Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Quand même la métallurgie forge sa transformation digitale…

Qui ?
Frédéric Guinot, PDG du groupe Farinia.

Quoi ?
Une rencontre atypique, à la découverte de cette ETI de la métallurgie qui a amorcé sa mue numérique, entre impression 3D, réalité augmentée et volonté d'investir dans des start-up.

Combien ?
- 234,4 M€ de CA sur l'année comptable 2014-2015.
- 1 190 employés dans trois pôles : la forge, la fonderie, l'usinage.
- 800 clients, dans l'automobile, l'aéronautique, l'énergie ou la construction navale.
- 8e forgeron européen.

Comment ?

"Nous sommes convaincus qu'il y aura une énorme part de digital dans notre modèle dans le futur. Comme tout le monde, nous nous demandons ce qui va impacter notre activité, pour nous y préparer" explique Frédéric Guinot. La métallurgie serait-elle en voie d'"uberisation" ? Pas vraiment : pour Farinia, la digitalisation est davantage une opportunité qu'une menace. "Nous sommes admiratifs des modèles de croissance du numérique : Blablacar, Uber, etc. On se demande quel serait l'équivalent dans notre domaine. Dans le monde physique, au contraire, c'est très long : il faut acheter des machines, des usines, tout cela prend du temps..."

Le groupe se compose de onze sociétés de productions, dont 9 forges françaises achetées ces dernières années après leurs dépôts de bilan. A cela s'ajoutent des sociétés de service, pour l'informatique et les achats en communs, ainsi que des antennes internationales. Le groupe ne compte pas s'arrêter là : "aujourd'hui, nous cherchons des acquisitions, dans le monde physique et le digital" précise son président. Pour cela, Farinia dispose de 50 millions d'euros de trésorerie et de l'appui de la BPI, actionnaire depuis mars 2009.

L'un des chantiers principaux du groupe est la modernisation des usines et des procédés. En 2010, Farinia a pris une participation dans une entreprise spécialisée en robotique, y investissant 1,5 millions d'euros sur 5 ans. Depuis, le nombre de robots dans ses ateliers est passé de 1 à 40. "A chaque fois que l'on renouvelle nos équipements, on intègre des capteurs et des capacités de communication. Les machines de forge que nous sommes en train d'acheter se pilotent à partir de tablettes, à distance. Bref, nous sommes en train de développer l'entreprise du futur" estime Frédéric Guinot, qui entend bien apporter une réponse française au plan allemand "Entreprise 4.0", "une opération avant tout marketing" selon lui.

Le groupe est aussi un pionnier de la "technologie additive", l'impression 3D appliquée à l'industrie, avec une technologie présentée lors du salon du Bourget, développée au sein de sa filiale Spartacus3D. Cette nouvelle activité, implantée dans une des forges du groupe, change la donne avec ses cycles beaucoup plus courts et l'arrivée de nouveaux types de clients. "Par exemple, on travaille désormais avec de jeunes designers et des bijoutiers : pour eux, le temps de cycle est de trois jours !" Une révolution dans un domaine où l'on compte plutôt en semaines et en mois.

Farinia se pense désormais comme une entité bicéphale, avec du "physique" et du "digital". "Depuis 5 ans, nous phosphorons pour trouver la bonne combinaison entre les deux. Nous avons créé des structures spécifiques et recruté des gens pour construire le meilleur mix possible" raconte Frédéric Guinot. Dans le numérique, le groupe développe tout particulièrement les services et outils associés à ses métiers, avec des logiciels CRM adaptés à son secteur et des outils de maintenance intégrant la réalité augmentée. La filiale Safir gère aussi les infrastructures cloud du groupe et pourrait mettre ses compétences à disposition d'autres entreprises.

Dans les cartons, pour les mois ou les années à venir : le lancement d'une marketplace, la mise en place d'une plateforme d'e-education ou le développement d'une offre d'optimisation des supply chains. "Nous investissons aussi de façon minoritaire dans des start-up, avec des tickets de 500 000 euros. Depuis 30 ans, je connais le ban et l'arrière ban de la fusion/acquisition en Europe, qui nous apporte des dossiers conventionnels. Nous ne sommes pas encore câblés avec le M&A digital, nous travaillons dessus. Très clairement, nous recherchons des acquisitions dans le numérique." A bon entendeur...

Pourquoi cet appétit affiché pour le numérique ? "La digitalisation nous a ouvert des opportunités auxquelles on ne pensait pas il y a deux ans. Elle nous permet aussi d'attirer de nouveaux talents. Reste à régler la question de la monétisation." Cela n'empêche pas Frédéric Guinot de rêver au milliard d'euros de chiffre d'affaires... il espère en réaliser 500 millions d'ici 5 à 10 ans grâce à son activité traditionnelle, mais ne se fixe pas de limite pour son activité numérique. Il se veut à la fois ambitieux, puisqu'il espère trouver l'équivalent d'Uber pour l'industrie, et humble : "nous savons que notre succès dans le digital dépendra avant tout de notre capacité à convaincre nos clients et nos collègues. L'effet réseau est fondamental."

Avant de convaincre ses confrères forgerons, Frédéric Guinot a déjà dû convaincre en interne. "Aujourd'hui, l'idée d'un digital  extrêmement présent est bien ancrée dans le groupe, mais cela n'a pas été facile. Cette vision a suscité des jalousies : des gens ont pensé que je n'aimais plus les machines." La volonté d'avancer vite se traduit aussi par des décisions "dictatoriales" (sic), "pour casser les silos" et imposer les mêmes outils informatiques à toutes les filiales. Dans cette évolution, Farinia est notamment accompagné par Octo et Sfeir. "Nous n'avons pas trouvé de réfractaire au sein du groupe : il y a un véritable intérêt pour cette transformation. Mieux : on a créé un sentiment de fierté. Nos douze sociétés sont en région : avec l'impression 3D, le pilotage à distance des machines ou nos investissements dans les énergies renouvelables, elles ont vraiment l'impression d'être en plein dans le XXIe siècle."

Comment expliquer une telle volonté de digitalisation ? "C'est avant tout une prise de conscience très personnelle : j'ai trois enfants, dont deux ingénieurs. Depuis 5 ans, ils m'expliquent que la forge ne les intéresse pas trop... Mon fils m'a abonné à Wired. Le moteur, c'est la curiosité."

Benoit Zante

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