Druguet. Depuis son arrivée, nous avons gagné cinq nouveaux clients, dont Mini, qui a choisi Kassius, notre département dédié aux marques premium.

- Pour vous renforcer dans le domaine de la data, comment arrivez-vous à convaincre des data analysts et des ingénieurs de vous rejoindre ?

Sur ce terrain des talents, nous devons affronter Google, Facebook et les médias. Ce qui nous distingue, c'est la créativité, qui est infusée dans tout ce que nous faisons. Les gens qui travaillent chez Facebook ou Google pensent que c'est excitant, mais en fait il ne s'agit que de vendre de l'espace publicitaire. Nous, nous pouvons offrir des carrières enthousiasmantes, dans un univers créatif. Pour les gens de la data, travailler dans un environnement créatif est une perspective attractive : ils peuvent voir rapidement leur travail se concrétiser et inspirer des idées et des campagnes. Pour les jeunes talents, il y a beaucoup d'endroit où aller, mais chez nous, ils peuvent être inspirés créativement, travailler avec des start-up ou de gros clients, aller dans nos bureaux à l'étranger ou encore évoluer dans d'autres agences du réseau. Un exemple : Jean Bataillé, l'ancien patron de la data de Wunderman à Paris est désormais VP Strategy, Data and Analytics dans notre agence de Seattle.

- Justement, comment faites-vous pour ouvrir l'agence sur l'extérieur ?

Au sein du groupe WPP, j'ai été à l'initiative de Stream, il y a 9 ans : cette "(un)conference for (un)conventional thinkers" a lieu désormais chaque année aux Etats-Unis, en Grèce, en Asie, en Afrique, en Inde et à Cannes. Nous y rassemblons un tiers de clients, un tiers de partenaires et un tiers de top managers du groupe, pour générer des idées, partager, s'inspirer et créer des connexions. Il y a aussi  le CES, le Mobile World Congress, SXSW, Cannes, DMexco et DLD en Allemagne,... tous très différents mais de plus en plus suivis par nos clients. Cette année au CES par exemple, vous aviez toute une nouvelle vague d'innovation : Intelligence Artificielle, Réalité Virtuelle, Internet des Objets, voitures connectées... autant de sujets qui sont très important pour le futur de Wunderman.

- L'essor des adblockers et la défiance croissante des internautes envers la publicité sont-ils des menaces pour le futur de votre métier ?

Les ad-blockers représentent surtout un défi pour les médias financés par la publicité. Notre travail est de bâtir des dispositifs de communication pour nos clients à travers des canaux qui, la plupart du temps, ne sont pas payants, donc je ne pense pas que ce soit un souci pour nous. Il n'y a pas non plus de blocage sur Google Search, sur Facebook ou sur les applications mobiles, qui représentent 87% du temps passé sur les smartphones. Mais c'est une incitation pour notre secteur à faire de meilleures publicités, en limitant leur poids, le nombre de tags par page et en améliorant l'expérience utilisateur. Jusqu'à présent, on n'a pas trouvé d'alternative à la publicité pour financer les médias, c'est le gage de leur indépendance.

- Quelle est votre réponse aux inquiétudes croissantes concernant le respect de la vie privée et la sécurité des données ?

Le groupe WPP a mis en place des directives très strictes sur l'utilisation et la protection des données. C'est particulièrement important pour nous, car nous sommes la seule agence créative dans le monde à gérer un petabyte de données, via notre DMP. Au sein du groupe WPP, nous appartenons à la Data Alliance de WPP, aux côtés de TNS, Kantar, Comscore et GroupM. Aux Etats-Unis, notre filiale i-Behavior agrège les données de nombreuses marques pour améliorer le ciblage des campagnes. Elle devrait prochainement arriver en Angleterre, et pourquoi pas en France. Mais je regrette qu'en Europe, le débat sur les données se confonde avec le sujet des failles de sécurité - quelque chose de totalement inacceptable - et avec la surveillance menée par les autorités américaines.

- Comment changer la perception des consommateurs vis-a-vis de votre métier ?

Nous avons le devoir d'être transparent avec le consommateur sur ce qu'on fait, en lui expliquant pourquoi nous collectons des informations, pour délivrer des messages plus pertinents. Nous devons donc expliquer avec des termes simples ce que nous faisons et nous y tenir. Observez la quantité de données que les gens partagent sur internet : c'est qu'ils ont confiance. De façon ironique, Google et Facebook sont ceux qui collectent le plus de données, mais aussi les plateformes où les gens passent le plus de temps : cela signifie donc bien que la façon dont ils utilisent ces données crée de la valeur, car il peuvent proposer des services gratuits de qualité en contrepartie. Aux Etats-Unis, il y a la conviction que l'innovation va apporter de meilleurs produits pour les consommateurs, alors qu'en Europe, on a plutôt l'impression que l'innovation va créer des dommages. Il suffit de regarder ce qu'il se passe en France avec les restrictions autour de d'Airbnb et Uber.

- En parlant d'innovation, avez-vous des acquisitions en vue pour renforcer votre expertise dans certains domaines ?

Nous aimerions améliorer notre offre dans l'analyse des données, dans le mobile et l'e-commerce : ce sont trois domaines où nous souhaitons investir. Par contre, nous ne souhaitons pas acheter d'autres agences : nous avons déjà un maillage géographique important, constitué par acquisitions notamment.

Propos recueillis par Benoit Zante

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