Newsletter du Lundi
11/12/23

Paru le

A-t-on encore besoin du CES ?

Qui ? 
Xavier Dalloz, consultant, ambassadeur en France du CES, qui a emmené cette année 200 personnes au salon de Las Vegas. C'est à lui que l'on doit notamment la notion d'ATAWAD.

Quoi ? 
Une interview réalisée par notre envoyé spécial au CES de Las Vegas, Georges-Edouard Dias, co-fondateur de Quantstreams.

Comment ? 

Quelle sera l’innovation qui va marquer l’année ?

Tous les 10 ans, depuis 1954, il y a un véritable tournant dans le monde digital. Du Main Frame en 1964, au Micro en 74 ; le Mac en 84, l’Internet en 94, le web 2.0 en 2004... La nouvelle fracture ce n'est pas l’Internet des objets, mais l’internet des gens (Internet of Me) ; des gens connectés entre eux par ces objets. La création de valeur va passer des équipements (les objets) vers les services (l’expérience).Le consommateur n’achètera plus l’objet (la balance) mais le service attaché à l’objet (mon programme nutrition) créant ainsi une audience des balances qui sera vendue à des opérateurs très intéressés (sport, alimentation, santé,...) Le produit sera à 1€, seul le service se paiera. Et cela vaudra aussi pour les voitures...

Comment ce tournant se manifeste-t-il au CES cette année ?

Et bien, il n’y a plus un CES, mais trois qui se déroulent en même temps. Au Las Vegas Convention Center, (Tech East) se retrouvent les acteurs traditionnels de la technologie, ceux qui fabriquent les ordinateurs, les télés, les voitures... Ils perdent de leur importance, car aujourd'hui l’objet n’est plus une fin en lui même : il a pour vocation d’être vendu sous forme de modules – (open hardware, plateformes) et d’être augmenté par des services qui vont être les véritables sources de valeur pour le consommateur et donc l’entreprise. Au Sand, c’est le royaume des objets connectés,  porteur du business et du CES de demain. C’est le début de la chute de Samsung comme on l’a vécu avec Sony : des modèles technologiques et économiques complètement dépassés. Celui qui va gagner demain, c’est celui qui va comprendre ce que le citoyen consommateur est prêt à garder avec lui pour toujours (des produits qui transforment sa vie). Et enfin il y a le C-Space à l’Aria, qui regroupe les professionnels de la communication. C’est un combat d’arrière garde où l’on essaye de défendre un modèle publicitaire imaginé dans le but de vendre ce qui a été produit alors qu'aujourd'hui on a des média qui vendent  sans qu’il soit besoin de produire. Je ne vois pas de logique à ce C-Space.

Alors, ça va péter en 2016 ? 

C’est probablement le dernier CES de cette dimension. Le CEA, l'organisateur du CES,  l’a parfaitement compris en le découpant en petits morceaux. A force de découper il va y avoir le salon du smart home, le salon des imprimantes 3D, le salon du fitness, le salon du sport connecté... ce n’est pas tant de voir des objets qui importe, indépendamment des services, des expériences. Et comment un salon peut-il montrer des expériences ?
Le COMDEX, qui se focalisait sur les objets, pas sur les expériences, a disparu. Le CES que tout le monde attend c’est le Citizen Electronic Show, c’est la vie, dans le lieu de vie. Cela doit prendre une nouvelle forme.

Et si tout de même le CES a lieu en 2016, vous irez ?

Je ne suis pas sûr de venir l’année prochaine. En 2015, dans la logique de l’internet des gens, il n’y aura pas besoin d’aller à Las Vegas, on fera cela à distance, par Internet. On ne va pas aller à Vegas pour voir des services re-matérialisés en objets pour qu’on puisse les exposer ! La voiture de demain, c’est un service de mobilité que l’on re-matérialise dans un objet qu’on appelle ou non voiture.. On ne définit plus son métier par son savoir faire technique, on définit son métier par le service qu’on vend... je vends une voiture sans avoir aucun contact avec le conducteur, je la vends au passager... qui a l’usage de l’objet. C’est la voiture qui va chez le commerçant, à l’hôtel, c’est le service de la voiture qui apporte un business. L’enjeu pour le constructeur de la voiture de demain, c’est la monétisation du service de mobilité. Ce n’est pas cela qui fait un salon et la raison d’y aller.

Alors pour vous, cette présence massive de la France, au CES, c’est une perte de temps ?

L’enjeu pour la France, c’est une question de survie, c’est la conquête par le numérique d’un marché potentiel de 7 Milliards d’individus. Pour la France, il y a là une ambition forte pour nos marques : il est intéressant de voir ce que nos marques font avec les technologies pour transformer la vie des gens. SNCF, Renault,... que font-ils pour nous grâce à la technologie ? Comment vont-il porter la transformation des usages ?
Il faut voir grand, avoir une vision et pour voir grand, on ne peut plus voir seul : la logique de partenariat est fondamentale. Un acteur qui veut travailler seul aujourd'hui a perdu, il n’a pas besoin d’imaginer plus loin. Et c’est ce qui intéressant de CES, c’est de voir comment on va partager ensemble pour y arriver. Je suis intimement convaincu que la France est là pour gagner, et le critère majeur de cette réussite s’appelle la confiance.

Pour aller dans ce sens, qu’allez vous dire à Emmanuel Macron et à Pierre Gattaz si vous les rencontrez?

A Emmanuel Macron, qu’il faut arrêter avec ces systèmes de subventions, qui ne servent à rien ; les entreprises ont besoin avant tout de marchés et son rôle est de créer les conditions pour que ces marchés arrivent naturellement : apprendre aux entreprises à conquérir le monde en satisfaisant ces marchés, non pas à écoper des subventions. Quant à Pierre Gattaz, son message doit porter sur la nécessité pour les entreprises de se transformer à l’ère du numérique, non pas seulement par elles-mêmes mais en faisant des partenariats avec ceux qui ont les savoir-faire technologiques. Il n’y a pas en France d’écosystème physique de collaboration entre tribus, en liaison avec des marchés et des chercheurs : la nouvelle génération est en attente de quelqu’un qui leur dirait "collaborons, travaillons ensemble". Il y a tout ce qu’il faut, mais ce qui manque c’est la volonté de voir grand. Alors s’il faut aller au CES pour passer ce message aux Français, pourquoi pas ?

Mais aller au CES, c’est tout de même se rapprocher pour nos jeunes pousses de la Silicon Valley ?

Passer par la Silicon Valley pour réussir, c’est dépassé. Les Israëliens n’ont pas besoin de la Silicon Valley pour réussir. La Silicon Valley est un endroit d’échange de savoirs, mais ce n’est pas un marché. Ce n’est pas le savoir faire technologique dont on a besoin, c’est d’être près des clients, et c’est là qu’il faut être.

Propos recueillis par Georges-Edouard Dias

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