Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Pourquoi les robots sont les smartphones de demain

Qui ?
Rodolphe Gelin, responsable de la recherche chez Aldebaran Robotics et auteur de "Le robot, meilleur ami de l'homme ?" aux éditions Le Pommier.

Quoi ?
La vision du leader mondial des robots humanoïdes, une entreprise française que le géant Japonais Softbank détient à 95% depuis mars 2015.

Comment ?

"La particularité d'Aldebaran, c'est d'avoir tout de suite visé le grand public, avec l'idée du robot pour tous" commence Rodolphe Gelin, qui nous reçoit au milieu d'une multitude de robots dans son showroom d'Issy Les Moulineaux. Mais avant de concrétiser cette vision, le chemin est encore long : la commercialisation des robots Nao et Pepper auprès du grand public n'est pas prévue avant 3 à 5 ans.

Nao, la plus connue des créations d'Aldebaran est un petit humanoïde articulé, qui danse, chante et fait des blagues. Il est vendu 5000€ HT auprès des entreprises et des écoles. Quelques chercheurs et développeurs, triés sur le volet, peuvent se le procurer à un prix préférentiel. Les particuliers, pour leur part, devront attendre.

Pepper, lui, est bien plus grand (1,20 m) et intègre une tablette. Conçu à l'origine pour répondre à une commande de Softbank, il est un parfait agent d'accueil, désormais utilisé au Japon dans des magasins de téléphonie ou des boutiques Nescafé. Pepper y est aussi vendu de façon limitée auprès des particuliers, avec succès : les 900 premiers modèles se sont écoulés en quelques heures. "Il est vendu à partir de 1500€, avec un abonnement de 36 mois. La téléphonie est un modèle qui nous inspire beaucoup : on peut imaginer vendre le robot avec des services, pour étaler le prix dans le temps."

La comparaison avec le monde du mobile ne s'arrête pas là. "Dès le début, l'idée a été de faire en sorte que nos robots soient programmables par n'importe qui." Comme pour les smartphones, c'est la richesse des applications disponibles qui fera l'intérêt des robots. Pour faciliter la tâche des développeurs, Aldebaran a créé sa propre interface de programmation, Choregraphe et s'appuie sur un système d'exploitation issu de Linux. "Mais nous sommes plus proches d'Apple que de Linux, même si de plus en plus de bouts de code sont publics" précise Rodolphe Gelin. Comprendre : il n'est pas prévu que l'OS soit utilisé par des robots conçus par des tiers, à l'image d'Android.

"Pour l'instant, on vend des robots, mais on ne sait pas trop ce que les gens en font" avoue Rodolphe Gelin. Des chercheurs étudient l'intelligence artificielle, testent des algorithmes de reconnaissance d'image ou travaillent à l'accompagnement des enfants autistes : les possibilités semblent infinies. A l'école, des professeurs ont commencé à l'utiliser pour donner des cours de robotique, puis de math, de physique ou de langue. Des agences se sont aussi lancées sur le créneau des applications pour Nao. Des entreprises comme BNP Paribas (lire notre article) ou AXA Assistance figurent parmi les early adopters du robot.

https://www.youtube.com/watch?v=Vqsun8gasLs&authuser=0

Le dernier projet d'Alderaban, Roméo, est actuellement utilisé par quatre laboratoires de recherche pour étudier les possibilité ouvertes par la robotique dans le traitement de la dépendance. "Nous avons voulu tester des robots avec des jambes plus grandes, mais surtout, étudier les usages, en observant comment les personnes âgées et leur entourage interagissent avec." Les concepteurs de robots se retrouvent ainsi aux croisements de la mécanique, de la sociologie, du design, de l'ergonomie et de la santé. "La difficulté, c'est que soit les gens n'ont jamais vu de robots et ne savent donc pas quoi en faire, soit ils ont vu trop de films de science-fiction, et ont donc des attentes démesurées."

En parallèle, les freins culturels à l'adoption des robots sont encore nombreux. Pour les contrer, Aldebaran mise sur l'éducation, au niveau de l'Union Européenne, en organisant des cours de code ("on peut apprendre à programmer sur Nao dès l'âge de sept ans") ou en ouvrant grand les portes de son "atelier" d'Issy-Les-Moulineaux. "Nous voulons montrer comment ça marche à l'intérieur, désacraliser le robot. Quand on sait comment fonctionnent les choses, on en a moins peur. Mais tout le monde n'a pas forcément envie d'avoir un robot. Ce sera comme le téléphone portable : si on n'en veut pas, on pourra s'en passer." Même si cela signifie se priver de nombreux services ?

Comme pour les smartphones, le design et les fonctionnalités des robots seront donc fondamentaux pour les faire entrer dans le quotidien des gens. "Bruno Maisonnier [le fondateur de l'entreprise] a imaginé Nao avec des étudiants en design et a dit aux ingénieurs de le concevoir. Et il l'ont fait. C'est de cette façon que l'on trouve la rupture, en imaginant des solutions." Une approche entièrement tournée vers l'utilisateur, qui rappelle celle d'Apple. D'ailleurs, Aldebaran travaille avec Foxconn, l'assembleur des iPhones, "un spécialiste de la production en très grande série", devenu un symbole des ambitions de l'entreprise.

L'acquisition de la start-up française par Softbank, par deux étapes successives en 2012 et 2015, s'est accompagnée de bouleversements importants : départ des premiers employés, vagues d'embauches puis de licenciements, jusqu'au départ du fondateur, Bruno Maisonnier en février 2015. De quoi ébranler cette vision ? "On sait qu'il y a encore pas mal d'argent à mettre, il fallait quelqu'un prêt à investir massivement pour devenir numéro 1" justifie Rodolphe Gelin.

L'entreprise compte désormais plus de 450 employés dans le monde, dont 380 en France. Entre la culture asiatique de la robotique, spécialisée dans les robots humanoïdes, et le "pragmatisme" des américains, porté par l'électroménager et l'industrie militaire, un acteur européen - certes détenu et financé par un japonais - a-t-il une chance ? Et ce, alors que les plus grands, comme Sony avec son Aibo, s'y sont cassé les dents. "Nous sommes les premiers à avoir vendu des robots de service en très grandes quantités, nous sommes parvenu à sortir des prototypes qui existaient depuis vingt ans mais n'avaient pas trouvé leur modèle économique."

Le jour où Nao et ses petits frères se vendront comme des petits pains, qu'est-ce qui empêchera les géants de s'y mettre ? "Des entreprises comme Samsung ou Google ont bien sûr tout ça dans leurs plans. Microsoft aussi a fait, pendant un temps, beaucoup d'acquisitions dans ce domaine, mais on en entend moins parler. Aujourd'hui, notre savoir-faire dans l'interaction homme-machine ou notre design peut être copié. Il faut donc que nous restions en avance, en orientant notre R&D sur les technologies qui feront la différence." Aldebaran n'a pas vraiment le choix : "nous avons tout misé sur le robot humanoïde, on ne peut pas se planter et se mettre à faire des robots aspirateurs" conclue Rodolphe Gelin.

Benoit Zante

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