Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

G. Miller : « Ne laissons pas Facebook et Google détenir tout le savoir psychologique de l’humanité »

Qui ?
Geoffrey Miller, professeur de psychologie à Albuquerque, Nouveau Mexique.

Quoi ?
"The smartphone psychology manifesto", qui explore les pistes de l’apport du smartphone à la science psychologique, et regrette que Facebook et Google soient seuls à pouvoir les exploiter, à cause du protocole de recherche en cours aux USA et en Europe.

Comment ?

Nous avons traduit le passage où le professeur de psychologie s'en prend aux deux géants de la Silicon Valley, qui vont bientôt ridiculiser les professeurs en psychologie comme lui :

"La recherche en psychologique aidée par le smartphone soulève de nombreuses questions déontologiques autour du respect de la vie privée et du consentement de l'utilisateur. Les problèmes sont si sérieux qu’il faudrait réactualiser les comités d'éthique, ou sinon la règle actuelle empêchera les expérimentations dans les pays qui y obéissent. Un scénario catastrophe serait que les USA et l’Europe ne puissent pas conduire des études à large échelle, laissant l’Inde ou la Chine faire des recherches qui domineront la science psychologique du XXIème siècle et qui concerneront de toute façon des participants européens et américains.

Pendant ce temps, les génies informatiques Google et Facebook travaillent leur "data mining wizardry" sur les données de milliards de personnes, qui ne donnent pas de consentement informé et ne sont pas protégés par les comités d'éthiques scientifiques. En 2025, si la réglementation sur la protection humaine ne change pas, pour la science et pour l’industrie, ces sociétés sauront beaucoup plus de choses sur le comportement humain que les département universitaires de psychologie.  Mais leurs études seront protégées par le secret industriel et leurs directeurs de recherche se moqueront des pauvres vieux universitaires que nous serons.

Quels sont ces problèmes des règles d'éthiques auxquels sont soumis les scientifiques ?

1. Le consentement informé et pleinement conscient est difficile à obtenir pour les études avec smartphone : la plupart des utilisateurs de smartphone ne lisent pas les notices avant de cliquer sur « j’accepte » pour télécharger . Et ils ne se soucient pas de l’énorme quantité de données que Facebook, Amazon ou  Netflix accumulent régulièrement. Par exemple, il y eut une brève protestation après que les iPhones et les Android ont transmis les données de localisation à Apple et Google.

2. L’anonymat va devenir impossible. Bien que la plupart des participants ne veuillent pas que les chercheurs enregistrent les contenus de leurs appels vocaux, leurs SMS et leurs e mail, ils sont bizarrement confiants avec les log in et le GPS. Ces données permettent probablement de connaître l’identité du participant, son sexe, son statut marital, social, son adresse physique sa santé, sa vie sexuelle, sa religion même s’il ne les a pas  donnés lui même. Les chercheurs ne peuvent donc pas promettre l’anonymat. Les applis psychologiques peuvent aussi menacer la vie privée de tierce partis, si leurs messages aux participants à l’étude sont analysés ou si les participants doivent faire beaucoup de photos et de vidéos en public.

3.  Même avec des datas encryptées et une analyse préservant la vie privée, la confidentitalité du participant sera  vulnérable vis à vis des autorités. Les gouvernements totalitaires, fondamentalistes, ou les paniques liées au terrorisme pourront utiliser le smartphone pour chasser les dissidents ou les pacifistes. Si la police arrête quelqu’un, pour une quelconque raison et découvrent le suspect a une appli psychologique sur son portable, une cours pourrait réquisitionner le GPS. Cependant, le National Institutes of Health Certificates of Confidentiality peut protéger les chercheurs et leurs cobayes de telles révélations. Pour aller plus loin, la façon la plus puissante de protéger la confidentialité des datas, en l’encryptant pourrait devenir vulnérable avec le quantum computing. Les obsédés de la cryptographie de la National Security Agency pourront craquer le code longtemps avant que les psychologues n'en aient conscience. Le dilemme moral est donc très important. Les applis psychologique pourraient permettre aux utilisateurs de changer facilement leur DMS, y compris rétroactivement. Par exemple, des données enregistrées dans des circonstances privées embarrassantes ou lors de discours politiques mal vus.

4.  La validation est difficile avec des études globales, au travers du monde. Imaginez une équipe de 20 chercheurs de 10 universités, dans 5 pays, qui imaginent une étude avec smartphone, collectant des données de manière globale. Par commodité, ils stockent les données sur le cloud, pour que ces données puissent être dispatchées sur des centaines de serveurs de différents pays. La protection des données par un mot de passe est impossible. La réglementation américaine, à propos des études multi-sites est ambiguë : est-ce que les 10 universités doivent approuver l’étude, ou une seule, ou aucune ?  Autre problème : les enfants, les prisonniers, les personnes handicapées mentales, les personnes de tribus indigènes et d’autres groupes vulnérables adoptent le smartphone. Ils pourraient participer à des études qui n’ont pas été conçues pour protéger leurs intérêts. Jusqu’à ce qu’un comité d'éthique global  change les règles et les procédures, les chercheurs pourraient protéger leurs données au travers de réglementations à haute sécurité comme l’ European Union’s Data Protection Directive (95/46/EC) , mais ces règles sont trop abstraites pour servir de best practice. Très vite, les chercheurs auront besoin de guidelines pour remplacer notamment  45 CFR 46, qui a été écrite en 1991  quand les téléphones mobiles avaient la taille d’une brique et étaient utilisés par une infime minorité de la population. Idéalement, les nouvelles règles devraient s’appliquer de manière équitable aux entreprises et aux académiques, laissant Facebook au même niveau que Harvard.

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