Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

Ce studio invente les codes du storytelling en réalité virtuelle

Qui ?
Félix Lajeunesse et Paul Raphaël, co-fondateurs, et Ryan Horrigan, CCO de Felix&Paul.

Quoi ?
Une "classe de maître" de ce studio québécois reconnu unanimement comme le plus avancé dans le domaine de la réalité virtuelle "cinématographique", qui a collaboré avec Le Cirque du Soleil, la Maison Blanche ou Jurassik World.

Comment ?

En 2014, à SXSW, juste quelques semaines avant le rachat tonitruant d'Oculus par Facebook, Felix&Paul initiait une poignée d'early adopters à la réalité virtuelle - d'ailleurs, à l'issue de leur masterclass 2017, l'un de ces privilégiés les a remerciés : depuis la révélation de 2014, il a tout quitté pour se lancer dans la VR...

Le studio présentait alors son premier film, "Stranger with Patrick Watson", une immersion ultra-réaliste dans le studio d'un pianiste. Trois ans plus tard, Felix&Paul est devenu la référence mondiale de la réalité virtuelle "cinématique", grâce à plusieurs collaboration avec le Cirque du Soleil (lire notre article), Bill Clinton, Barack et Michelle Obama, ou Fox.

Depuis, fort peu de réalisateurs sont parvenus à reproduire l'effet de "présence", leur marque de fabrique si difficile à atteindre : cette sensation d'exister corporellement dans un monde autre que le monde physique où le corps se trouve. "La présence n'est pas quelque chose d'automatique : vous devez vraiment la cultiver, pas seulement vous contenter de poser votre caméra quelque part. Nous y pensons constamment, du synopsis au choix des acteurs, de la musique et jusqu'au montage" explique Ryan Horrigan.

"Pour Strangers, nous cherchions à créer une relation, un lien émotionnel entre le spectateur et le protagoniste. Pour cela, nous avons considéré la caméra comme  une vraie personne" explique Félix Lajeunesse. Le pianiste a ainsi été chargé de se comporter face à la caméra de la même façon que si un ami venait lui rendre visite en plein travail créatif.

Pour Miyubi, le projet le plus long de la courte histoire du studio - et peut-être même de la VR -, avec 40 minutes de film et de nombreux acteurs, dont des enfants et des robots, le défi était encore plus complexe. "L'hyperréalisme de la réalité virtuelle cinématographique agit comme une loupe sur ce qui sonne faux ou artificiel dans la scène" explique Félix Lajeunesse.

Le film a demandé beaucoup de préparation, mais aussi une bonne dose d'improvisation aux acteurs, pour conserver la fraîcheur du jeu. Afin de créer un lien entre le spectateur et les scènes qui se déroulent sous ses yeux, celui-ci se trouve projeté dans un robot. "Avec le point de vue du robot, toute les 40 minutes de film sont cohérentes. Il tombe en panne de batterie, s'éteint, se recharge et on change de scène."

Pour la série "Nomads", qui projette les spectateurs au cœur de la vie de tribus Mongoles ou Masai, "il fallait devenir un local, totalement intégré dans la vie de la communauté."

Les premiers films de Felix&Paul étaient statiques, mais le studio maîtrise de mieux en mieux le mouvement. "Quand il y a mouvement, il faut toujours  une justification : ça peut être un souvenir dans lequel on flotte, une barge qui avance sur l'eau, un robot... pour éviter le sentiment d'inconfort pour le spectateur" explique Paul Raphaël.

Trop souvent, les réalisateurs de VR oublient les bases de la composition des plans. "Quand vous créez un film en réalité virtuelle, il faut penser à vos trois plans. Le premier plan vous propulse vraiment dans la scène. Pour 'Nomads : Sea Gypsies', on est physiquement immergé dans l'eau,  le spectateur fait partie de la scène."

L'avance de Felix&Paul est aussi technologique : le studio a développé ses propres outils de post-production et caméras. "Aucune caméra du marché ne nous permettent de faire vraiment ce qu'on veut. Depuis trois ans, on a conçu toutes nos caméras,  des prototypes, notre business model n'est pas de les commercialiser" explique Félix Lajeunesse.

Pour "The People's House" Felix&Paul a aussi développé ses propres robots pour gérer les mouvements de la caméra et donner l'impression de flotter dans les pensées du couple Obama. L'innovation est aussi présente au montage : pour "Dreams of O", qui se déroule dans un univers onirique où les lois de la gravité n'ont pas cours, la post-production a nécessité la conception d'outils pour assembler différentes scènes filmées à 360°.

Enfin, l'écriture est aussi au cœur du processus créatif : pas moins de 24 scénaristes, venus du cinéma, mais aussi de la littérature et du théâtre, travaillent pour le studio. "Nos scénarios ressemblent à ceux du cinéma classique. Dès le début ils sont pensés pour la VR. On peut bien essayer d'adapter des concepts venus du cinéma ou de la télévision, mais c'est bien plus efficace en partant de zéro" estime Ryan Horrigan. "Nous voulons créer des histoires qui ne peuvent exister qu' en réalité virtuelle, sinon ça n'a pas d'intérêt".

Benoit Zante

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