Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Viadeo vs. Linkedin, ou pourquoi l’un a réussi et pas l’autre

Qui ?
Konstantin Guericke, l'un des 5 co-fondateurs de Linkedin, qui a quitté l'entreprise en 2006 - tout en en restant actionnaire jusqu'au rachat par Microsoft.

Quoi ?
A l'heure où le français Viadeo met la clef sous la porte, les retours d'expérience d'un des pionniers des réseaux sociaux professionnels, lors de Slush 2016.

Comment ?

Konstantin Guericke était aux premières loges de la naissance de Linkedin, en 2002 : il faisait partie des 5 co-fondateurs à l'origine du leader des réseaux sociaux professionnels, qui vient d'être racheté par Microsoft pour 26,2 milliards de dollars. Sur la grande scène - littéralement en feu - de Slush, il est interrogé sur les raisons de son succès face à tous ses concurrents, de Friendster à Branchout en passant par Xing ou Plaxo. Mais à aucun moment, cruellement, le nom de Viadeo n'est évoqué... "L'effet de réseau, c'est génial quand vous êtes le leader : même s'il y a des nouveaux entrants qui arrivent avec un meilleur produit, les utilisateurs ne vont pas avoir très envie de changer de service."

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A son lancement, pourtant, Linkedin était dans la situation de ses concurrents actuels, celle du challenger : "les premières années ont été assez précaires. Nous n'étions pas les premiers, il y avait déjà Spoke, par exemple. A l'époque, on nous voyait surtout comme un me-too de Friendster, qui était énorme : lorsque le fonds Sequoia est entré au capital de Linkedin, on avait 40 000 membres, Friendster, 4 millions..."

Pour éviter à tout prix de ressembler à ce concurrent désormais oublié, les créateurs de Linkedin ont décidé de se passer... des photos de profil. "Pendant deux ans, les gens ne pouvaient pas poster de photos. Les blogueurs disaient qu'on était stupide, que c'était justement cette fonctionnalité qui faisait le succès de Friendster... Mais comme nous n'avions pas ces photos, les utilisateurs nous percevaient comme différents. Finalement, ce n'est pas très important d'être le premier."

Très tôt aussi, les fondateurs de Linkedin ont aussi fait un choix stratégique : celui de ne pas mettre la publicité au cœur de leur modèle, mais plutôt de privilégier le freemium, avec un système d'abonnement. "Personnellement, je préfère créer un produit pour lequel les utilisateurs sont prêts à payer" justifie l'ancien VP Marketing. Un choix qui a été pérennisé : en 2015, moins de 20% des revenus de Linkedin provenait de la publicité.

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Dans les premières années, Konstantin Guericke reconnait que la priorité n'était pas d'améliorer le produit ou d'ajouter des fonctionnalités supplémentaires : les équipes se concentraient avant tout sur la croissance de la base d'utilisateurs, l'engagement et la génération de revenus. "On savait comment Friendster avait grossi, on avait donc une sorte de timeline... mais nous avons mis beaucoup plus de temps pour croître." Une des raisons : mettre en ligne un CV est loin d'être facile ou enthousiasmant. Surtout, l'intérêt de Linkedin n'est pas immédiat : il faut attendre parfois des années avant d'être contacté par un recruteur.

Alors, qu'est-ce qui a fait le succès de Linkedin ? "J'aurais du mal à vous dire pourquoi Linkedin a réussi. Mais je peux vous dire pour quelle raison chacun de ses concurrents a échoué. Linkedin a pris des risques, mais a réussi à éviter les échecs majeurs" explique Konstantin Guericke. Zero Degrees [racheté en 2004 par la maison-mère de Tinder et fermé depuis], par exemple, avait "un meilleur produit et une meilleure croissance au début. Mais ils sont devenus 'spammy' et agressifs. Ils ont franchi la ligne jaune et les gens sont partis." BranchOut, qui s'était bâti au sein de Facebook a été tué par le réseau social.

Quant à l'Allemand Xing, "il aurait pu devenir Linkedin s'il avait adopté une stratégie différente. Son erreur a été de se concentrer sur le marché Allemand avec une recherche de rentabilité à court terme. Quand Xing a eu la capacité d'aller sur d'autres marchés, Linkedin était déjà là, avec son service gratuit. Ils n'ont pas été assez agressifs." Une analyse qui vaut aussi pour celui qu'on nommait même plus.

Est-ce à dire qu'il est impossible pour un Européen de lancer un réseau social mondial ? "On peut commencer une entreprise ici, mais cela ne signifie pas que vous devez tout avoir en Europe : si vous ne trouvez pas suffisamment de fonds, allez les chercher en Asie ou dans la Silicon Valley. C'est la même logique pour les talents : on en manque dans la Silicon Valley et il y a de très bons développeurs en Europe, alors que pour les ventes et le marketing, il vaut peut-être mieux aller en Amérique. Allez là où vous pensez que votre marché se trouve. Lancer sa boite en Europe ne signifie pas nécessairement que votre marché est européen."

Benoit Zante

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