Qui ?
Christophe Camborde, Pdg d'Ezakus.
Quoi ?
Une interview à l'occasion de la levée de fonds de 2.5 millions d'euros menée par cette société de datamining.
Comment ?
- Pourquoi cette levée de fonds* ?
Parce que ce que l'on fait coûte cher. Nous investissons dans notre technologie : à hauteur de 3M€ dans les deux années qui viennent. Ensuite nous devons développer plusieurs marchés pour rentabiliser notre technologie. Nous avons naturellement choisi l'Angleterre et les USA dans un premier temps. Ce développement international également coûte cher.
- La privacy, une prise de tête ?
Le problème avec la vie privée est avant tout lié au fait que les gens n'y comprennent rien. Je ne parle pas des spécialistes, mais des gens qui sont justement propriétaires de leur vie privée. Il est urgent d'éduquer les utilisateurs sur le sujet. On a vu, dans le cas du respect de la propriété intellectuelle, que la réponse ne peut pas être exclusivement répressive. L'ecosystème doit trouver le bon chemin. Je préfère que ce chemin soit orienté par les consommateurs que par une restriction juridique inapplicable et surtout contournée avant même d'être mise en place. Ou pire, qu'elle se fasse uniquement au profit d'un acteur industriel dominant. Regardez la musique : Deezer a transformé des millions de pirates en abonnés payants. La récente illustration de mon propos est l'ICO en Angleterre qui a imposé une sorte "d'opt-in cookie" qui devait avoir force de loi. Or les Anglais ont rapidement fait machine arrière pour finalement imposer moins de contraintes qu'avant. La CNIL va se positionner dans un futur proche, voyons ce qu'ils proposent.
- Avec "onlyto.me", vous rendez à César ce qui est à César ?
Onlyto.me est pensé sur un mode open source : la donnée appartient au lecteur, qui est seul propriétaire de ses data. Surtout Onlyto.me permet aux internautes de configurer leur vie privée avec un outil très simple d'utilisation. Le système est anonyme, la base de données appartient aux gens. Ezakus fournit la technologie de DMP aux sites qui contribuent ainsi à collecter les data. Ce faisant, ils s'engagent à respecter les orientations des profils dans leurs publicités. Ils peuvent utiliser librement l'ensemble de la base et faire de la publicité "propre". Nous mettons en place une réponse alternative qui sera pérenne car elle résoudra à la fois le problème du consommateur et de l'industrie. Il faut sauver l'Internet gratuit que l'on connaît aujourd'hui et qui vit de la publicité, ce qui suppose de placer la privacy et la monétisation à des niveaux acceptables et compréhensibles. Les Adblockers par exemple sont du vol de mon point de vue, je me demande pourquoi ils ne sont pas interdits.
- Comment ce système qui inclue le consommateur transforme-t-il la publicité ciblée ?
Nous pensons que les systèmes actuels vont décliner parce qu’ils sont intégralement passifs (y compris le retargeting), c'est-à-dire que la data est récoltée dans un contexte que l'on espère légal mais où l'utilisateur n'est pas conscient de ce qui se passe. En clair, la publicité personnalisée telle que nous la pratiquons aujourd'hui relie une action du navigateur à une publicité via un algorithme. Facebook a compris ce paradigme : les gens déclarent leur vie privée et Facebook crée des services en rapport avec ces données qui permettent d'envoyer aux utilisateurs des publicités ciblées. Avec Onlyto.me, le lecteur décide de sa personnalisation. Il sait que ses données servent à cela. La data n'est plus récoltée dans un contexte masqué et passif, mais bien de manière consciente et déclarative.
- Que pensez vous de la déclaration de Google le jour de l'annonce de l'entrée en Bourse de Criteo ?
Chaque IPO de société technologique entraîne des réponses de la part de l'écosystème qui se traduisent sous forme d'annonces - telles que celle récente de Google. Personne n'est dupe, j'espère. Moi je trouve choquant que Google privatise son navigateur Internet. Parce qu'exclure les systèmes d'identification anonymes comme les cookies tiers et ouvrir un système dont rien ne garantit que l'accès sera libre à tous, c'est ce que j'appelle privatiser le navigateur. Que les OS (iOS ou Android par exemple) ou les services loggés comme les outils sociaux jouent ce rôle me semble plus naturel.
*Après avoir financé le démarrage d’Ezakus à hauteur de 2,2M€ en juin 2011, contribuant ainsi au développement de sa Data Management Platform et son réseau de ciblage Ezakus.net, Idinvest Partners alimente une nouvelle levée de fonds de 2,5M€.
