Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

F. Peyrol, Publicis Modem : en se coupant de la techno, les agences se mettent en danger

Qui ?
Frédéric Peyrol, nouveau directeur de la production de Publicis Modem, après un début de carrière chez Fullsix.

Quoi ?
Une interview au sujet des enjeux technologiques pour les agences et les annonceurs.

Comment ?

- Avec la montée en puissance du digital, vos clients ont-ils gagné en maturité sur les sujets technos ?

Oui, effectivement, beaucoup d'annonceurs se sont rendu compte qu'ils avaient besoin d'internaliser la compétence technique, avec des postes de "creative technologists" ou autour de la Big Data. Ils ont besoin d'aller vite, sans passer par trois agences, celle de la DSI, du CRM et de la pub. AKQA et Nike ont pu imaginer Fuelband car Nike a intégré en interne des gens de l'agence, pour fureter à droite et à gauche et produire de nouvelles idées. En France,  il y a une réticence à la dépendance et un vrai protectionnisme sur les données. Il est encore difficile de trouver un annonceur qui veuille bien jouer ce jeu-là, se mettre à nu au niveau techno et mettre des moyens pour aller plus vite.

- Du coté des agences, les métiers de la production digitale ont-il beaucoup évolué ?

Dans les années 2003-2006, la plupart des agences avaient leurs propres outils, pour garder leurs clients captifs. Aujourd'hui, les clients demandent des garanties de portabilité. Les technologies "agiles", comme le PHP sont capables de gérer de gros projets, parce que la communauté a réussi à se fédérer autour de frameworks de développement. Aujourd'hui, il est impossible d'être une agence multi-experte, maîtrisant toutes les technologies, mais il faut être pertinent sur tout, avec des spécialisations sur certains frameworks et CMS, comme Drupal et Symfony pour Publicis Modem.

- Comment gérez-vous la pression à la baisse sur les prix ?

Difficile aujourd'hui de dire qu'un site coûte entre 10 000 ou un million d'euros quand 1&1 dit dans sa pub TV qu'on peut faire un site en une heure. Nous devons recréer de la valeur et cela passe par de la pédagogie. Il faut expliquer par exemple que WordPress, bien évidemment est gratuit, mais que tout le temps passé pour l'adapter a un coût. C'est de l'open source, donc ça peut signifier aussi que les budgets de maintenance seront plus élevés. Les clients y sont sensibles quand on leur explique.

- Au sein de votre agence, comment arbitrez-vous entre internalisation et externalisation de la production ?

La compétence technique est en train de partir de beaucoup d'agences, j'y vois un vrai facteur de risque. Publicis Modem a adopté un modèle de production hybride : nous avons un socle de développeurs en interne sur les technos que l'on maîtrise et avons recours à des renforts externes en cas de besoin. La règle, c'est de ne pas être dépendant de la maîtrise technique d'un partenaire, mis à part sur des points très particuliers d'innovation. Tout ce qui relève de la conception doit venir de chez nous. On ne peut pas donner un projet à un partenaire et revenir à la fin du mois récupérer le produit fini. Ça ne marche pas. Le vrai point, c'est le dialogue : si j'ai un chef de projet technique en inshore ou offshore et qu'il n'est pas disponible, l'agence est beaucoup moins réactive. Nous sommes dans un métier qui peut être obscur pour nos clients. Les agences ont une vraie vocation de traduction : il faut absolument que l'on ait quelqu'un en interne pour cela, sinon on se coupe un bras.

- En termes de recrutement, quels sont les profils que vous recherchez ?

Aujourd'hui,  la trop forte séparation entre le métier de chef de projet et la techno est inquiétante. Difficile de trouver des profils polyvalents. Quand j'ai commencé le métier en 2003, le web était simple, avec des chefs de projet capables d'aller dans le code. Désormais, il est impossible d'avoir quelqu'un qui maîtrise tous les canaux. Les meilleurs chargés de production ne sont pas forcement des gens qui viennent de la technique. Ce sont des gens qui aiment le management, qui savent mettre les talents et les expertises en relation les uns avec les autres. Les bons chefs de projets techniques parlent très peu technique avec leurs clients et beaucoup technique avec leurs développeurs.

- Etes-vous en contact avec vos homologues au sein du groupe Publicis ? Des synergies sont-elles à prévoir sur la production ?

Oui, il y a des liens. Les directeurs techniques du groupe se voient de temps en temps pour échanger, s'assurer que nos positions sont bien complémentaires et voir comment on fait face à nos problèmes. L'un de nos sujets, c'est la hausse brutale des salaires sur certains types de développeurs. Sur le Javascript par exemple en ce moment. C'est quelque chose qui évolue très vite : il y a deux ans, les spécialistes de l'accessibilité (handicap, multi-écran,...) étaient en position de force. Et demain, on ne sait pas encore, il est important d'en discuter entre nous.

- Qu'en est-il du mobile ?

On note de moins en moins de demandes pour des applications et de plus en plus de demandes pour des supports responsive. Pour un site de marque, on prône le responsive jusqu'à la tablette, dont les conditions d'usage sont proches de ceux du desktop. Ensuite il faut un site mobile, qui doit être très simple. Si on fait en sorte que l'internaute ne visite qu'une ou deux pages et qu'il a trouvé l'information qu'il cherchait, on a réussi notre pari. Il faut donner accès directement aux infos recherchées en mobilité : store locator, liens vers les applications, numéro de téléphone...

- Comment définissez vous Publicis Modem aujourd'hui ? Agence de com digitale ? Agence techno ?

Notre métier est un mix entre communication et technologie. Publicis Modem est de plus en plus interrogée dans des appels d'offre avec une part de production technique importante, pour de gros projets d'infrastructure - à l'image de la plateforme CRM et e-commerce de Cartier, remportée en 2011. Modem se retrouve ainsi  aux cotés d'agences comme Fullsix, Nurun ou Digitas. En parallèle, les pôles Social Media, E-RP et Acquisition se sont aussi beaucoup développés.

Propos recueillis par Benoit Zante

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