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Bruno Bonnell : « les objets connectés sont le cheval de Troie de la robotique »

Qui ?
Bruno Bonnel, co-fondateur d'Infogrames et Infonie, désormais à la tête du fonds d'investissement Robolution Capital et de Robopolis.

Quoi ?
Une interview, en partenariat avec la Fédération Française des Télécoms, sur le potentiel des robots dans notre société et le rôle des opérateurs et des entreprises dans ce domaine.

Combien ?
- 80 millions d'euros rassemblés par le fonds Robolution Capital, auprès d'investisseurs publics et privés, comme l'assureur AG2R La Mondiale (premier contributeur privé), Orange, EDF, Thales, Bpifrance, et le Fonds européen d'investissement.

Comment ?

- Comment en vient-on à s’intéresser aux robots, après avoir investi dans les jeux vidéo et l’accès à internet ?

En fait, je n’ai jamais changé de métier. Dans le années 80, le numérique, c’était les ordinateurs. Puis dans les années 90, l’accès à internet. Dans les années 2000, le portable. Dans les années 2010, le smartphone. En 2020, ce sera la « Robolution ». Le numérique n’est plus virtuel, il se concrétise dans tous les objets, qui deviennent connectés.

- Qu’appelez-vous « robots » ? En quoi sont-ils différents des objets connectés ?

Il y a trois composantes dans la robotique : des capteurs pour comprendre l'environnement, des processeurs pour analyser et prendre des décisions et des « actionneurs » pour agir. Les objets connectés ne sont que les proto-robots, ils ne comportent que deux composants sur trois et n'agissent pas encore sur le monde réel. Ce sont les chevaux de Troie de la robotique personnelle : on s'habitue de plus en plus à ces super-pouvoirs. Les robots sont déjà dans notre quotidien. Quand vous prenez la ligne 14 à Paris, c'est déjà un robot. Quand vous avez un aspirateur robot chez vous, il a beau avoir l'intelligence d'une courgette, il a bien ces trois dimensions. Dans la chirurgie aussi, les robots sont de plus en plus utilisés. Il n'y aura pas de grand soir de la robotique, mais plutôt une mutation progressive du monde.

- Mais n’est-ce pas encore trop tôt ? Les robots restent encore pour le grand public de l’ordre de la science-fiction…

Les technologies sont aujourd’hui en train de se croiser. La micro-électronique, l’optimisation du stockage de l’énergie, les progrès sur les matériaux et les capteurs ou le déploiement des réseaux permettent cette mutation. Mais par-dessus tout, on observe une acceptation de plus en plus forte des robots par la société.

- Quel est le rôle des réseaux et des opérateurs télécoms dans ce nouvel écosystème ?

Pas un seul robot ne pourra fonctionner sans le cloud : tout robot sera connecté, parce que sa base de données sera dans les nuages. A elle seule, la télé-présence justifie tous les investissements dans la 4G. Et quand demain je voudrais avoir des applications plus élaborées, il faudra passer à la 5G. L’investissement dans les infrastructures de réseaux est donc fondamental pour le succès de la filière, au même titre que la formation et le design.

- Comment se positionne la France dans ce domaine ?

Avec ses formations d'ingénieurs polytechniciens, la France est en très bonne position pour la robotique, qui est une science d'assemblage : un bon roboticien est avant tout un bon assembleur technologique et un bon designer. Mais nous sommes plutôt en retard dans l'implantation des robots dans l'industrie. C'est finalement une bonne nouvelle. Comme on n’a pas les robots des années 80, on peut investir directement dans les robots des années 2010. Le gouvernement a pris une décision très importante avec l’affirmation de la robotique comme axe de croissance et avec la création d’un plan industriel, France Robots Initiative. La seconde étape, c’est maintenant, avec un geste économique et le lancement du fonds Robolution Capital, à 50% privé et 50% public. Une trentaine d’entreprises, comme Orange, EDF, Thalès ou AG2R y ont investi. Au total, nous avons réuni 80 millions d’euros, pour investir dans des entreprises à tous les stades de leur développement.

- Quels sont vos critères de sélection ?

Pour l’amorçage, ce ne sont ni la personne ni le business plan, qui eux sont des facteurs de valorisation, pas d’intérêt. Le critère essentiel, c’est la haute technologie. Nous n’avons pas envie d’investir dans une version 2.1 de quelque chose que l’on connait déjà. Si on veut faire émerger un Google européen de la robotique, il faut commencer par une rupture technologique. En trois semaines, nous avons reçu près de 80 dossiers, dans de nombreuses thématiques : le cloud robotique, les logiciels, la sécurisation réseau,... Nous regardons sérieusement une dizaine de dossiers, pour de premiers investissements d’ici l’été.

Propos recueillis par Benoit Zante

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