Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Affaire AppGratis : ce qui n’a pas été dit

Qui ?
Simon Dawlat, fondateur d'AppGratis. Et Fleur Pellerin, venue prendre la défense de l'entreprise et de sa quarantaine de salariés, menacés après l'exclusion de l'application de l'Appstore par le grand méchant Apple.

Quoi ?
Les véritables enjeux d'un drame qu'AppGratis aurait pu anticiper, les leçons à en tirer pour toutes les entreprises et les opportunités qui restent ouvertes.

Comment ?

La success story d'AppGratis est aujourd'hui largement connue : parti d'un simple blog, Simon Dawlat a monté en quatre ans le leader mondial de l'"App Discovery", capable de propulser instantanément une application dans le top 5 des appstores d'une trentaine de pays. "Simon d'AppGratuites" (son surnom des débuts) a compris avant tout le monde que sur le mobile, la pub devait être du contenu et des services, plutôt que des bannières. Consécration : en janvier 2013, Publicis et Orange ont participé via leur fonds commun géré par Iris Capital au tour de table de 10 millions d'euros, pour accompagner l'extension internationale d'Appgratis. Mais cette belle histoire a connu un brutal coup d'arrêt le 5 avril 2013, comme le raconte Simon sur son blog. D'un coup, sans avertissement (ce que conteste Apple dans un email à Reuters), AppGratis a été exclue de l'Appstore. Raison invoquée : la violation de plusieurs termes de services d'iTunes.

Neutralité du net ?

Jeudi 11 avril, Simon et son équipe bénéficient d'un soutien inattendu, avec la visite de Fleur Pellerin dans leurs locaux. Celle-ci en profite pour rattacher cette affaire au débat actuel qu'elle mène sur la neutralité du web et appelle Apple "à renouer  le dialogue." Si le lien avec la neutralité du net est discutable (lire l'article de Damien Douani) et l'intérêt de l'intervention de Fleur Pellerin limité (lire l'article de Liam Boogar sur RudeBaguette), ce soutien politique se justifie d'une certaine manière : en dépit de son envergure internationale, AppGratis a fait le choix de rester en France, comme nous l'expliquait Simon en janvier dernier. C'est aussi l'une des trop rares pépites hexagonales du mobile.

Vampire 2.0 ?

Pourtant, le modèle AppGratis pose question. Et si Apple avait eu raison d'évincer cette application de son appstore ? Dans le milieu des développeurs d'application, Simon a un surnom : "le Vampire 2.0". En cause : des tarifs jugés abusifs et la mise en avant d'applications parfois de mauvaise qualité.  "AppGratis parasite l'écosystème avec un service extrêmement coûteux qui propulse des applications en haut des classement contre rémunération (15 000€ environ) et ne favorise pas l'émergence des petites applications de qualité" nous explique France Quiqueré, qui dirige Int13, un studio de développement d'applications. Autre point : le manque de transparence, "envers les développeurs qui découvrent les prix à la tête du client par téléphone et envers les utilisateurs, car AppGratis se moque des règles de déontologie imposées par Apple. Il n'y a pas de séparation entre contenu éditorial et publicité et trop peu de gens savent que la plupart des mises en avant sont des équivalents d'articles sponsorisés."

Black hat ?

Est-ce à dire qu'AppGratis est une application "black hat", comme certains développeurs l'en ont accusé ? Non, sûrement pas. Là où les référenceurs "black hat" utilisent des techniques généralement invisibles pour les internautes et trompent les robots, AppGratis repose sur une série consentie de choix de la part des internautes : téléchargement de l'application AppGratis, ouverture régulière, téléchargement des applications promues. AppGratis vient combler une faille de l'Appstore, celle de la découverte et de la promotion d'applications, là où Google propose avec Adwords un service efficace de promotion de liens, prenant en compte la qualité des annonces.

Les ambiguïtés d'Apple

Pour Apple, l'éviction d'AppGratis pourrait donc avoir deux motivations. La première, commerciale, marquerait la volonté de se réapproprier ce business florissant de l'App Discovery (AppGratis annonçait 1 million de CA mensuel, sur lequel Apple ne touche rien). La seconde, plus désintéressée, s'expliquerait par la volonté d'avoir le classement le plus "pur" possible sur l'iTunes, de créer une aristocratie d'applications (une thèse soutenue par Dan Porter, le créateur de l'application OMGPOP). Se pose alors la question du classement de l'Appstore : Apple ne ferait-il pas mieux fait d'adopter la méthode Google, en modifiant et optimisant ses algorithmes de classement pour valoriser la qualité et pénaliser les méthodes qui s'apparentent à de l'achat de downloads ? Le nombre de téléchargements apparaît aujourd'hui comme un indicateur bien réducteur: faut-il s'attendre à des évolutions dans ce domaine avec iOS 7, prévu pour l'automne prochain ?

Le syndrome Le Meur

L'affaire AppGratis devrait surtout servir de leçon à tous les entrepreneurs et aux investisseurs qui les accompagnent. AppGratis vient d'être touché par le syndrome Le Meur : celui-ci expliquait dans le Petit Show ses rapports conflictuels avec Twitter, pendant la période Seesmic, et sa conclusion : "si tu construis sur le jardin de quelqu'un d'autre, il ne faut pas être surpris que le jardin change du jour au lendemain et que tu aies tout perdu."

Opportunités ?

Mais aujourd'hui, Appgratis n'a pas tout perdu. "Il y a des façons de promouvoir de façon payante sans violer les guidelines. Simon aurait pu faire une régie publicitaire" fait remarquer France Quiqueré. iMediaApp, la société mère d'AppGratis, a encore de nombreux atouts, parmi lesquels une base d'utilisateurs fidèles pour partie joignables par email (plus de 400 000 d'entre eux ont d'ores et déjà signé la pétition de soutien), une présence forte sur Android, un site comme ApplicationIphone (en sommeil depuis février dernier), une expertise éditoriale sur le mobile ou encore une connaissance inégalée du marché et de ses acteurs, sans compter la levée de fonds encore récente qui lui donne les moyens de pivoter. Cette épreuve est avant tout une opportunité de construire un nouveau modèle, plus pérenne, transparent, respectueux de l'écosystème et, surtout, au sein d'un environnement propriétaire.

Benoit Zante

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