Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Les politiques descendent le Web par la censure

Qui ?
Arnaud Sieux, directeur général en charge du numérique de l'agence Change.

Quoi ?
Une tribune en réaction  à la censure politique du Web, qui n'est pas réservée aux dictatures.

Comment ?
Le web n’arrête pas d’être mondial, mais les politiques sont, elles, toujours bien nationales, et sourdes à la réalité du web. Après les tentatives successives de "taxe Google", en contradiction flagrante avec les traités européens qui permettent de vendre en France depuis l’Irlande (et inversement), deux exemples récents nous l’ont rappelé.

Dans l’affaire du soit-disant bug Facebook, à peine la rumeur s’était-elle enflammée sur Twitter que pas moins de 2 ministres ont sommé Facebook de "venir s’expliquer devant la CNIL", puis très vite envisagé de mettre une amende qu’on imagine salée pour "non-respect de la vie privée". On n’en a vite plus entendu parler dès que la probabilité d’un vrai bug a considérablement baissé.

Au Brésil, les politiques sont allés beaucoup plus loin, jusqu’à faire arrêter le président de Google Brésil pour ne pas avoir retiré une vidéo de YouTube, jugée diffamatoire par un candidat à la mairie de la capitale du Mato Grosso. L’appel de Google rejeté, YouTube n’a eu d’autre choix que de s’exécuter.

Quand l’Allemagne décide de faire payer Google pour indexer ses journaux, ce qui n’a pas manqué de donner immédiatement des idées aux éditeurs français, on bascule directement dans la censure. Le lien hypertexte, c’est l’essence même du Web. Pas depuis Google ou Twitter, mais depuis son invention. Le 2 août 1991, Tim Berners-Lee écrivait sur les forums du Cern, au tout début de ce qui n’était encore qu’un projet : « The WorldWideWeb project aims to allow links to be made to any information anywhere ». Le lien, c’est la base de la communication, de l’information en ligne, de l’e-commerce, du buzz viral ou de Wikipédia. Sans lien pas de web. Sans web…

Nous savions nos dirigeants déconnectés, on les découvre censeurs, à rebours de toutes les évolutions sociales, et en contradiction flagrante avec la liberté d’expression qu’ils ne cessent de revendiquer. Les lois DADVSI n’ont heureusement pas réussi à passer au Parlement Européen, mais gageons que d’autres tentatives ne manqueront pas d’émerger.

Les gouvernants, quelque soit leur pays ou leur bord politique, ne comprennent pas Internet ou alors ils font semblant. Cela reste pour eux un espace difficile à appréhender, échappant à leur contrôle donc menaçant. Ils déclarent vouloir nous protéger en régulant ce véritable espace de liberté alors que cela n'a aucun sens. Le CSA a-t-il vocation à surveiller et réguler les chaines étrangères, sous prétexte qu’elles peuvent être potentiellement vues en France ? Quelle instance nationale peut prétendre vouloir réguler un web mondial ? Ont-ils conscience qu'interdire Youtube pour supprimer une vidéo reviendrait à couper le téléphone pour empêcher une rumeur de circuler?

A l'opposé de ce que prétendent les politiques, réguler est d'évidence plus proche de contrôler que de protéger. Gageons que les Internautes que nous sommes n'entrerons pas davantage demain qu'aujourd'hui dans ce jeu de dupes.

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