Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

La télé au temps de la soc box…

Qui ?
Laurent Guérin, spécialiste de la production transmédia.

Quoi ?
Une tribune d'anticipation sur la télé en 2017, s’inspirant d’événements récents comme la mise en ligne de CBS Connect, l’émission «What happens Live» de la chaîne Bravo, les contenus originaux de Youtube, l’appel à projets lancé par Amazon ou encore le «livetweet» d’une opération du cerveau...

Comment ?
C’est lors de la campagne Présidentielle 2012 que tout le déclic s’est produit. Devant mon téléviseur, assis sur mon canapé, tablette numérique sur les genoux, j’ai réalisé que j’écoutais la radio. A force de jongler entre Twitter et Facebook, de vérifier les chiffres égrainés par les candidats, de rire un coup avec les détournements d’images, d’interagir avec mes amis «livetweeters», je me suis rendu compte que j’étais incapable de dire qui de Chazal ou Ferrari portait du rouge, qui de Sarkozy ou de Hollande était assis à droite. L’image n’avait plus aucun intérêt. Je me suis endormi, et j’ai fait un rêve...

Nous étions tout d’un coup en 2017. La moitié de la population mondiale était équipée de smartbox du nom de Soc-Box TV, un produit fabuleux développé par une joint-venture entre Facebook, Twitter et Youtube, qui avait racheté Tivo en 2014. Il y en avait minimum 3 par famille. Connectables à des écrans plats (on vendait encore quelques TV «connectées»), elles avaient surtout la capacité de pouvoir projeter des images sur n’importe quelle surface et étaient dotées de mini hauts-parleurs de grande qualité.

En allumant la Soc-Box, je choisissais ou non d’activer mes profils sociaux (Facebook, Twitter, Linkedin, Youtube, etc...) afin de pouvoir interagir et publier très facilement grâce à la  TeleScreen Mouse fournie avec la Soc-Box (un mélange entre souris, télécommande, tablette et trackpad).

Personnellement, j’étais fan de la chaîne «séries» de Youtube. Enfin, celle qui était gratuite. J’hésitais encore à prendre un abonnement à l’offre payante.

Je pouvais aussi choisir ou non d’activer les interactions.

Par exemple, en regardant «Mother Ex», une série lancée par Amazon Studios en 2013, j’approuvais -ou non- les actions des personnages au fil de l’épisode. Cela n’avait pas d’influence sur le scénario mais sur les «live opinion viewers» avec qui je regardais cette série. Après plus de 250 choix (12 en moyenne par épisode), je pouvais regarder le «Season’s Finale» avec les 20 personnes dans le monde qui avaient fait exactement les mêmes choix que moi. Des vrais amis de série...

Un autre truc hallucinant, c’était la fonctionnalité «virtual public». Ainsi, lors de la diffusion du «Grand Journal v2», co-diffusé par Canal Plus et Dailymotion et animé par Norman fait des vidéos, le public était constitué à partir de nos avatars Facebook. Chacun postait une photo 3D de son visage sur sa page Facebook et l’appli LGJv2 intégrait nos visages sur des «new figures», c’est-à-dire des mannequins animés dans le public. Mieux, le micro intégré de la Soc-Box repérait nos applaudissements et nos rires et notre new figure s’animait en fonction. Les places dans le virtual public étaient limitées à 500 chaque jour, et on se battait pour en être...

Après un premier débat politique sur les chaînes traditionnelles, c’est Dailymotion qui organisait le débat d’entre deux tours entre François Hollande, le Président sortant, et Jean-François Coppé, le candidat de l’UMP.

En plus de pouvoir rejoindre des panels online et de pouvoir interagir avec les autres spectateurs, l’audience connectée participait directement au débat : les équipes de «social debate managers and journalists» synthétisaient remarques et questions et intervenaient toutes les 10 minutes en interpellant les candidats sur le plateau.

Une jeune start-up française avait développé la «courbe d'intérêt». En analysant les publications en temps réel sur les réseaux sociaux, les audiences et les taux de zapping, elle avait développé un algorithme qui permettait de dessiner une courbe d'intérêt à T+15 secondes. Concrètement, chaque programme (film, événement sportif, série, débat politique, magazine, etc...) pouvait désormais bénéficier d'une courbe retraçant les moments forts et les moments ennuyeux du programme. Les émissions en direct adoraient cette courbe d'intérêt et les animateurs menaient leurs barques en conséquence, changeant de sujet lorsque les «visionneurs» s'ennuyaient (on n'employait plus le mot téléspectateurs).

Bien sûr, de nombreuses interactions s'étaient démocratisées. Les sondages, questions, chats et autres concours en «twirect» (en direct via twitter) étaient présents sur toutes les chaînes, via twitter ou via des applications dédiées.

Tous les groupes médias avaient développé des applications «companion screen» qui ressemblaient parfois à des cockpits de pilotage où les visionneurs pouvaient suivre une timeline, envoyer leurs tweets, poster des statuts sur l'ensemble des réseaux sociaux, joindre le plateau de l'émission pour témoigner via skype, jouer en direct ou tout simplement tourner la «molette d'intérêt» pour donner leur feedback en temps réel.

Animateurs et comédiens participaient à l’ensemble de la vie connectée des programmes. Nikos avait jadis ouvert la voie en live-twittant des photos prises pendant les émissions en direct de «The Voice» et voilà que même Michel Drucker s’y était mis (à 75 ans, le gars avait du mérite). Les comédiens adoraient livetwitter leurs séries et leurs films, se constituant des «fan bases» de plusieurs millions de followers et surtout, se rendant ainsi accessibles à tous, plus humains, plus sociaux, plus connectés, un peu moins star inabordable.

S’inspirant d’une histoire vraie (en 2012, l’hôpital Memorial Hermann de Houston avait livetweeté une opération du cerveau), une nouvelle série française se passant dans le domaine médical tentait un pari osé : les épisodes étaient en direct ! Les personnages de la série se trouvaient alors en interaction immédiate avec les visionneurs via leurs profils sur les réseaux sociaux, se permettant ainsi une certaine d’ose d’improvisation dans chacun des épisodes...

Cela racontait l’histoire d’un hôpital psychiatrique qui accueillait des personnes dépendantes du web et des réseaux sociaux... et je me suis soudainement demandé si je n’allais pas devoir me faire internet... pardon, interner...

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